Plusieurs phénomènes concourent à la création de France Lots Organisation en 1993. Le contexte de crise économique que traverse la France au début des années quatre-vingt-dix a de fortes répercussions sur la santé financière des PME. Lesquelles assistent parallèlement à l'émergence de grands groupes de plus en plus structurés et bénéficiant d'une force de frappe de nature à séduire les chargeurs. Contrôlés le plus souvent par des intérêts financiers, ceux-ci se lancent dans une course à la croissance externe. A côté de ces mastodontes se développe une sous-traitance très réactive composée d'entreprises artisanales. En outre, la création du marché unique européen un an plus tôt suscite les plus vives inquiétudes chez les chefs d'entreprise. « Les transporteurs routiers français pressentaient déjà la mondialisation des échanges et l'arrivée de la concurrence européenne », soulève Alain Chateigné, P-dg de TDA (79) et premier adhérent de FLO. Les dirigeants de PME savent pourtant qu'il est possible de réunir leurs forces. La naissance de Astre en 1992 est là pour leur rappeler. Mais ils connaissent également la fragilité d'une telle démarche. Née en 1989, la société coopérative UTE (Union des Transporteurs Européens) vient tout juste de déposer les armes en 1993. « UTE regroupait des entreprises familiales françaises (Darfeuille, Bouquerod, Multitransports, Resano, Lahaye, Capelle, Caillot) et étrangères (Meeus aux Pays-Bas, Grieshaber en Allemagne, Pieter Lane en Angleterre, Bigtrans en Espagne). Les stratégies individuelles ont alors primé sur les intérêts collectifs », se souvient Guy Labeyrie, ex-animateur de l'UTE qui sera ensuite secrétaire général de FLO, puis directeur général de Axcial, une société regroupant des transporteurs spécialisés en citerne alimentaire.
« Plus que l'environnement conjoncturel et la situation du marché, c'est le besoin que les transporteurs exprimaient pour se rencontrer qui a été déterminant. Ceux-ci souhaitent évoquer leurs problèmes quotidiens à l'intérieur d'un espace de réflexion que ne leur offraient pas les organisations professionnelles », explique Alain Neilz. Cet ancien de cadre de Mory - qui fondera France Bennes en 1995 et Evolu Trans en 2000 - lance FLO sur cette idée simple : rompre l'isolement des chefs d'entreprise. Autres intérêts de taille vantés aux transporteurs : augmenter la productivité de leurs matériels et se présenter en ordre serré face aux chargeurs. « A l'époque, raconte Guy Casset, P-dg de Guy Casset SA (73), j'avais une activité de concessionnaire poids lourds. Je faisais partie d'une Amicale, qui permettait au réseau de se faire entendre auprès du constructeur/importateur.
C'est cette ligne de conduite que j'ai adopté en adhérant à FLO ». Rapidement, un noyau dur se constitue autour d'Alain Neilz. Il réunit les sociétés Transports Mocellin (38), Guy Casset SA (73), Transports Vigneron (54), Transports Gendron (35), Transports Durou (47), Transports Lebras Lavanant (29), Transports Jeantet (25), Transports Dejode (59) et Normandie Logistique (76). « La première réunion a lieu à Niort chez Alain Chateigné. C'étaient les balbutiements de FLO. Il n'y avait ni cohésion ni homogénéité entre les membres », rappelle Guy Casset, vice-président de FLO. « Les transporteurs ont au départ été très réticents à l'idée de coopérer. Ce n'était pas simple de les convaincre de casser leur individualisme », indique Jean-Pierre Dejode, ex-P-dg des Transports Dejode (59) et premier président de France Lots Organisation.
Premier coup dur : Alain Neilz claque la porte juste après que les statuts de FLO aient été déposés en octobre 1993. Ce départ va cependant permettre aux adhérents d'apprendre à mieux se connaître. Ils vont par ailleurs trouver en Guy Labeyrie, un successeur idéal. En mars 1995, le groupement présidé par Jean-Pierre Dejode, compte 27 adhérents dont le plus important réalise 90 MF de chiffre d'affaires (Transports Alainé) et le plus petit 13 MF (Transports Durou). FLO se définit alors comme « un laboratoire d'idées débouchant sur une nouvelle culture ». Toutefois, aux dires de ses membres, le groupement n'a pas encore pris son véritable envol. Celui-ci intervient en 1996 avec l'élection à sa présidence de Michel Alainé, le P-dg des Transports Alainé (71). L'association compte alors s'appuyer sur la notoriété de cette entreprise de Saône-et-Loire « reconnue pour son sérieux ». « Il faut dire que coup sur coup deux membres importants, en l'occurrence les Transports Dejode et les Transports Chateigné, venaient de déposer le bilan, ce qui n'était pas très bon pour l'image de marque », note Vincent Le Prince, secrétaire de FLO. Parallèlement, le groupement commence à se structurer. Tout d'abord en bâtissant un règlement intérieur. Un travail de fond qui revient au P-dg de Normandie Logistique. Puis en mettant en place une centrale d'achat et ainsi que le système d'échange de fret concrétisé par des partenariats signés avec les bourses Lamy et Nolis.
Autre chantier : l'organisation du groupement en métiers bien identifiés. Si le dénominateur commun à tous les adhérents reste le transport de lots et demi-lots industriels, de nombreuses entreprises possèdent plusieurs cordes à leurs arcs. « Il s'agissait de mettre un peu d'ordre dans la maison », se souvient Guy Casset. Dans le même temps, la clarification des activités s'avérait nécessaire en direction des clients et des fournisseurs. Ce qui permettait aussi aux entreprises de mieux se positionner à l'intérieur du groupement. Six métiers voient ainsi le jour : lot, plates-formes/distribution, stockage/logistique, citernes/vrac, frigorifique et services spécialisés (transport exceptionnel, location de véhicules avec ou sans conducteur, grand volume, déménagement, benne, combiné, messagerie, express). En région, FLO décide de s'appuyer sur des FLO leaders, des hommes de confiance capables de rassembler les adhérents. Ils sont aussi une veille pour le groupement sur l'actualité du secteur dans une région donnée. En outre, les FLO leaders participent activement au recrutement.
Le départ de Guy Labeyrie en 1997, un animateur apprécié pour dynamisme, aurait pu avoir de sérieuses conséquences sur le fonctionnement de FLO. « Les membres du bureau ont repris la main lorsque Guy est parti. Ce n'est finalement pas si mal, puisque cela nous a permis de nous apercevoir qu'il était risqué de faire reposer sur une seule personne trop de responsabilités », explique Vincent Le Prince. Guy Labeyrie parti, ce sont Christian Barrascude puis Christian Sellier qui reprennent les rênes du secrétariat général. Mais les tout puissants membres du bureau réaffirment à cette occasion leur autorité. Ainsi, la communication et la promotion du groupement sont l'affaire du président Michel Alainé.
« Depuis 1993, FLO a eu une progression tranquille. Nous n'avons jamais essayé de brûler les étapes », remarque Vincent Le Prince. Il y a deux ans, la question de transformer FLO en société s'est ouvertement posée. Une éventualité rejetée en bloc par les élus au conseil d'administration. FLO a également failli changer de nom pour se dénommer Fret Logistique Organisation. Finalement, après réflexion, l'appellation France Lots Organisation a été conservée.