Quelle stratégie logistique

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Les deux tiers seulement des commandes de marchandises passées sur internet sont livrées à temps. La logistique reste donc le maillon faible des webs marchands. Tour d'horizon des stratégies logistiques actuellement développées par les uns et les autres.

Adulé hier. Honni aujourd'hui. Au-delà des effets médiatiques, le e-commerce n'en continue pas moins son bonhomme de chemin. Et les débats sur les implications logistiques de ce développement sont toujours empreints d'inconnu et d'incertitude. Quelques vérités ont cependant été acquises. La première, c'est que les coûts logistiques du e-commerce, notamment en B to C ne sont pas aussi considérables que prévu. « Certes, un peu plus de la moitié du chiffre d'affaires du commerce électronique implique une prestation de logistique et de transport, constate Jean Gratadour, chargé de mission à l'Institut de recherche et de prospective postale (IREPP). Cela dit, la part du coût logistique sur le chiffre d'affaires global est en moyenne de 8 % dans la vente directe traditionnelle et de 10 à 12 % pour le commerce électronique ». De plus, les interconnexions entre qualité de la prestation logistique et qualité de l'image de marque du site sont très étroites. Selon une étude publiée en juin dernier par la Conférence Européenne des Ministres des Transports sur le e-commerce et la logistique, « le commerce électronique connaît une spectaculaire amélioration de ses performances. Celle-ci semble résulter d'une offre logistique plus rigoureuse. Ainsi, entre 1999 et 2000, les délais moyens affichés sont passés de 10 à 5 jours et 57 % des sites affichent une date indicative de livraison contre 40 % en 1999. »

Cependant, les performances logistiques restent peu satisfaisantes eu égard à celles du circuit « traditionnel ». Ainsi, en 2000, en Europe, seules 61 % des commandes passées sur Internet ont abouti.

« Mettre en place une logistique du commerce électronique ne se limite donc pas au choix d'un transporteur, insiste Jean Gratadour. C'est à la fois un outil de vente et de fidélisation de la clientèle. En effet, la logistique du commerce électronique doit tout à la fois respecter des critères économiques (en raison des coûts d'un tel type de distribution), logistiques (afin de répondre aux besoins des commerçants en terme de niveau de service) et comportementaux. »

Couverture nationale ou régionale ?

En fait, trois logiques logistico-commerciales s'opposent, sans qu'il soit possible encore de déterminer laquelle sera la plus pertinente. La première est celle mise en place par Houra, filiale du groupe de grande distribution Cora. Elle consiste à travailler à partir d'un entrepôt central qui couvre la France entière (situé dans ce cas à Marne-la- Vallée) et qui propose une gamme de produits référencés particulièrement large. Chez Houra, on est au-delà des 50000 produits référencés. Seul le surgelé n'est pas proposé en ligne. L'avantage marketing est incontestable et l'image de marque du site en est considérablement améliorée. En revanche, les coûts logistiques sont faramineux. Le niveau de stock implique nécessairement une surface au sol qui dépasse les 10000 m2. Et le besoin de couverture national implique des entrepôts relais, avec un passage à quai préalable à la livraison finale.

La deuxième voie consiste à réduire les ambitions marketing de son site, tant au niveau des références que de la couverture géographique. Le e-marchand dégrade alors son offre, à l'image de ce que l'on voit chez Ooshop ou Telemarket. Sur ces deux sites, le nombre de produits référencés est plutôt compris entre 5 000 et 7 000 et seules les grandes villes de France sont accessibles (Paris intra muros, la proche banlieue -plutôt dans sa partie ouest-, Lyon, Marseille, Lille). En revanche, la maîtrise de la chaîne logistique est présumée meilleure, dans la mesure où l'entrepôt, dédié au seul e-commerce, gère à la fois la préparation des commandes et la gestion des livraisons au particulier.

La troisième solution, grandement inspirée du modèle Tesco (Grande Bretagne), vise la simplicité. C'est le magasin de proximité du e-consommateur qui va assurer la préparation de commandes et la livraison finale. Pas de stock à gérer, meilleure proximité clientèle. C'est à priori la méthode idéale. « Sauf que les responsables de magasin voient d'un mauvais oeil l'idée qu'un site internet puisse venir perturber leur réassort traditionnel, insiste Jean Gratadour. L'adhésion du responsable de magasin à un tel système est donc loin d'être acquise. »

Le dernier kilomètre

Ces trois stratégies ont pour point commun d'être généralement menées en interne. Les web marchands, peut être parce qu'ils manquent de recul et qu'ils ne disposent pas encore d'un savoir faire aiguisé en la matière, hésitent à externaliser. « La préparation de commandes est principalement intégrée au sein du web marchand, soit en entrepôt spécifique dans 45 % des cas, soit en magasin dans 42 % des cas, note Sébastion Merceron, de la direction régionale de l'Insee Midi Pyrénées, auteur d'une étude sur "le commerce de détail s'initie à la vente sur internet" (avril 2001). Elle n'est que rarement sous traitée à un fournisseur (9 % des cas) ou à un prestataire (11 % des cas). »

Quelle que soit la stratégie retenue, tous ces e-marchands se heurtent à une difficulté commune : la gestion du dernier kilomètre. La demande est là. Selon une étude du Credoc, les achats livrés représentent 5 % des dépenses alimentaires des ménages, soit 2,5 milliards de francs. « La part du CA livré varie suivant le type et l'implantation géographique des magasins, dans une fourchette qui va de 0 à 20 % à Paris, précise Laurent Pouquet, directeur du département Dynamique des marchés au Credoc. Cette part est proche de 5 % dans les hypermarchés et supermarchés et de 10 % dans les magasins populaires. » Environ 650 véhicules utilitaires sont dédiés à la livraison à domicile en Ile de France.

Mais l'offre de transport est particulièrement complexe à mettre en oeuvre. Cette gestion n'est pas propre à la seule logistique du e-commerce. Les Vépécistes (depuis longtemps) et les magasins de quartier qui développent de plus en plus la livraison à domicile de leur clientèle connaissent parfaitement les limites du genre. Selon René Allesandri, directeur marketing et qualité de Star's Services (un spécialiste parisien de la livraison à domicile qui travaille notamment pour Monoprix et Ooshop) : « il nous faut trouver rapidement les lieux de résidence des clients, optimiser les tournées de livraison en utilisant des informations géographiques et détaillées, prendre en compte les capacités du chauffeur et le contenu de son travail, prévoir des temps d'arrivée précis, surveiller et faire le reporting de la livraison, etc... Il faut être à même d'offrir au client de multiples options de rendez-vous, voire même lui permettre d'auto planifier sa livraison », ajoute René Allesandri. Le tout, bien évidemment à un coût qui reste acceptable pour le client. Les tarifs de livraison proposés chez les grands noms de la distribution (Telemarket, Ooshop, Houra, Cmescourses, etc.) se situent dans une fourchette qui va de 50 à 70 francs. On est loin de la réalité du coût de revient, supérieur à 100 francs. Il est probable qu'à moyen terme, confronté au dilemme « continuer à faire des livraisons à domicile sans faire payer le prix réel », les distributeurs décideront de se tourner vers d'autres solutions.

Difficultés majeures

Par ailleurs, le développement de la livraison à domicile se heurte à deux difficultés majeures qui pourraient bien régler définitivement la question. D'une part, de plus en plus de consommateurs souhaitent que le web marchand puisse proposer des alternatives à la livraison à domicile. Un sondage effectué en 2000 par le site e-logisticien.com a démontré que la moitié des e-consommateurs souhaitaient être livrée hors domicile (sur le lieu de travail, chez un commerçant de proximité, dans un point relais dédié ou dans une consigne de proximité). Enfin, il faudra certainement compter avec les réticences croissantes des collectivités locales à l'égard de livraisons qui perturbent le schéma habituel de fonctionnement des villes. Lors d'un colloque qui s'est tenu fin septembre à la Chambre de Commerce et d'Industrie de Paris, Jean-Louis Jacquet, président de la commission Ile de France du GART (Groupement des Autorités Responsables de Transport), a rappelé que « le développement de la livraison à domicile doit s'accompagner d'une réflexion sur les aménagements horaires et les réglementations locales. Les livraisons à domicile peuvent permettre de diminuer le nombre de voitures en ville. A l'inverse, elles peuvent accroître le nombre de camions et de camionnettes, véhicules qui, en outre, circuleront à des heures plutôt inhabituelles. »

Recette logistique

Pour réaliser un cahier des charges logistiques en e-commerce, il faut définir les points suivants :

- La valeur unitaire du produit.

- Les caractéristiques du produit : poids, morphologie, fragilité, durée de vie (périssable ou non).

- Les délais de livraison souhaités, sachant que dans le e-commerce, la garantie de délais est souvent plus importante que le délai lui-même. Autre tendance : la possibilité d'adapter les coûts logistiques affichés en fonction d'un délai convenu (J + 1, J + 3, etc.).

- La zone de chalandise visée.

- Les volumes de vente et leur évolution. Exercice très périlleux dans le cadre du e-commerce, mais indispensable.

- Les modes de collecte et de distribution (à domicile, par point relais, etc.).

- Les services logistiques associés (réception des commandes, gestion des stocks, emballage, gestion des retours, facturation, routage, etc.).

Prestataires
La niche du e-commerce

« Le transport des produits vendus en ligne est sous traité dans 60 % des cas », note Sébastien Merceron, de l'Insee Midi-Pyrénées. Le développement du e-commerce est donc une opportunité de croissance pour certains transporteurs. Mais lesquels. Le premier réflexe est de penser à La Poste ou à ses concurrents allemand et néerlandais. Bien organisées en maillage territorial et compétitives sur le plan tarifaire, les postes visent surtout le colis et le non alimentaire. Pour la livraison d'un panier moyen de Houra ou de Ooshop (70 kg à livrer entre 18 h et 21 h, pour des paniers moyens de 700 F), la solution est ailleurs, principalement auprès de prestataires qui se situent aux confins de la messagerie et de la course.

« A Paris, la livraison à domicile est massivement sous-traitée à des prestataires de transport, constate Laurent Pouquet, du Credoc. Il n'existe en fait que quatre à cinq transporteurs réellement positionnés sur ce marché. Et on peut estimer la part de marché de Stars's Service à 90 %. » D'ores et déjà, on sait que la livraison à domicile (e-commerce et autre) emploie près de 1000 salariés en Ile-de-France.

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