Les clés d'une renaissance

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Avec 350 millions de francs de chiffre d'affaires prévisionnel pour 2001, STR Aubry serait en train de retrouver une situation financière saine, sous l'impulsion de son repreneur Jacques Simon. Lequel s'est entouré d'une nouvelle équipe de direction générale emmenée par Xavier Siwa. Spécialisée dans le transport de marchandises volumineuses et les prestations logistiques, l'entreprise a pourtant échappé de peu à la liquidation au début de l'année. Explications.

«En juillet, les comptes de STR Aubry sont passés du rouge au noir. Le second semestre 2001 sera bénéficiaire et nous espérons terminer l'année à l'équilibre». En moins de six mois, Jacques Simon, P-dg et actionnaire majoritaire de l'entreprise semble avoir réussi son premier challenge : redresser une société moribonde et offrir au nom d'Aubry une nouvelle naissance dans le transport routier de marchandises volumineuses.

Contacté à l'automne 2000 par Patrick Aubry, qui cherche alors une solution pour sauver ce qui reste du groupe créé par son père Landry à la fin de la guerre, Jacques Simon signe fin janvier 2001 un accord de reprise. Pour le franc symbolique, il acquiert, avec effet rétroactif au 1er janvier, 100% du capital de STR Aubry. Racheté en 1999 par Sebban Participations dans le cadre d'un redressement judiciaire, le groupe de transport est, fin 2000, au bord de la liquidation. «Aucun financier n'aurait accepté de le reprendre », assure Jean Simon. Début janvier, il n'en reste qu'Aubry Camions Remorques et le holding de tête STR Aubry, soit environ 120 véhicules moteurs et 80 millions de francs de chiffre d'affaires. Aubry Volume et Aubry Loire Auvergne, supposées intégrer les fonds de commerce rachetés au groupe Giraud, ne sont pas opérationnelles, car «le montant de la vente n'avait pas été versé».

De plus, le système informatique est alors obsolète, voire inexistant. «La confusion était telle que STR Aubry a oublié de passer l'augmentation de tarifs de 4 % que l'ensemble du secteur a alors négocié avec les chargeurs», témoigne Jean Simon. Dès le 14 février, celui-ci établit un plan de redressement qui, depuis, a été respecté «à la lettre et en toute transparence». Une condition que le nouveau P-dg d'Aubry estime essentielle pour relever une entreprise. Au premier semestre, celui-ci a travaillé suivant quatre axes. «Nous avons mis en place une véritable gestion industrielle de l'entreprise. Aujourd'hui, nous pouvons, par exemple, suivre les consommations de carburant. Ce n'était pas le cas auparavant. Or, comment exercer ce métier sans suivre les coûts au centime près?». Sur le plan social, il a fallu convaincre le personnel de s'associer pleinement à la démarche mise en oeuvre. «Tous les salariés et les organisations syndicales nous ont compris et nous ont fait confiance, en intégrant le fait que cette entreprise était victime d'une anomalie. Les rémunérations des conducteurs, plutôt supérieures à la moyenne de la profession, ont été maintenues. Aucun licenciement n'a été prononcé. La direction a été réorganisée. Les derniers membres de la famille Aubry ont quitté l'entreprise», précise Jacques Simon.

Augmentation de capital.

Au niveau commercial, la nouvelle direction d'Aubry a opéré une sélection client par client pour éliminer peu à peu les trafics non rentables. Quatrième axe du plan : le renouvellement de la flotte «vieillissante». Une vingtaine de véhicules neufs est déjà en service. Une commande de 150 porteurs remorqueurs, livrables à partir de décembre 2001, est en cours de négociation auprès de deux fournisseurs.

Parallèlement, Jacques Simon a relancé les négociations avec Giraud afin de finaliser le rachat des fonds de commerce Landeau Sainte Croix (Caen) Carola (Narbonne) et Giraud Volume (Chalon-sur-Saône). «Le vendeur sera complètement payé à la fin de cette année. Aubry Volume et Aubry Loire Auvergne sont ainsi devenues une réalité», précise le P-dg. Les 230 véhicules de ces deux structures sont loués par STR Aubry auprès de Giraud. Ce contrat arrivera à terme par échelons déjà programmés au rythme des réinvestissements prévus par l'équipe de Jacques Simon.

De la société Afrac Services, cédée par Sebban Participations en décembre, STR Aubry a récupéré au premier semestre 2001 une partie du fonds de commerce logistique et affrètement au sein de la société Aubry Services Logistiques. Celle-ci réalise aujourd'hui 20 % du chiffre d'affaires du groupe, évalué à 350 millions de francs.

Pour financer ces opérations de redressement, Jacques Simon a essentiellement cédé une partie du patrimoine immobilier de l'entreprise (notamment des terrains situés au nord et au sud de Chalon-sur-Saône). Au 1er juillet, une augmentation de capital a pu être réalisée. 5 millions de francs ont été amenés conjointement par Jacques Simon, la société de capital-risque Field Investissement (FI) et Claude Solarz, qui contrôlent à eux trois 84 % du capital, le P-dg restant majoritaire. En même temps, 6,5 MF d'obligations convertibles ont été souscrites par les deux actionnaires FI et Claude Solarz (un million de francs chacun) ainsi que par Sopromec et IDEB (2,25 MF chacune). Ces deux derniers financiers détiennent aussi les 16 % restants du capital. «Au total, 10 millions de francs ont déjà été réinvestis dans STR Aubry, dont les fonds propres atteignent 22 millions de francs», affirme aujourd'hui Jacques Simon.

Volume lourd et léger.

L'assainissement de la situation a permis de stabiliser en juillet l'équipe de direction autour d'un nouveau directeur général, Xavier Siwa, qui entrera bientôt dans le capital de l'entreprise. Cet ancien responsable de la société de transport de fonds Ardial redécouvre avec plaisir une entreprise « à taille humaine». Son objectif est «de poursuivre le redressement de l'activité de base, à savoir le transport de marchandises volumineuses, qui représente encore 80 % du chiffre d'affaires annuel ». Sur ce créneau, Aubry Camions Remorques et Aubry Loire Auvergne sont spécialisées en volume lourd (45 % du CA transport avec des véhicules de 25 tonnes de charge utile) tandis qu'Aubry Volume se concentre sur le volume léger (55 % du CA transport et des ensembles offrant 12 tonnes de charge utile). Grâce à ces deux spécialités, STR Aubry se maintient parmi les quatre ou cinq acteurs principaux du marché français, avec des clients comme Saint-Gobain ou Danone (ex-BSN). Un fonds de commerce historique qui permet au transporteur d'afficher un bon taux de rechargement. Si Xavier Siwa avoue «réfléchir à l'opportunité de se lancer sur la niche du grand volume "mi lourd", avec des véhicules de 18 tonnes de charge utile, plus polyvalents», il peaufine aussi la réorganisation de l'exploitation. C'est ainsi qu'un nouveau site a été créé en Seine-et-Marne en janvier. «Nous y avons basé une vingtaine de porteurs remorqueurs légers, pour nous rapprocher et mieux servir un client dont nous assurions auparavant les trafics depuis Chalon-sur-Saône, avec des ensembles lourds de 40 tonnes de PTC».

Soucieux d'assurer à ses clients un service de qualité, conforme à l'image qu'avait réussi à préserver STR Aubry, le nouveau directeur général ne perd pas de vue les impératifs de rentabilité. Et les gros chargeurs suivent. «Ils veulent avoir face à eux des opérateurs à taille humaine, disposant de leurs propres moyens, avec une bonne productivité et la capacité à investir pour mieux s'intégrer dans leur chaîne logistique. Aujourd'hui, ils sont prêts à payer le prix de leurs demandes», explique Xavier Siwa. Pour mieux satisfaire ces clients, STR Aubry se diversifie, uniquement en croissance interne. En août, une agence overseas a été ouverte à Marseille pour travailler notamment sur le Maghreb. «Nous cherchons également à développer une offre complémentaire en transport routier de lots complets, grâce à l'affrètement, mais aussi avec le soutien d'une vingtaine d'ensembles semi-remorques». Xavier Siwa espère également emporter « plusieurs appels d'offres auxquels nous avons répondu en logistique (stockage, préparation de commandes, distribution). S'ils se concrétisent, nous développerons fortement cette activité. Nous y investirons directement, grâce au levier de nos partenaires financiers au capital».

Six des neuf agences que compte STR Aubry sont aujourd'hui bénéficiaires, une est à l'équilibre, deux restent en déficit. Elles sont toutes gérées comme des pme, par des responsables auxquels la direction du groupe laisse un maximum d'autonomie. Elles disposeront, dès fin septembre, d'un nouveau système informatique intégrant l'ensemble des fonctions de l'entreprise à partir de l'exploitation. De quoi mesurer précisément les progrès d'un redressement dont l'objectif à court terme est la rentabilité de toutes les activités en 2002, pour un chiffre d'affaires prévisionnel de 400 MF, et un résultat net de 2,5 % après impôts.

Portraits

Jacques Simon, 64 ans, a réalisé l'essentiel de sa carrière dans l'industrie, exerçant notamment des responsabilités chez BSN, Creusot-Loire, puis Framatome, avant de travailler, à partir de 1988, pour un cabinet parisien spécialisé en redressement d'entreprises. En 1996, il prend en charge et mène à bien celui d'Ardial, filiale de transport de fonds de La Poste et du Crédit Agricole, qui sera cédée en 1999 à la banque suisse UBS. C'est dans le cadre de cette mission qu'il appelle auprès de lui Xavier Siwa, alors en poste à la direction générale de Danzas France. En 1999, Jacques Simon, qui se présente comme un Bourguignon d'adoption, prend une année sabbatique avant d'être appelé au chevet de STR Aubry.

Xavier Siwa, aujourd'hui âgé de 43 ans, a réalisé l'essentiel de sa carrière professionnelle dans le transport, dans l'overseas d'abord, puis chez Bernis International, avant de prendre la direction de Calberson Belgique, qu'il quittera pour intégrer la direction commerciale de Danzas France.

Xavier Siwa, directeur général de Aubry SR. Visavu Jacques Simon, P-dg et actionnaire majoritaire de STR Aubry . Visavu
L'éclatement du groupe

« L'entreprise Aubry ne fait que démarrer. Les jeunes feront mieux », espérait en juin 1996 Landry Aubry, le fondateur du groupe bourguignon dont il était encore P-dg. Celui-ci figurait alors parmi les 15 premiers transporteurs routiers français avec un CA 1995 consolidé de 1,012 MdF (dont 80 % en transport) pour un résultat de 10,6 MF. Aujourd'hui, les « jeunes » Aubry ne sont plus associés ni au capital, ni à la direction de l'entreprise dont les activités ont été éclatées.

- 1996 : Aubry accuse un résultat négatif de 25 MF pour un chiffre d'affaires annuel consolidé de 1,1 MdF.

- Juin 1998 : Euromessagerie, sa filiale messagerie (80 MF de chiffre d'affaires pour 5 MF de pertes en 1997), est placée en redressement judiciaire.

- Juillet 1998 : Patrick Aubry, fils de Landry Aubry, devient P-dg du groupe.

- Mars 1999 : Aubry CR (120 MF de CA) et Beaune Transports (23 MF de CA) sont mis en redressement judiciaire.

Aubry Silo et Sevenier, les activités pulvérulents du groupe Aubry qui représentent un CA de 400 MF, sont vendues à Charles André.

- Avril 1999 : Euromessagerie est cédée à Sebban.

- Août 1999 : Aubry CR et Beaune Transports sont repris par Sebban de même que la société mère STR Aubry et les sociétés soeurs Afrac Services (manutention, 37 MF de CA), Lorafret (affrètement, 41 MF) et Transeurope (44 MF).

- Février 2001 : Sebban cède à Jacques Simon STR Aubry, Aubry Camions Remorques, Afrac ainsi que les fonds de commerce grand volume rachetés à Giraud.

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