Laëtitia Dablanc, Expert « marchandises » au sein du GART

Article réservé aux abonnés

Livraisons de marchandises en ville, circulation des poids lourds, plan de déplacements urbains, autant de domaines que Laëtitia Dablanc aborde quotidiennement en tant qu'expert « marchandises » au sein du Groupement des autorités responsables de transport (GART). Elle conseille et oriente les membres du GART, villes, départements et régions, tout en les incitant en permanence à la concertation avec les professionnels du transport.

Laëtitia Dablanc a rejoint le Groupement des autorités responsables de transport (GART) en 1999, en tant qu'expert « marchandises ». Fondé en 1980, le GART est composé de 2 124 organismes publics (villes, un tiers des départements et l'ensemble des régions). C'est une association de loi 1901 financée par les cotisations de ses adhérents avec pour objectif d'améliorer les déplacements et de développer les transports publics en France. La première fonction du GART est de former et conseiller ses membres. Il les représente également auprès du Gouvernement français et de l'Union européenne. Pour chaque loi en préparation sur le transport, il exerce son rôle de lobbying. Son principal domaine d'intervention est le transport de voyageurs. Mais il est venu à s'intéresser aux marchandises depuis la loi sur l'air et l'utilisation de l'énergie (LAURE). Instaurée en décembre 1996 par Corinne Lepage, celle-ci impose aux 70 agglomérations françaises de plus de 100 000 habitants de mettre en place un plan de déplacement urbain (PDU). Ses adhérents recherchant une expertise sur le sujet, le GART a créé un poste totalement dédié en 1997.

En intégrant cet organisme, Laëtitia Dablanc a donc pu renouer avec son intérêt premier : le transport routier de marchandises. Et ce après avoir abordé l'aspect entreprises au sein de la direction des études de la Chambre de Commerce et d'Industrie de Paris, de 1997 à 1999. Elle a ainsi participé aux travaux d'élaboration du plan de déplacement urbain d'Ile-de-France. Après un passage à l'institut de sciences politiques de Paris dans la spécialité « gestion de la ville », Laëtitia Dablanc avait auparavant entrepris en 1993 une thèse sur le transport routier de marchandises en ville au sein de l'École des Ponts et Chaussées. Des travaux qui ont abouti en 1998 à la publication d'un ouvrage sur les livraisons urbaines.

BANQUETTES: « Pour protéger les couloirs de bus »

L'Officiel des Transporteurs Magazine : Quelle est la position du GART en ce qui concerne l'installation des « banquettes » à Paris ?

Laëticia Dablanc : Le GART soutient totalement le système mis en place à Paris (1) pour la protection des couloirs de bus, appelé « banquettes ». Celles-ci devraient permettre d'améliorer la vitesse commerciale des transports en commun, inciter les particuliers à les utiliser davantage et par la même occasion réduire le trafic automobile. Mais, elles ne facilitent pas les livraisons urbaines et affectent les conditions de travail des conducteurs. Et ce système a souffert d'un manque d'informations et de négociations préalables avec les professionnels. Une erreur que la ville de Paris a réparé en créant une instance de concertation. Pour expérimenter une nouvelle méthode, Barcelone a elle investi dans une importante campagne de communication, ce qui a permis le bon déroulement de l'opération. Des tableaux d'informations ont notamment été installés sur les deux boulevards concernés. Sur ces axes, la voie de droite est réservée au stationnement des riverains la nuit, à la circulation automobile aux heures de pointe et aux livraisons sur certains créneaux horaires.

Dans l'ensemble, les villes, agglomérations et régions doivent favoriser la concertation avec les transporteurs routiers. L'un des principaux intérêts des plans de déplacement urbain (PDU) est d'ailleurs de les inciter à inviter les organisations professionnelles du secteur. Sur les cinquante groupes de travail mis en place pour les PDU, moins des deux tiers comptaient dans leurs rangs un représentant de fédérations de transporteurs. Si celles-ci n'ont pas été conviées - ce qui arrive parfois - elles peuvent contacter le responsable du ou des PDU les concernant, ou le GART pour demander la création d'une instance de concertation.

EXPÉRIMENTATION: « Difficile de généraliser les CDU »

OTM : La création des centres de distribution urbaine (CDU) peut-elle être une solution viable aux problèmes de livraison en ville ?

L. Dablanc : Le premier et unique exemple français de CDU est celui de La Rochelle avec la plate-forme Elcidis. Située à 1 km du centre ville, celle-ci est exploitée par les Transports Genty. Les colis déposés par les messagers sont acheminés en centre ville à l'aide de six véhicules électriques, moyennant le paiement du passage en plate-forme. Parallèlement, La Rochelle a pris un arrêté strict, interdisant les livraisons des plus de 3,5 t après 7 h 30 du matin. Le système fonctionne et permet de protéger le centre ville historique. Mais il coûte cher à la commune (ndlr : coût de fonctionnement estimé à 5,5 MF par an dont 40 % sont pris en charge par l'Union européenne) et aussi aux utilisateurs. Monaco dispose également d'un CDU. Les livraisons par des véhicules de plus de 8 t sont en outre totalement interdites. Comme La Rochelle, c'est un cas particulier du fait de sa situation géographique mais aussi des importants moyens financiers de la principauté. Les centres de distribution urbaine seront sans doute difficiles à généraliser. Ils impliquent en effet des investissements trop élevés pour les collectivités publiques et un coût trop important pour les transporteurs.

Projet: « Magasins de quartier à l'étude »

OTM : Quelles solutions pourraient à l'avenir proposer les villes pour réduire les problèmes de livraison urbaine ?

L. Dablanc : Depuis janvier 2001, la Chambre de commerce et d'industrie de Paris et des transporteurs franciliens étudient un projet d'espace logistique urbain, baptisé magasin de quartier. D'une surface de 100 à 400 m2, celui-ci serait affecté à la réception de colis légers destinés aux particuliers (dans le cadre des livraisons à domicile provenant de l'e-commerce par exemple) et aux commerces de proximité. Il pourrait en outre être utilisé comme stock déporté et pour la récupération des palettes et emballages. Il permettrait notamment de réduire les files d'attente ainsi que les problèmes de bons de livraison. Paris pourrait expérimenter le nouveau système en 2002. Une étude de faisabilité est néanmoins nécessaire avant de démarrer un tel projet. Les conclusions d'une enquête sur les besoins des commerçants devraient être présentées fin 2001. Globalement, chaque ville devrait d'ailleurs effectuer une analyse statistique via un organisme spécialisé, afin de connaître les flux de marchandises et trouver des solutions adaptées (cadrage de la réglementation, définition des horaires). Pour l'instant, seule une dizaine (Bordeaux, Marseille, Dijon, Rennes, Lille, Lyon, Toulouse...) ont voulu investir - entre 0,5 et 1 MF - dans ce type d'étude

Livraisons urbaines: « Un impératif économique des PDU »

OTM : Quel bilan pouvez-vous aujourd'hui tirer de la mise en place des plans de déplacement urbain (PDU) ?

L. Dablanc : Sur 70 plans de déplacement urbain français, une cinquantaine sont désormais bouclés. Ils ont permis aux villes de comprendre les impératifs d'approvisionnement des magasins pour mieux les prendre en compte, dans l'aménagement de la voirie par exemple. Selon une étude de l'ADEME (Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie), 10 % des véhicules.km effectués en ville sont consacrés au transport de marchandises. Celui-ci représente ainsi 30 % de la pollution en dioxyde de carbone et oxyde d'azote, du fait notamment du nombre élevé d'arrêts dans les tournées de livraison. Et les véhicules légers, étant soumis à des normes moins strictes, polluent davantage que les poids lourds. Pour limiter ce phénomène, les villes mettent en place certaines mesures comme les arrêtés et interdictions de circulation. Seul problème, chacune d'entre elles décide de son côté. Selon une enquête de l'Institut d'aménagement et d'urbanisme de la région Ile-de-France (IAURIF) réalisée en 1995, 30 définitions différentes du poids lourd ont été répertoriées sur 124 arrêtés municipaux franciliens. Avec les PDU, une démarche d'harmonisation des règles est en cours. Dans les prochains plans, une ville ne pourra plus prendre seule un arrêté sur les poids lourds.

Aires de livraison: « Obliger les entreprises »

OTM : En zone urbaine, les conducteurs sont souvent forcés de décharger dans la rue, gênant ainsi la circulation. Quels moyens envisager pour pallier au manque des aires de livraison ?

L. Dablanc : En agglomération, un tiers seulement des établissements (tous secteurs confondus même grande distribution) disposent d'une aire de livraison privée. En centre ville, ce ratio tombe en dessous des 5 %. Il pourrait être amélioré si les PLU (Plans locaux d'urbanisme), anciennement appelés POS (Plans d'occupation des sols), prenaient en compte cet aspect. L'article 12 de la Loi sur l'air oblige les constructeurs de bâtiments commerciaux à prévoir une aire de livraison. A Paris par exemple, le commerçant est obligé de créer un espace réservé dès qu'il dispose d'une surface supérieure à 250 m2. Chaque ville décide toutefois seule des critères et rares sont celles qui imposent des règles aussi strictes.

Transport routier: « Des progrès à tous les niveaux »

OTM : Quelle vision portez-vous sur le secteur du transport routier de marchandises ?

L. Dablanc : Depuis l'instauration du contrat de progrès en 1994, la profession de transport routier de marchandises a évolué de façon positive. C'est valable également pour les entreprises exploitant des véhicules de moins de 3,5 tonnes, depuis qu'elle sont obligées de s'inscrire au registre des transporteurs. Je pense que le respect de la réglementation sociale constitue désormais une des principales préoccupations des chefs d'entreprise. Les conducteurs jouissent ainsi de meilleures conditions de travail. Le secteur bénéficie par ailleurs d'une forte représentation, grâce à des organisations professionnelles bien structurées.

Au niveau des véhicules industriels, les normes de dépollution Euro 3 constituent une avancée significative en matière de protection de l'environnement. Les constructeurs ont également fait des efforts au niveau des nuisances sonores. Ils devraient aujourd'hui s'attaquer à la conception de véhicules propres fonctionnant par exemple à l'électricité. D'autant que certains véhicules « poubelles », en particulier ceux effectuant des livraisons urbaines, circulent encore aujourd'hui.

Interdictions de circuler: « Le pouvoir aux départements »

OTM : Les transporteurs français se heurtent parfois à de nombreuses interdictions de circuler dans leur région. Pensez-vous que ces mesures soient toujours une solution pertinente aux problèmes d'insécurité, de pollution et de nuisances sonores dans les communes ?

L. Dablanc : En France, chacun des 36 000 maires (hormis celui de Paris) détient le pouvoir de police et peut prendre seul un arrêté municipal restreignant le trafic des poids lourds. C'est pourquoi les interdictions de circuler sont parfois incohérentes. Par exemple, deux villes voisines peuvent décider de mesures différentes, l'une interdisant les plus de 3,5 t et l'autre les plus de 12 tonnes. Les arrêtés municipaux doivent donc être unifiés. Pour cela, il faudra attendre la signature des prochains PDU, qui obligent à l'harmonisation des règles. Malgré tout, le GART souhaite que les interdictions de circuler s'inscrivent dans un plan départemental et soient gérées par les communautés urbaines, appelées EPCI (établissement public intercommunal). Une réflexion plus globale devant notamment permettre de trouver des itinéraires de substitution mieux adaptés.

Ferroviaire: « Améliorer la qualité de service »

OTM : Que pensez-vous du fret ferroviaire en tant qu'alternative à la route ?

L. Dablanc : Pour les départements et régions, il devient impératif de créer une complémentarité entre le fer et la route, afin de décongestionner les autoroutes. Le transport ferroviaire serait en outre plus adapté pour certains types de marchandises. En ce qui concerne le bois par exemple, la circulation des poids lourds - toujours très chargés - détériore les voiries. Et les départements doivent en supporter le coût. Mais, pour développer le fret ferroviaire, la SNCF devra s'attacher à améliorer la qualité de son service. Elle devrait aussi revoir ses positions sur l'ouverture à la concurrence au niveau local. Je ne comprends d'ailleurs pas pourquoi les chemins de fer français ont abandonné tant de lignes locales de fret. D'autant qu'ils refusent même de sous-traiter la gestion de ces axes à d'autres compagnies ferroviaires.

Analyse

Boutique
Div qui contient le message d'alerte
Se connecter

Identifiez-vous

Champ obligatoire Mot de passe obligatoire
Mot de passe oublié

Vous êtes abonné, mais vous n'avez pas vos identifiants pour le site ?

Contactez le service client abonnements@info6tm.com - 01.40.05.23.15