«Prêt à payer davantage pour être plus respectueux de l'environnement. Pour développer le réseau routier et l'utiliser. Pour plus de sécurité. Pour plus de progrès social. Et même pour financer des infrastructures alternatives à la route » ( ... ) « Demain, pour être « supporté », le transport routier devra dépenser davantage ». Ces propos sont ceux de René Petit, réélu le 26 septembre à la présidence de la Fédération nationale des transports routiers (FNTR) lors de son 56ème congrès. Fondé sur la nécessité de partager avec les autres modes la croissance « inéluctable » du trafic routier dans les dix prochaines années, ce discours rejoint dans ces grandes lignes l'analyse du Livre blanc adopté quelques jours auparavant par les commissaires européens. Et se plie à la volonté de rééquilibrage des modes prônée par les pouvoirs publics français. Contrainte au plan communautaire comme hexagonal, malmenée par l'opinion publique, la route devra payer. Au nom de ses adhérents, la FNTR accepte donc de s'inscrire dans la démarche d'intermodalité. Et consent par avance aux augmentations de charges qui découleront du projet de « route durable » sur laquelle elle entend bâtir sa politique, c'est-à-dire « une route ouverte à la complémentarité effective et efficace des autres modes, économiquement équilibrée, socialement reconnue et acceptée ».
La fédération pose néanmoins trois conditions à son adhésion. D'une part, les coûts externes à payer dans le cadre de la future tarification des infrastructures routières devront avoir fait l'objet d'une évaluation technique, objective et incontestable. D'où la constitution en son sein d'un groupe de travail ad hoc.
D'autre part, les majorations de charges ne « pourront être intégrées par les entreprises qu'à la condition de financer précisément le développement durable de la route et les solutions alternatives ». Pas question qu'elles servent « à financer les erreurs de gestion, les interruptions du service ferroviaire ou la réduction du temps de travail des cheminots » avertit René Petit. Dernière condition: mettre en place des mécanismes d'aides permettant aux professionnels de mieux répercuter les charges nouvelles sur les prix de transport.
Cette politique trouve sa première illustration avec le Tunnel du Mont-Blanc. Sa réouverture au trafic utilitaire constitue une nécessité économique et écologique car « pour diminuer les nuisances, il faut multiplier les points de passage et non les concentrer sur quelques tunnels ». Elle doit toutefois s'inscrire dans un projet de route durable. Aussi « les professionnels de la FNTR acceptent le principe même des contraintes sécuritaires et des surcoûts tarifaires qui seront imposés aux poids lourds dans le cadre d'un débat objectif » assure René Petit. « Ils sont également prêts à utiliser les modes alternatifs (ferroutage, navettes type Modalohr) dès lors qu'ils seront disponibles et en ordre de marche ». Une perspective encore lointaine faute d'investissements conséquents et d'une priorité donnée au fret par l'opérateur ferroviaire. La présence du président de la SNCF Louis Gallois à son congrès s'est voulue symbolique du nouvel état d'esprit de la fédération routière. Une participation saluée par Jean-Claude Gayssot, ministre des Transports comme « évolution des frères ennemis aux frères amis ». De même, sera poursuivie la démarche en faveur du transport combiné engagée l'an dernier avec la société nationale dans le cadre de la convention « 95/20 » (20% de trafic en plus contre 95% de trains à l'heure). Et ce, « même si elle n'a pas abouti pour l'heure aux résultats attendus » reconnaît Jean-Paul Deneuville, délégué général. La FNTR souhaite néanmoins étendre l'accord à d'autres axes, voire au delà des frontières.
Pour faire face à ses futurs surcoûts, la profession doit se doter dès maintenant d'outils de répercussion tarifaire, argue René Petit. Contrairement à TLF (Fédération des entreprises de transport et logistique de France) et à l'Unostra, la FNTR milite en effet pour la publication officielle des indices de coûts par spécialités élaborés par le Comité national routier (CNR). Le débat devra être tranché par le ministre des Transports après réunion du conseil d'administration du CNR prévu le 2 octobre.
Lors de la séance de clôture du congrès, Jean Claude Gayssot a esquissé un pas en direction de la FNTR manifestant son souhait de pouvoir labelliser officiellement des indicateurs par métier. Lesquels, précise-t-il, « n'ont d'autre objectif que d'aider à répercuter sur la facturation des événements extérieurs qui affectent le coût du transport». La cause avait été plaidée à la tribune peu de temps auparavant par Didier Darfeuille. « Les transporteurs français manquent d'indices permettant de réactualiser leurs prix en temps réel tels que ceux dont disposent les professionnels britanniques » soulignait le pdg de Darfeuille (groupe Salvesen). Reste à savoir ce que pèseront ces instruments de régulation dans un contexte d'élargissement de l'Union européenne. Les propos rassurants du ministre quant à la nécessité, pour les nouveaux entrants, d'intégrer « l'acquis communautaire » n'auront convaincu personne.
René Petit avait annoncé en octobre 2000 qu'il abandonnerait la présidence de la FNTR cette année, mais a été réélu pour deux ans le 26 septembre. Le conseil de direction accueille Gilles Collyer (pdg des Routiers bretons). Olivier Delmotte (pdg de Sotrapoise) en sort. Les autres membres restent à l'identique. Les comptes de la fédération sont « positifs en 2000 comme depuis 1993 », indique Jean-Paul Deneuville, secrétaire général. Quant aux « blessures nées de la fin du conflit routier de septembre 2000, elles sont aujourd'hui cicatrisées et le réseau FNTR s'est reconstitué » assure René Petit. La Fédération a pourtant tiré enseignement de l'épisode qui avait conduit à la disparition d'une partie de ses ressources, suite à l'exclusion de 14 syndicats départementaux. Une modification des statuts a été opérée afin de permettre aux grandes entreprises d'adhérer directement auprès du siège parisien - et d'y verser leurs cotisations - sans passer par les régions. Une dizaine de sociétés bénéficieraient de cette faculté. Explication avancée par le délégué général: « leur besoin de contact direct avec les instances dirigeantes ». Parallèlement, la fédération a intégré le 1er octobre le G-Strif (Groupement syndical des transports routiers de l'Ile-de France) qui n'a plus de structure juridique propre et devient la FNTR Ile-de-France. Le mouvement de régionalisation engagé il y a deux ans se poursuit : 14 régions sont désormais structurées en tant que telles (sans échelon départemental). Cette réforme est en cours en Bretagne et en réflexion en Pays de Loire. Outre le renouvellement de nombreux permanents régionaux, la FNTR a recréé des représentations en Aquitaine et Midi Pyrénées. Leur animation est confiée à Hervé Dewonck, ancien dirigeant de la société Solotra (groupe Transalliance). 80 adhésions y auraient été enregistrées depuis leur création en septembre, annonce Jean-Paul Deneuville. L'APCT-Paca (commissionnaires de transport de la région Alpes Côte d'Azur) et le SNUG (syndicat national des utilisateurs de grues) ont rejoint la fédération en tant que membres associés.
Lors de son congrès, la Fédération nationale des transports routiers a exprimé ses demandes sur plusieurs dossiers professionnels. Aperçu.
- Carburant : pour 2002, « les menaces de rattrapage de la fiscalité du gazole sur l'essence et d'écotaxe sont provisoirement écartées, mais nos entreprises restent dans l'attente de la fixation du prochain niveau de notre carburant utilitaire ». Le gouvernement doit respecter ses engagements à l'égard de « l'avantage acquis » que constitue le dispositif fiscal. Pour « l'après 2003 », date à laquelle celui-ci devrait disparaître, la FNTR réitère sa demande d'un carburant professionnel européen ;
- Sous-traitance : la démarche du contrat type est jugée « positive mais insuffisante ». Deux souhaits sont exprimés : « cantonner la sous-traitance en cascade » et réfléchir à l'utilisation de la location de véhicules industriels avec conducteur entre professionnels du transport ;
- Réglementation : il faut simplifier le « mille-feuille » réglementaire. La FNTR travaille à la mise en place d'un groupe de travail avec plusieurs parlementaires. Sa mission sera d'auditer la réglementation existante en vue d'harmoniser les textes, d'abroger les dispositions faisant double emploi et éventuellement d'entreprendre un travail de codification ;
- Capacité financière : celle des commissionnaires de transport doit être relevée en fixant un niveau de fonds propres basé sur le chiffre d'affaires réalisé « afin d'éviter des cascades d'ardoises » ;
- Rôle de l'Etat : les pouvoirs publics doivent se désengager de certaines missions qui pourraient être confiées par délégation de service public à des organismes professionnels (attestation de capacité, examen et analyse de la capacité financière, gestion de la carte à puce du chronotachygraphe électronique) ou privés (visites techniques des poids lourds) ;
- Relèvement du poids total roulant autorisé à 44 tonnes : une opportunité est offerte dans le cadre de la politique prônée par le Livre Blanc, estime la FNTR qui en appelle aux exigences du transport combiné et à la compétitivité des ports européens.