«Le contrat type a été rédigé en évitant toute clause et toute formulation d'une clause qui créent une situation de subordination juridique du sous-traitant envers l'opérateur de transport. Il est toutefois clair que le recours à ce contrat type ne constitue en aucun cas une garantie pour l'opérateur de transport de ne pas être éventuellement poursuivi pour avoir commis une infraction de travail dissimulé si, en pratique, le statut du sous-traitant ressemble par trop à celui d'un salarié ». Tel est l'avertissement qui accompagne le contrat type « sous-traitance » approuvé par décret du 19 juillet et publié au Journal Officiel du 22. Cette mise en garde s'adresse aux donneurs d'ordres tentés d'utiliser le contrat-cadre comme bouclier à la requalification des contrats de sous-traitance en contrats de travail. En précisant droits et obligations de chaque partenaire, celui-ci démêle néanmoins l'écheveau entre pratiques licites et interdites. Une clarification exigée par les entreprises de messagerie et de transport express, suite aux jugements contradictoires rendus par des tribunaux.
Comme pour tous les contrats types, les dispositions de celui relatif à la sous-traitance s'appliquent dès lors que les parties n'ont pas convenu de conventions différentes. Certaines de ses clauses consistent en un rappel de la réglementation à laquelle il ne peut être dérogé (obligations réglementaires, tarifaires, sociales...). D'autres sont « optionnelles » : les rédacteurs ayant alors opté pour la formulation « qui leur semblait préférable ». Tel est le cas pour le libre choix du matériel et de ses fournisseurs par le sous-traitant, le préavis de rupture de contrat ou encore la garantie minimale de trafic. Enfin, une troisième série demande à être complétée par des dispositions résultant d'un accord écrit entre les partenaires (mise aux couleurs des véhicules, équipement informatique...). Aussi un formulaire de contrat de sous-traitance est-il proposé en annexe (1). Les treize articles - dont seuls les points essentiels sont repris ci-dessous - sont accompagnés d'un commentaire des rédacteurs dont certains extraits sont publiés en italiques.
Le contrat type a vocation à gérer les relations commerciales entre un donneur d'ordres (commissionnaire de transport ou transporteur public principal qui délègue tout ou partie de l'opération de transport à un confrère) appelé « opérateur de transport » et un transporteur public sous-traitant. Il ne s'applique que lorsque les relations entre les deux parties ont une certaine permanence ou continuité, ce qui exclut les contrats occasionnels dits « spots ». Il ne concerne ni le contrat de location de véhicule avec conducteur, ni les relations entre une coopérative d'entreprises de transport et ses coopérateurs. Par ailleurs, il ne se substitue pas aux contrats types de transports existants : la prestation exécutée par le sous-traitant obéit au contrat type applicable au transport concerné.
Une règle de base : le sous-traitant est totalement maître de sa gestion tant commerciale que technique. Il a la responsabilité du choix et de la gestion de ses fournisseurs de biens et de services. Il gère financièrement et techniquement son matériel, qu'il en soit propriétaire ou locataire. De même, il a le choix de ses clients et la libre utilisation de ses moyens sans que l'opérateur de transport ne puisse s'y opposer d'une façon quelconque. Ainsi, ce dernier « après avoir défini la mission qu'il confie au sous-traitant et les contraintes afférentes, ne saurait ensuite intervenir pour lui imposer des modalités de mise en oeuvre des moyens : le sous-traitant est libre d'organiser son exploitation comme il l'entend. De même, le seul contrôle que peut opérer l'opérateur de transport est un contrôle de bonne exécution du contrat. Toutes directives données, sauf pour modifier les données relatives au contrat, ou contrôles effectués en cours d'exécution, pourraient être considérés comme une atteinte à l'indépendance du sous-traitant ». En outre, l'opérateur de transport s'interdit toute immixtion dans la gestion de l'entreprise sous-traitante. S'il n'est pas autorisé à intervenir dans le choix des fournisseurs, il peut faire bénéficier le sous-traitant - et avec son accord - de conditions meilleures que celles qu'il pourrait obtenir lui-même agissant seul. Il a le droit de lui demander de s'équiper en matériels et logiciels compatibles avec ceux dont il est lui-même doté et solliciter la mise du personnel et/ou du matériel à ses couleurs ou à celles de l'un de ses clients. Une demande qui doit s'effectuer par écrit et prévoir les conditions et modalités de fourniture des tenues et de la mise aux couleurs, les modalités de restitution des tenues et du retour à l'état initial du matériel. « Ces clauses affirment la totale indépendance du transporteur sous-traitant quant au choix des fournisseurs de moyens (véhicule, carburant, maintenance, etc.). Une autonomie qui doit être respectée, faute de quoi il y a risque de dépendance du sous-traitant à l'égard de l'opérateur de transport, situation qui pourrait être retenue pour étayer une mesure de requalification. La mise aux couleurs et le port de tenue constituant deux critères déterminants retenus pour caractériser une dépendance économique et juridique, il est indispensable qu'une attention toute particulière y soit portée pour, d'une part, préciser la contrepartie financière accordée au sous-traitant, et d'autre part, prévoir la prise en charge des frais de remise en état du ou des véhicules en fin de contrat ou, en cas de rupture de contrat, par l'une ou l'autre des parties en fonction des responsabilités à l'origine de cette rupture ». Quant au conducteur salarié, il est exclusivement le préposé du sous-traitant qui assume la totale maîtrise et la responsabilité de l'exécution de la prestation dans le cadre des directives générales données dans ce but par l'opérateur de transport. Il « reçoit donc exclusivement les directives nécessaires à la bonne exécution de son travail de son employeur. Dans le cas contraire, l'opérateur de transport prendrait le risque de matérialiser une relation hiérarchique entre lui et le conducteur, relation hiérarchique de nature à justifier une mesure de requalification. Laquelle est possible même si le conducteur est légalement salarié du sous-traitant ».
L'opérateur de transport doit mentionner au contrat, à titre indicatif, du volume de prestations qu'il envisage de confier au sous-traitant. Il s'engage envers ce dernier à lui remettre un volume minimum de trafic. « Le contrat type ne comporte aucune clause d'exclusivité dans la relation opérateur de transport/sous-traitant, bien que celle-ci ne soit pas interdite ; mais il est bien évident qu'une telle clause, si elle existait, constituerait l'un des critères des plus importants pour asseoir une mesure de requalification. Toutefois un contrat sans clause d'exclusivité n'est pas à l'abri d'une mesure de requalification puisque des relations commerciales suivies, même non exclusives, sont de nature à permettre à une situation de dépendance de naître et de se développer ». Par ailleurs, notent les rédacteurs, « il est indispensable pour permettre des relations commerciales normales que le contrat prévoit le volume des prestations qui seront confiées au sous-traitant, point essentiel sans lequel celui-ci se trouverait dans une situation d'insécurité ne permettant pas un investissement professionnel de valeur ».
Le sous-traitant s'oblige à accomplir personnellement les prestations qui lui sont confiées. Exceptionnellement, en cas de circonstances imprévisibles (incident matériel, accident d'exploitation, accident de la route...) et avec l'accord écrit de l'opérateur de transport, il peut se substituer un tiers pour l'exécution de tout ou partie de l'opération. Il s'assure alors que ce dernier dispose de toutes les autorisations nécessaires à l'exécution de cette tâche et qu'il l'accomplit dans des conditions compatibles avec la réglementation. « Cette clause écarte, sans l'interdire catégoriquement, la sous-traitance « en cascade », qui, en effet, pratiquée de façon habituelle, apporterait la preuve de l'inutilité commerciale du premier sous-traitant, ce qui irait à l'encontre de l'esprit du contrat type ». Le sous-traitant s'engage à respecter les normes de qualité annexées au contrat de sous-traitance, lequel peut prévoir des réparations proportionnées au préjudice subi en cas de manquement. Toutefois, « les pénalités prévues doivent toutefois être proportionnées aux manquements observés ; disproportionnées, elles caractériseraient une situation de dépendance juridique ou hiérarchique à l'égard de l'opérateur de transport qui pourrait, à bon droit, être relevée ». Il est également tenu de faire remonter vers l'opérateur de transport, selon une périodicité fixée dans le contrat, toutes les informations nécessaires au suivi de la marchandise (retards, incidents de livraisons, dommages...). De même, le sous-traitant doit signaler immédiatement à l'opérateur de transport toute modification de sa situation susceptible de l'empêcher d'exécuter le contrat. En cas de contrat d'une durée supérieure à un an, il fournit, au minimum une fois par an, une mise à jour des déclarations fournies. Il répond des pertes, des avaries et des retards qui lui sont imputables dans les limites fixées par les contrats types en vigueur. Il souscrit une assurance contre les risques de circulation sur la voie publique, couvre les risques d'incendie et de vol du véhicule (l'opérateur de transport assure le matériel ou les engins tractés lui appartenant), souscrit une assurance responsabilité civile du chef d'entreprise ainsi qu'une assurance couvrant sa responsabilité civile contractuelle et professionnelle, notamment les marchandises qui lui sont confiées au moins à hauteur des montants applicables dans le cadre des contrats types en vigueur ou de conventions particulières.
Le sous-traitant calcule ses coûts et détermine lui-même ses tarifs qu'il porte à la connaissance du donneur d'ordres. Le prix est négocié avec ce dernier au moment de la conclusion du contrat. Lequel doit mentionner les modalités de calcul de la rémunération qui reste due au sous-traitant si l'opérateur de transport n'a pu respecter le volume minimum des prestations qu'il s'est engagé à lui confier. Le prix convenu - qui doit permettre au sous-traitant de couvrir l'ensemble de ses charges directes et indirectes engendrées par la prestation, conformément à la loi sur la sous-traitance - est renégocié au moins chaque année à la date anniversaire de la conclusion du contrat. Il est révisé en cas de variations significatives des charges de l'entreprise de transport sous-traitante, qui tiennent à des conditions extérieures à cette dernière (prix des carburants notamment), conformément à la clause de révision reprise dans tous les contrats types. Les frais supplémentaires engagés pour limiter les inconvénients résultant d'incidents survenus dans l'exécution des prestations convenues font l'objet d'un complément de facturation. Une réelle négociation tarifaire s'impose, soulignent les rédacteurs : « à défaut le sous-traitant se placerait en situation de dépendance à l'égard de l'opérateur de transport ». En aucun cas, le sous-traitant n'a à supporter les conséquences d'une défaillance ou d'un retard de paiement de l'un des clients de l'opérateur de transport. Le recours à l'action directe (article L. 132-8 du code de commerce) à l'encontre de l'expéditeur et du destinataire de la marchandise lui est néanmoins ouverte après une demande restée infructueuse auprès de l'opérateur de transport.
C'est au sous-traitant qu'il appartient d'établir sa facture. L'opérateur de transport ne peut que lui communiquer les éléments de base nécessaires, à charge pour lui de les vérifier. Ainsi, « une facturation par l'opérateur de transport montrerait à l'évidence une confusion des services administratifs des deux entreprises propre à étayer une procédure de requalification ». Toute imputation unitalérale du montant des dommages allégués sur le prix des services rendus est interdite. Le paiement est exigible à la réception de la facture. Si un délai différent est convenu, il ne peut jamais excéder 30 jours à réception de la facture. Tout retard donne lieu au paiement d'une pénalité. Le non-paiement total ou partiel d'une facture à une seule échéance autorise le sous-traitant à rompre immédiatement le contrat en cours - sans préavis et sans versement d'indemnité - et à exiger le paiement immédiat de la totalité des sommes dues même à terme.
Le contrat de sous-traitance est conclu pour une durée déterminée, reconductible ou non, soit indéterminée. Dans le second cas, chaque partie peut le résilier à tout moment par l'envoi d'une lettre recommandée avec accusé de réception dès lors qu'un préavis est respecté. Celui-ci est d'1 mois si la durée d'exécution du contrat n'excède pas 6 mois ; de 2 mois jusqu'à un an et de 3 mois au delà. Pendant cette période, chacun doit respecter ses engagements. En cas de manquements graves ou répétés de son partenaire à ses obligations, chaque partie peut mettre fin au contrat (à durée déterminé ou indéterminée) sans préavis ni indemnités.
(1) Publication de ce modèle de contrat dans notre prochain numéro.
La publication du contrat-type « réjouit » la FNTR (Fédération nationale des transporteurs routiers), TLF (Fédération des entreprises de transport et logistique de France) et l'Unostra qui ont participé à la préparation du texte. Peu ou prou, chacune des organisations professionnelles s'en attribue d'ailleurs le mérite. Ainsi l'Unostra a exigé que le texte soit accompagné d'un modèle de contrat commercial. C'est donc « grâce à sa persévérance que les donneurs d'ordre et les sous-traitants disposent désormais d'un dispositif complet qui, s'il est bien utilisé, est de nature à les préserver de la requalification d'un contrat de sous-traitance en contrat de travail et à leur permettre d'entretenir dans un cadre équilibré des relations commerciales durables » affirme l'organisation. Pour la FNTR, son opposition à la première version du texte - non soumis à l'approbation du ministre - et ses contre-propositions ont permis d'avancer. « En clair, tous les tenants du contrat-type peuvent dire merci à la FNTR, à son obstination au plan politique et à l'excellent travail de son service juridique », souligne sa Lettre du transport routier (27/8). TLF n'est pas en reste se présentant dans son Feuillet bleu (24/7) comme « la seule organisation professionnelle à avoir milité et à s'être battue pour ce contrat pendant près de deux ans ». Non conviés aux travaux d'élaboration, le Syndicat national des transports légers et messageries express (SNTLME) et le syndicat national autonome des transports de marchandises (SAPMEF) ont fait, eux, front uni pour combattre le projet de texte. Pour Thierry Charue, président du SNTLME, celui-ci représente ni plus ni moins qu'un « condensé des différents contrats de sous-traitance appliqués au sein des diverses grandes enseignes de l'express » et « une tentative d'uniformisation du système d'exploitation féodal leur permettant de continuer, en quasi impunité, de bénéficier à moindre coût d'une main d'oeuvre qualifiée et docile ». Le secrétaire général du SAPMEF évoque pour sa part un contrat type « entérinant une situation esclavagiste sur le territoire français ». En avril dernier, tous deux menaçaient le ministre des Transports de demander l'annulation du texte si celui-ci était approuvé.
L'opérateur de transport doit s'assurer, préalablement à la conclusion du contrat, que le sous-traitant est habilité à exécuter les opérations qui vont lui être confiées. Pour ce faire, ce dernier lui remet les documents prouvant qu'il est inscrit au registre des transporteurs et qu'il dispose des titres d'exploitation des véhicules qu'il utilise (photocopie de la licence communautaire ou de la licence de transport intérieur ou d'un autre titre d'exploitation) ainsi que tout autre document exigé par la réglementation en vigueur.
Dès lors que le contrat porte sur une obligation dont le montant est au moins égal au seuil fixé par le Code du travail, l'opérateur de transport procède aux vérifications imposées en matière de lutte contre le travail dissimulé. Le sous-traitant doit lui délivrer :
- un extrait K bis de son inscription au registre du commerce datant de moins de trois mois (ou éventuellement un certificat d'inscription au répertoire des métiers) ou un récépissé de dépôt de déclaration auprès d'un centre de formalités des entreprises pour les personnes physiques ou morales ayant commencé leur activité depuis moins d'un an ;
- une attestation de fourniture de déclarations sociales émanant de l'organisme de protection sociale chargé du recouvrement des cotisations sociales datant de moins d'un an ou l'avis d'imposition afférent à la taxe professionnelle pour l'exercice précédent ;
- une attestation sur l'honneur d'employer de façon régulière des salariés eux-mêmes autorisés à exercer une activité professionnelle sur le territoire français.
Le sous-traitant doit également communiquer son numéro d'identification intracommunautaire. Autant de documents qui seront conservés par l'opérateur de transport pendant toute la durée du contrat et durant les trois années qui suivent l'expiration de ce dernier et en tout état de cause jusqu'à la fin de l'année civile pour la troisième année.