Un assouplissement sectoriel de la loi sur les 35 heures pour le transport et la logistique, c'est ce qu'ont demandé Alain Bréau et Alain Fauqueur, co-présidents de TLF (Fédération des entreprises de transport et logistique de France) lors du 3e congrès annuel de l'organisation professionnelle. Lequel s'est déroulé les 9 et 10 octobre au Palais des congrès de Paris (Porte Maillot) sur le thème « Progrès social et performance : ennemis ou alliés ». « Nous ne pourrons assumer le contingent de 130 heures supplémentaires prévu par la loi sur la réduction du temps de travail, c'est pourquoi nous voulons le rehaussement à 180 heures. Ce qui permettra de tenir compte de la diversité de nos activités », déclare Alain Fauqueur, également président du directoire du groupe Giraud. TLF sollicite en outre la généralisation du décompte mensuel à l'ensemble des conducteurs (longue et courte distance) et sans condition préalable, pour simplifier la gestion de la paie. « Le bénéfice du calcul des heures au mois est parfois refusé par l'inspection du travail », explique Alain Fauqueur. La fédération demande un assouplissement des règles applicables en matière d'attribution des repos compensateurs de remplacement. Elle réclame également une harmonisation du traitement des dossiers par l'administration et une meilleure visibilité juridique des dispositifs Aubry I et Aubry II d'aides à la réduction du temps de travail.
Ces revendications ont notamment pour objectif de réduire les difficultés de recrutement dans le transport et la logistique. Le Contrat de Progrès en 1994 et la réduction du temps de travail ont généré d'importants besoins de main d'oeuvre, aujourd'hui loin d'être satisfaits. Or, cette pénurie constitue un frein considérable à leur développement et devrait encore s'aggraver à l'avenir. « Nos métiers ont un potentiel de croissance important, sachant que l'activité de transport devrait progresser de 40 % d'ici 2010. Nos limites pourraient venir de l'incapacité à attirer les talents et compétences. Nous devons donc poursuivre l'effort de modernisation et créer des relations sociales de qualité », commente Alain Fauqueur. « Le manque de main d'oeuvre se fait également sentir au niveau des manutentionnaires, gestionnaires de flottes, exploitants et caristes, les conducteurs représentant la moitié des effectifs du secteur transport et logistique. Nous demandons des évolutions pour l'ensemble des métiers », poursuit le président. C'est pourquoi TLF réclame en outre une restructuration totale de la convention collective du transport routier, trop centrée sur les conducteurs. « Nous voulons que les métiers des branches logistique, aérien et overseas soient désormais pris en compte », souligne Alain Fauqueur. La fédération préconise donc une convention collective comportant un tronc commun et des protocoles métier par métier permettant la définition de normes plus adaptées aux particularités de chacun.
L'ensemble de ces propositions fait partie intégrante de la plate-forme sociale présentée par TLF. Selon cette dernière, l'amélioration des relations contractuelles doit offrir plus de souplesse et de flexibilité aux entreprises. D'autres projets de rénovation sociale ont été évoqués à l'occasion du congrès. A moyen terme, seront mis en place des groupes de travail. Ils réfléchiront d'abord à l'élaboration d'un contrat de mission adapté aux activités de transport et logistique. Celui-ci permettrait de recruter du personnel pour une durée supérieure à celle d'un CDD (contrat à durée déterminée) sans toutefois faire appel à un CDI (contrat à durée indéterminée). A noter qu'une telle disposition existe déjà, notamment dans le secteur du BTP. TLF s'attellera aussi à définir de nouvelles modalités de reprise des salariés dans le cas du transfert d'une entreprise à l'autre. Enfin, elle travaillera sur l'aménagement des conditions de recours à l'intérim. A plus long terme, la fédération souhaiterait instaurer de nouvelles méthodes de travail avec les organisations syndicales, principalement par la mise en place de réunions préparatoires aux négociations de branche et de groupes d'échanges réguliers.
Hormis les relations contractuelles, TLF désire engager une rénovation des rapports sociaux dans le secteur, conformément aux trois objectifs définis dans la position commune signée le 16 juillet dernier par le MEDEF (Mouvement des entreprises de France), la CGPME (Confédération générale des petites et moyennes entreprises), l'UPA (Union professionnelle des artisans) et les organisations syndicales de salariés. Lors de son congrès, deux tables rondes y ont d'ailleurs été consacrées, avec la participation de Denis Kessler, vice-président du MEDEF. Selon TLF, la négociation collective doit être développée et articulée autour de quatre niveaux : national, interprofessionnel, branche et entreprise. La place de cette dernière devra être renforcée tout en laissant s'appliquer l'accord de branche dans les sociétés où un accord d'entreprise ne sera pas intervenu. Et pour donner un nouvel élan à la négociation collective, TLF demande moins d'ingérence des pouvoirs publics. « L'Etat, représenté par le ministère de tutelle, est et reste le président de toutes les négociations sociales dans notre secteur. C'est une source de dysfonctionnement », estime Alain Fauqueur. La négociation paritaire par définition doit s'exercer sans l'intervention de l'Etat, rappelle TLF. Laquelle voudrait mettre en place une délégation patronale homogène et renforcer le droit syndical exercé par des interlocuteurs professionnels salariés. En définissant les grandes lignes d'une plate-forme sociale, TLF, qui revendique 4 500 adhérents, dit s'engager sur une action de grande envergure pour les 18 prochains mois. Elle souhaite ainsi jeter les bases de nouvelles relations de travail. Son ambition est d'inventer un nouveau projet qui allie progrès social et performance. Et renforce l'attrait des métiers du transport et de la logistique. A terme, sous l'égide de la commission sociale de TLF, ces travaux feront l'objet d'une synthèse, véritable livre blanc social de la fédération.
Nous devons faire des efforts pour revaloriser l'image de la profession », souligne Alain Bréau, co-président de TLF (Fédération des entreprises de transport et de logistique de France). A l'occasion de son congrès annuel, la fédération souhaite imposer une nouvelle vision du transport et la logistique. C'est un secteur fondamental de l'économie, souligne TLF, puisqu'il représente 555 000 salariés et 250 milliards de francs de CA, soit 10 % du PIB (produit intérieur brut) et 10 % des créations d'emplois en France. « Nous devons continuer à démontrer l'utilité collective de notre secteur », estime Alain Bréau. « Notre métier n'a pas l'image qu'il devrait avoir au niveau social », note quant à lui Alain Fauqueur. Celui-ci estime pourtant que, depuis 1994, la profession n'a jamais fait autant de progrès : réduction du temps de travail, revalorisation des grilles de salaires comprises entre 15 et 20 % de 1997 à 2000, développement de la formation professionnelle (FIMO, FCOS) et mise en place du congé de fin d'activité.
Au niveau institutionnel, certains organismes « créés il y a 40 ans sont aujourd'hui sclérosés. Nous avons donc recréé cet été une passerelle avec le MEDEF (Mouvement des entreprises de France) via le GITL (Groupement interprofessionnel des transports et de la logistique) », explique Alain Bréau. Avec le GITL, les métiers du transport et de la logistique sont désormais représentés au sein du MEDEF, promet TLF. « Dans cette démarche, nous avons été rejoints par l'AFTRI (Association française du transport routier international), la Fedimag (Fédération nationale des prestataires logistiques et des magasins généraux agréés par l'Etat) et le Comité des armateurs français », souligne Alain Fauqueur. Lequel compte bien poursuivre la rénovation institutionnelle au niveau du transport combiné. Il déplore en effet que TLF ne figure pas au sein des instances de décision, notamment dans le comité consultatif rail-route. « Nous avons donc demandé à la SNCF d'y participer. Nous attendons sa réponse », précise Alain Fauqueur. TLF aspire ainsi à être admis autour de la table pour pouvoir influencer les prises de décision lors des arbitrages de financement et de moyens.