Gérard Perrin, président du GNTC

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Président du Groupement national des transports combinés (GNTC) et P-dg des Transports Guyon (84), Gérard Perrin connaît depuis une vingtaine d'années les questions relatives au système mixte rail-route qu'il défend coûte que coûte. Quitte à reconnaître les difficultés auxquelles cette technique doit faire face : les enjeux politiques, les médiocres prestations de la SNCF et les mouvements sociaux...

Adhérent depuis 1984, président de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur depuis 1995, c'est le 31 janvier 2001 que Gérard Perrin a été élu président du Groupement national des transports combinés (GNTC). Il a ainsi remplacé Pierre Fumat qui demeure vice-président et trésorier de l'organisation. Laquelle s'est tout d'abord appelée Syndicat national des transports mixtes rail-route (SNTM) à sa création en 1945, Syndicat national des transporteurs combinés (SNTC) en 1968 puis GNTC en juin 1976. Elle a pour vocation de représenter ses membres auprès des administrations, du ministère des Transports et des opérateurs. Regroupant une soixantaine d'entreprises routières utilisant le transport combiné rail-route, elle se veut une véritable force de proposition. Elle est en relation avec Novatrans pour les aspects relatifs aux chantiers combinés et avec la SNCF pour les problèmes d'infrastructures ferroviaires.

Gérard Perrin dirige depuis septembre 1987 les Transports Guyon, une entreprise réalisant 30 % de ses trafics par le biais du rail-route. Avec 140 MF de chiffre d'affaires annuel, Guyon se positionne parmi les cinq premiers utilisateurs français du combiné, qu'elle a exploité dès les années soixante sur la ligne Paris-Avignon. Filiale de Darfeuille Associés (42) depuis 1995, les Transports Guyon sont passés sous le giron du Britannique Christian Salvesen lorsque ce dernier a racheté leur société mère en novembre 2000. Ils appartenaient auparavant à Rouch Transports, eux-mêmes rachetés par la Savam en 1986. C'est dans cette dernière entreprise que Gérard Perrin a débuté sa carrière de transporteur en 1983, après avoir passé quelques années dans le secteur du tourisme.

Rail-Route Une solution exploitable rapidement

L'Officiel des Transporteurs Magazine : L'accident du tunnel du Gothard le 24 octobre relance le débat sur les solutions alternatives à la route. Dans quelle mesure le transport combiné pourrait décongestionner en partie le trafic transalpin ?

Gérard Perrin : La technique mixte rail-route, qui permet de transporter caisses mobiles ou semi-remorques, est une solution exploitable immédiatement. Elle peut résoudre un certain nombre de problèmes pour des distances supérieures à 500 km. Mais des moyens supplémentaires sont nécessaires, notamment un plus grand nombre de locomotives et de conducteurs. Nous regrettons d'ailleurs que les média n'abordent pas suffisamment les questions relatives au combiné. Jean-Claude Gayssot, ministre des Transports, se focalise trop sur le ferroutage, la liaison Lyon-Turin et les wagons Modahlor. Des techniques intéressantes qui doivent être étudiées mais auxquelles on ne doit pas consacrer tous les crédits. D'autant qu'elles ne seront opérationnelles qu'à long terme et qu'elles ne constituent pas une solution efficace pour les trafics régionaux. Par exemple, pour le service qui sera mis en place par la SNCF et le fabricant alsacien de wagons Lohr fin 2002 - début 2003 entre la Savoie et Orbassano en Italie, les transporteurs lyonnais devront parcourir près de cent kilomètres pour se rendre au futur chantier de transbordement d'Aiton (73). Ils généreront donc un trafic poids lourds important, ce qui provoque d'ores et déjà de vives réactions de la part des habitants de la vallée savoyarde.

SNCF Une non-qualité due au social

OTM : Comment expliquez-vous les problèmes de non-qualité de la SNCF ?

G. Perrin : Le mauvais fonctionnement de la SNCF est dû au manque de machines et à leur ancienneté. Son parc est âgé en moyenne de 25 à 35 ans. Certes, 600 locomotives spéciales fret ont été récemment commandées, dont une centaine à peine ont été livrées. Mais 400 d'entre elles sont des investissements de remplacement. La SNCF pâtit également d'une insuffisance de conducteurs, notamment en période de vacances scolaires ou pour des événements particuliers. Cette année lors de la fête de la musique, nous n'avons pas pu acheminer nos caisses chargées de marchandises parce que des trains supplémentaires avaient été mis en place pour ramener les voyageurs après les festivités. Mais les problèmes de non-qualité de la SNCF s'expliquent surtout par les grèves. Celles-ci sont parfois simplement dues à des querelles entre syndicats, Sud Rail et la CGT notamment. Par exemple pour le mouvement du mois d'avril, le projet Cap Clients présenté par Louis Gallois - et auquel il a dû renoncer - n'a été qu'un prétexte. 80 % des salariés de la SNCF avaient en effet voté pour cette réforme.

Bilan Un retard de 20 ans

OTM : Quel bilan pouvez-vous dresser aujourd'hui pour l'activité rail-route en France?

G. Perrin : Le mode combiné a progressé de 15 % de janvier à septembre 2001 alors même que le fret géré directement par la SNCF a chuté de 10 %. Ses utilisateurs sont presque tous actifs dans le transport de lots complets. Les entreprises de messagerie ne font plus appel au rail-route, pour des problèmes de fiabilité. C'est dommage car elles représentent une partie importante des mouvements de marchandises. En 1985, nous savions déjà que le trafic routier doublerait d'ici 1995 et que des solutions alternatives devaient être échafaudées. Mais, les gouvernements successifs n'ont pas su anticiper. Ainsi, le développement du combiné accuse un retard d'une vingtaine d'années. Il est aussi pénalisé par des prix de traction élevés et de médiocres prestations (retards répétés) de la SNCF, qui n'a aucune volonté d'améliorer la situation. En signant la charte 95/20 avec la FNTR (Fédération nationale des transports routiers), Novatrans et le GTNC en mars 2000, la SNCF s'est engagée à ce que 95 % des trains affectés au rail-route respectent les horaires à une demi-heure près. Étaient concernées les lignes Paris-Toulouse, Paris-Avignon et Paris-Marseille. Aujourd'hui, la compagnie ferroviaire est parvenue à un taux de régularité de 92 % contre 88 % il y a onze ans. C'est mieux mais encore insuffisant pour les activités de groupage. De plus, aucune innovation majeure n'a été effectuée ces dernières années par la SNCF, à l'exception des trains à grande vitesse qui ont raflé la majeure partie des crédits.

Conséquences des grèves Perte de trafics et de clients

OTM : Quelles sont les conséquences des grèves successives des salariés de la SNCF sur le transport combiné ?

G. Perrin : Le mouvement social d'une journée en octobre 2001 a entraîné l'absence totale de trains de fret pendant trois jours. L'organisation des utilisateurs du rail-route a ainsi été perturbée pendant une semaine, ce qui a généré d'importantes pertes financières. Mais ce n'était rien par rapport à la grève de quinze jours en avril. Une période pendant laquelle la SNCF a donné la priorité aux trains de voyageurs. Nous avons ainsi perdu des trafics mais aussi des clients. Certains chargeurs nous ont demandé de revoir notre politique d'acheminement car ils n'ont plus confiance dans le combiné. En utilisant cette technique plutôt que la route, nous sommes davantage pénalisés lorsqu'un problème survient. Entre 7 et 10 caisses peuvent être bloquées sur un train, alors que seul un camion est immobilisé en cas d'embouteillage, de panne ou d'accident. La compagnie ferroviaire française a indemnisé ses clients suite à la grève mais le rail-route a été mal servi.

Le développement du combiné passe par une amélioration de la performance des trains : la SNCF doit donc être réformée. Il faudrait notamment créer un service de conducteurs spécialisés dans le fret. Les pouvoirs publics devraient aussi exiger une réglementation plus stricte au niveau social.

Budget 2002 Combiné, le grand perdant

OTM : En baissant les aides allouées au transport combiné, le gouvernement français ne semble pas vouloir en favoriser le développement. Quelle a été votre réaction à l'annonce du budget 2002 du ministère des Transports?

G. Perrin : Le rail-route est le grand perdant. Les subventions qui lui sont accordées passeront en effet à 262 millions de francs l'année prochaine, contre 620 millions de francs en 2001. Et sur ces 262 MF, 12 MF seront consacrés au seul transport fluvial. Nous sommes d'autant plus mécontents que ces décisions ont été prises sans aucune concertation ni débat avec les professionnels. Nous faisons face en outre à un manque de transparence de la distribution et de la répartition des aides. Qui a touché les 620 MF accordés en 2001 ? Louis Gallois aurait laissé entendre que cette somme a servi à financer les 35 heures et une partie des pertes du Sernam. Le transport combiné n'aurait reçu que 15 millions de francs, selon les on-dit. Nous voulons dénoncer haut et fort cette opacité. Nous avons donc demandé plus de transparence au ministère des Transports, qui s'est engagé à faire le nécessaire. Nous voudrions notamment que les aides soient versées directement aux opérateurs.

Obstacles au développement Des chantiers anciens et saturés

OTM : Hormis les problèmes liés à la SNCF, quelles autres difficultés rencontrent les utilisateurs du rail-route ?

G. Perrin : Nous sommes pénalisés par la saturation et l'état des chantiers de transbordement. Nombre d'entre eux sont anciens et le matériel de manutention tombe fréquemment en panne. Tous ces éléments ont des conséquences sur la qualité du service. En cas de problème sur un chantier, jusqu'à 30 conducteurs routiers peuvent être obligés d'attendre. La technique du rail-route souffre aussi de la situation géographique des chantiers. En Ile-de-France plus particulièrement, ceux de Novatrans deviennent de plus en plus difficiles d'accès à cause de l'encombrement des routes, entraînant des surcoûts importants et une perte de productivité. Au moins deux nouveaux chantiers doivent être construits en Ile-de-France, entre Marne-la-Vallée et le Nord de la région. Contrairement aux idées reçues, les travaux peuvent être effectués rapidement et pour un coût acceptable s'ils sont confiés à un seul opérateur. Celui de Novatrans situé à Mouguerre (64), ouvert en mai 2001, a été bâti en un an et demi. Pour les autres régions, les chantiers ont besoin d'être agrandis et améliorés, comme celui d'Avignon (84). Il faudrait par exemple augmenter la capacité de stockage des caisses mobiles.

En Europe Le problème des disparités nationales

OTM : Si le combiné a des difficultés à se développer en France, qu'en est-il au niveau européen ?

G. Perrin : En Europe, nous faisons face à des problèmes d'ancienneté des infrastructures, aux différentes politiques de chaque Etat membre et à la diversité des organisations sociales. Dans ces conditions, il paraît difficile d'avancer. Nous avons notamment un manque important pour desservir l'Allemagne, un pays où de nombreux trafics nationaux sont pourtant réalisés par l'intermédiaire des caisses mobiles. C'est pourquoi, sous l'impulsion de Pierre Fumat, a été créé un Groupement européen des transports combinés (GETC) en octobre 1998. Cet organisme, basé à Paris, regroupe l'Espagne, la Grande-Bretagne la Belgique et l'Italie. Des pourparlers sont en cours avec les Pays-Bas et la Suisse. Yves Laufer, délégué général du GETC et ancien salarié de Calberson, apporte ses connaissances en matière de fret européen. Il nous informe également sur les textes publiés par la Commission européenne.

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