Mi-septembre, pour d'obscures raisons, l'Allemagne a en effet refusé de donner son aval au texte officiel qui devait préciser, d'ici la fin de l'année, les spécifications techniques de l'appareil. Seules la Belgique, l'Espagne et la France ont voté pour. Les autres membres des Quinze se sont abstenus. Le processus de décision n'est pas bloqué pour autant. Mais il prend déjà quelques mois de retard. En France, seule la CFDT a réagi officiellement à cet incident en affirmant le 20 septembre que «les 15 hésitent à contrôler les camions». Le même syndicat s'est étonné: «d'un côté la Commission publie le 12 septembre un Livre Blanc sur une nouvelle politique européenne des transports, de l'autre les États cèdent aux groupes de pression qui préfèrent la sauvegarde de leurs intérêts à la sécurité des conducteurs et à celle des usagers de la route».
Par rapport à l'antique système actuel, qui enregistre les horaires sur un disque de papier, le nouveau modèle de chronotachygraphe promet d'être plus fiable et de fournir sur une carte à puce des données plus difficiles à falsifier. Il sera aussi construit par deux industriels, le Français Thomson et l'Allemand Kienzle. Ce dernier devra donc partager un marché européen sur lequel il règne depuis des années en maître quasi absolu. Une raison suffisante pour le soupçonner de tenter, avec le soutien du Gouvernement allemand, de retarder un peu plus l'inéluctable progrès.
Mais il y a plus surprenant! C'est le silence complet derrière lequel se retranchent ministère et organisations professionnelles françaises. Doivent-ils être rangés parmi les «groupes de pression» que dénonce la CFDT? Sans doute que non. Le mutisme du ministère semble plutôt justifié par la honte de s'être vu infliger un nouveau camouflet européen. Quant aux représentants professionnels, ils auront probablement oublié de relever cet «incident», alors qu'il fait si bon fraterniser entre modes de transport, sous couvert de Livre Blanc.