Un an et demi après avoir été repris par La Poste, DPD France disparaîtra fin 2001. Le groupe public se désengage donc en France du segment colis d'entreprise à entreprise qu'il n'estime « pas viable en l'état » et dont il juge que la « rentabilité n'est pas satisfaisante » (Les Échos du 23 novembre). La liquidation de DPD devrait être officiellement annoncée par Martin Vial, président de La Poste, le 18 décembre à l'occasion du prochain conseil d'administration du groupe. Évoquée le 19 novembre lors d'un comité d'entreprise, l'éventualité d'une telle fermeture a provoqué une levée de boucliers du côté des syndicats (cf. encadré). La direction a temporisé dès le lendemain en déclarant à l'Agence France Presse, « dire que La Poste envisage de fermer cette filiale est un peu trop affirmatif, car nous sommes en amont dans la réflexion ». Gilles Moutel, président de Chronopost et membre du comité exécutif de Geopost*, confirmait dans les colonnes du quotidien Le Monde du 21 novembre : « la question de la fermeture de DPD France se pose, plusieurs pistes restant toutefois à l'étude ». Le même jour, c'est pourtant bien la suppression pure et simple de cette société qui était annoncée aux directeurs d'exploitation des sites DPD et aux sous-traitants.
. Explication avancée : DPD France serait « proche du dépôt de bilan ». Selon plusieurs sources non officielles, les pertes de DPD France seraient de l'ordre de 150 à 200 MF. Cette somme intègre-t-elle le déficit de Dilipack ? Les comptes de cet « opérateur interne » axé sur le monocolis et créé en 1997 sont noyés dans ceux de La Poste. Ceux de DPD sont à peine plus transparents puisque le rapport annuel 2000 de La Poste n'en révèle que le chiffre d'affaires de 200 MF. Le même document avance un CA de 810 MF pour Dilipack. Pour ajouter à la confusion, les activités des deux entités ont été fusionnées en juin 2001 au sein de DPD. En avril 2002, les 39 agences de Dilipack auront ainsi disparu et ses 1400 salariés sont en voie de reclassement au sein du groupe. Les 300 personnes qui constituent l'effectif de DPD vont être amenées à subir le même sort dans le cadre du « projet de liquidation amiable avec reclassement en CDI ferme » suggéré le 19 novembre. Les sous-traitants du réseau monocolis devraient également profiter de cet effet groupe et se voir proposer de travailler pour Chronopost (plus de 4 MdF de CA). C'est cette filiale spécialisée dans la livraison express de plis et colis qui devrait récupérer l'essentiel des trafics de DPD tandis que TAT Express (1,2 MdF de CA) assurera les liaisons entre les dépôts. Cette dernière étant axée sur une activité de messagerie plus industrielle. Le nombre de « monocolis » que ces deux structures prendront en charge devrait être très inférieur aux volumes traités actuellement par DPD. Les contrats les moins rentables seraient en effet en train d'être dénoncés auprès des clients de ce service. La fermeture de DPD va amener La Poste à rendre quelques comptes à Dubois/ABX, Heppner, Logistrans, Régis Martelet, Rochais Bonnet, STG, les fondateurs et ancien propriétaires de ce réseau. Aux termes de la transaction de vente, ceux-ci (à l'exception de Régis Martelet) ont abandonné l'exploitation de la marque DPD. Mais tous ont conservé un « droit d'accès » au réseau. La Poste devra donc leur proposer une alternative pour le traitement de leurs envois. Ces entreprises se partagent en outre toujours 33 % de la société de gestion de la franchise. En juin 2000, après 18 mois de tergiversations, La Poste via Geopost n'avait en effet acquis que 67 % de cette structure pour une somme estimée à 140 MF. DPD France réalisait à cette époque un CA de 280 MF, son résultat n'était « pas encore tout à fait à l'équilibre en 1999 mais devrait l'être en 2000 », déclarait Bertrand de Mascarel, alors « patron » de la branche colis du groupe.
Celui-ci expliquait que la reprise de DPD ne relevait de toutes façons pas de considérations financières mais d'une stratégie européenne. Il s'agissait en effet de devenir le franchisé français du réseau européen Direct Parcel Distribution que La Poste avait l'ambition de conquérir. Elle s'y est employée à partir de fin 1998 en rachetant l'Allemand Denkhaus, un des pivots du système DPD. Elle ne parviendra à prendre réellement le contrôle du réseau qu'en février 2001 au terme de nombreuses et coûteuses acquisitions. Pour s'offrir les derniers 25 % qui lui ont permis de porter sa participation à 85 %, elle aurait ainsi dépensé plus de 2,7 milliards de francs. Cette croissance externe lui a permis de se glisser sur le premier marché européen du colis : l'Allemagne où DPD occupe la deuxième place juste derrière Deutsche Post avec un CA de 2,76 milliards de francs. Elle lui a également ouvert le Vieux Continent. La franchise mise en place par DPD Allemagne couvre en effet 18 pays où le groupe français s'est aussi offert certains des correspondants du réseau (Mayne Nickless en Grande-Bretagne racheté en novembre 2000). Résultat : La Poste revendique aujourd'hui la place de N°2 européen du monocolis entreprise à entreprise. Payante en terme de prises de parts de marché, cette politique se révèlerait beaucoup moins intéressante financièrement. Selon Les Échos, Geopost Allemagne (la holding chapeautant les filiales et participations prises dans le réseau allemand) contribuerait en effet largement au déficit de 600 millions de francs de la division colis du groupe postal. « L'esprit de conquête » et la « stratégie de croissance offensive » qu'affichait le groupe dans son rapport annuel 2000 semblent s'être évanouis en même temps que Bertrand de Mascarel, qui a quitté la présidence de Geopost en septembre dernier pour être remplacé par Paul-Marie Chavanne. Jusqu'à remettre en cause les ambitions européennes de La Poste sur le marché colis et logistique ?
*Geopost : holding regroupant les filiales et participations de La Poste dans le colis et la logistique
L'éventualité d'une fermeture de DPD France annoncée le 19 novembre lors d'un comité d'entreprise a provoqué des réactions immédiates de la part de tous les syndicats de salariés de La Poste. Sud-PTT a été la première organisation à transmettre l'information à l'AFP. « Comment accepter qu'une entreprise comme La Poste, qui se veut tournée vers l'avenir, puisse s'être trompée à ce point en annonçant le dépôt de bilan d'une entreprise acquise très chère en 2000 et présentée comme l'affaire du siècle ? », s'est demandé l'UNSA avant de conclure : « dans le privé, quelle serait la sanction infligée par les actionnaires à un président ». « La prise de contrôle de DPD par l'exploitant public a toujours été présentée comme un succès stratégique majeur permettant à La Poste d'affronter sereinement la concurrence en Europe », s'est étonnée FO Communication. La CFDT s'est, elle, interrogée « sur la stratégie commerciale et industrielle suivie par La Poste sur le marché du monocolis d'entreprise à entreprise après l'annonce en fanfare de la prise de contrôle de DPD France en juin 2000 ».
Entre avril et septembre 2001, l'entreprise britannique Consignia (ex-Post Office) a vu son déficit se creuser de 148,6 % par rapport à la même période 2000. Celui-ci atteint 281 millions de livres sterling après éléments exceptionnels (451,7 M€). Responsable désignée : Parcelforce, la division colis du groupe. Dans le rouge depuis 10 ans, celle-ci a enregistré au cours de ce semestre des pertes opérationnelles de 100 M£ (160,7 M€) qui pourraient s'élever à 200 M£ (321,5 M€) sur l'ensemble de l'exercice 2001/2002. Pour tenter de résorber ses difficultés financières, Consignia (4 Md£ de CA) a prévu de réduire ses coûts de 15 % d'ici 2003. Elle envisage notamment d'instaurer des aides financières afin d'inciter les chauffeurs livreurs salariés de Parcelforce à se mettre à leur compte. Le projet a suscité le mécontentement du syndicat Communication Workers Union (CWU) qui menace d'appeler à la grève. Un signe fort en Grande Bretagne où la poste n'a pas connu un tel mouvement social depuis 1988.
A l'annonce des pertes financières de Consignia, Postwatch, « organisme de surveillance » de l'entreprise publique, a demandé au gouvernement britannique la démission du président, Neville Bain, et du directeur général de la poste, John Roberts.
La pression est d'autant plus forte que la poste britannique fait face à une concurrence grandissante sur le marché du courrier. En novembre, la commission des services postaux britanniques a délivré une licence d'un an à deux entreprises privées, UK Mail (filiale de Business Post Group) et Deya, pour la collecte des lettres dans certaines parties du Royaume-Uni. En septembre, le groupe Hays a lui été autorisé à distribuer le courrier d'affaires à Londres, Edimbourg et Manchester.