C'est en 1976 que Patrick Girard a rejoint les Transports Girard comme chauffeur. Un poste qu'il occupera pendant 4 ans. « J'étais heureux de rouler, çà a vraisemblablement été les plus belles années de ma vie », se souvient-il.
A la demande de son père, Michel Girard alors P-dg de l'entreprise, il lâche pourtant son camion pour rejoindre l'exploitation. Patrick y travaillera pendant 7 ans avant de reprendre la route au volant... d'une R5 pour « aller voir les clients ». « La fonction commerciale n'existait pas dans l'entreprise. J'ai compris combien elle était pourtant essentielle après avoir passé une matinée chez un importateur (CIC Design). Celui-ci nous confiait depuis des années 50 m3 de meubles par semaine. Il a suffi que je le rencontre pour que le lundi suivant il nous en donne 250 m3 », raconte-t-il. « Je crois que quand quelqu'un vend son nom, les portes s'ouvrent plus facilement devant lui ».
Transports Girard est encore une petite entreprise à cette époque. Deux clients « feront levier » pour accélérer son développement. « En 1989, la Camif qui travaillait alors exclusivement avec Thoinard décide de nous confier 10 % de ses trafics. Elle nous permet ainsi de mettre un pied chez ses fournisseurs. Des fabricants chez lesquels nous n'étions pas référencés auparavant », explique Patrick Girard. La Camif est aujourd'hui un des grands comptes du transporteur, avec quelque 35 MF de volume annuel d'affaires. Soit à peu près le même chiffre que celui que génère Roche-Bobois, l'autre client par lequel la croissance est venue. « En 1996, les frères Roche, des visionnaires, ont conclu avec nous un contrat de logistique intégrée. C'était la première fois qu'un tel engagement était pris avec un transporteur de meubles et cela a incité d'autres distributeurs à en faire autant », souligne Patrick Girard dont une des sociétés, Girard Logistique, est dédiée à Roche-Bobois.
Entre ces deux grandes « rencontres », Girard SA a changé de P-dg. Patrick prend en effet les rênes de l'entreprise en 1995 quand son père Michel part en retraite. Il est alors âgé de 37 ans. Ce n'est pas sans quelque appréhension qu'il s'assied dans son nouveau fauteuil. « Je n'ai pour tout diplôme qu'un CAP de conducteur routier », explique-t-il. Faute de formation théorique, le nouveau P-dg dispose d'une réelle connaissance de l'entreprise et du marché, d'un solide bon sens et d'une belle capacité d'adaptation. Se sentant un jour «ridicule de ne pas comprendre l'anglais», il apprend cette langue grâce à des cassettes audio pendant les longues heures qu'il passe dans sa voiture. Mais, « mes lacunes en matière de gestion financière m'auraient sûrement empêché de me lancer dans une croissance externe de l'ampleur de celle réalisée ces deux dernières années », assure Patrick Girard. Son audace, il l'a doit à un homme, rencontré en 1998 : François Chennevières. « C'est une histoire de confiance réciproque. Ce génie de la finance m'a prouvé l'importance de cet aspect pour une entreprise. A l'issue d'un simple audit et de quelques discussions avec les banques, il a permis à Girard d'économiser 100 kF sur l'année. C'est naturellement lui qui s'est occupé ensuite du montage financier des acquisitions ». Patrick Girard tient également à saluer l'attitude de son père : « contrairement à ce qui se passe dans d'autres affaires familiales, il m'a réellement laissé les mains, comme l'esprit, libres quand il m'a confié la société. Mais, il est toujours là quand j'ai besoin d'un conseil ».
Michel Girard dispose d'ailleurs toujours d'un bureau en face de celui de son fils. C'est lui qui, en 1961, a jeté les bases de l'entreprise familiale. Son activité, le commerce de grains, l'amène à utiliser un camion pour compte propre. Une rencontre le conduit vers la spécialité qui fera le succès du groupe. Elle a lieu en 1965. Michel Girard est hospitalisé 9 mois à Rouen suite à un accident grave. Relaté dans les journaux, cet événement lui vaut la visite d'un fabricant vendéen qui lui conseille de se lancer dans le transport de meubles neufs. Produits dont l'Ouest (et en particulier la Vendée) s'est fait une spécialité - la région abrite encore aujourd'hui 21,5 % des fabricants français. Dès sa sortie de l'hôpital, Michel Girard exploite l'idée et démarre sur ce créneau en collaboration avec deux autres transporteurs vendéens : Mousset (père de Jean-Michel Mousset, actuel P-dg des Transports Mousset désormais axés sur l'acheminement de produits de la ferme) et Charneau (dont l'affaire disparaîtra à la suite d'un dépôt de bilan). Chacun des trois hommes dispose alors d'un véhicule et couvre une région : Girard la Normandie, Mousset la Bretagne et Charneau le Nord. Ils chargent à la fois meubles et brioches. Michel Girard porte son parc à 4 véhicules en 1966, à 11 en 1973, à 15 en 1975...