Claude Gressier, Directeur du Transport maritime, des Ports et du Littoral*

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Successivement directeur des Transports Terrestres, P-dg du groupe Sceta puis de Geodis, directeur du Transport maritime, des Ports et du Littoral, Claude Gressier présente sa vision du secteur des transports enrichie de son expérience des différents modes.

C'est en 1998 que Claude Gressier a été nommé à la Direction du Transport Maritime, des Ports et du Littoral. La DTMPL est chargée de préparer et d'appliquer la politique de la filière portuaire (programmes de développement, d'équipement et d'entretien) afin d'améliorer la compétitivité des ports français. Elle exerce en outre le contrôle administratif, économique et financier des établissements publics (ports autonomes). Concernant le transport maritime, le rôle de la DTPML consiste à promouvoir la flotte de commerce française, c'est-à-dire assurer la croissance et la bonne santé financière des armateurs. Pour le volet littoral, elle gère le domaine public maritime et doit ainsi protéger et valoriser les côtes françaises tout en veillant à leur développement économique.

Claude Gressier fut Directeur des Transports Terrestres de 1986 à 1993. Il a également présidé à partir de juillet 1994 le groupe Sceta - une filiale de la SNCF réunissant à l'époque des sociétés spécialisées dans le transport routier de marchandises (Calberson, Extand et Bourgey Montreuil), le combiné (STVA, CNC), le transport de voyageurs et tourisme (Cariane et Frantour) - puis Geodis, qui regroupe depuis décembre 1995, Calberson, Sceta International, Sceta Transport et Bourgey Montreuil. Fin 1996, il a procédé à la réorganisation du groupe en quatre branches d'activité : messagerie, route, overseas et logistique. Il a également été à l'origine de la fusion de Calberson Logistique et Tailleur Industrie au sein de Geodis Logistique. Après une mauvaise année 1996 en terme de résultats, Claude Gressier a quitté Geodis en juillet 1997, pour être remplacé par Alain Poinssot, lui-même remercié en décembre 2000.

* Le 1er août, Claude Gressier a quitté cette fonction pour prendre la présidence d'une section au sein du Conseil général des Ponts et Chaussées.

GEODIS « Difficile de créer des synergies entre les activités »

L'Officiel des Transporteur Magazine : En tant qu'ancien président du groupe Geodis, que pensez-vous de la stratégie des actuels dirigeants ?

C. Gressier : Geodis est un acteur de poids en Europe. C'est aussi le premier messager et le premier logisticien en France. Il dispose de bonnes perspectives de développement surtout sur le plan européen, notamment grâce au contrôle des activités transport et logistique marchandises générales de l'Italien Züst Ambrosetti. En revanche, il semble difficile de créer des synergies entre les différents métiers du groupe. Je ne peux pas me permettre de juger davantage la politique des dirigeants actuels, ni en ce qui concerne la récente réorganisation, ni au sujet de la reprise du Sernam par Geodis. Une affaire pour laquelle les choses évoluent trop rapidement. Il est en tous cas certain que le Sernam dispose d'un fonds de commerce important, ce qui sera un atout pour Geodis. Ce dernier risque cependant de se heurter à des problèmes financiers.

TRANSPORT « Nous avons besoin d'une harmonisation communautaire »

OTM : Vous avez aussi été directeur des Transports Terrestres pendant huit ans. Quelle est votre vision concernant le secteur des transports routiers de marchandises ?

C. Gressier : L'avantage de la France par rapport aux autres pays, c'est de compter dans ses rangs des entreprises de transport importantes et structurées, comme Norbert Dentressangle, Giraud, Stef-TFE, Samat, Charles André et bien d'autres. Nombre d'entre elles occupent même une position de leader en Europe. A côté des groupes, les PME régionales spécialisées ont leur place. Les plus petits parviennent aussi à s'en sortir, notamment lorsqu'ils sont affrétés par les plus gros.

Néanmoins, le secteur du transport routier est fortement pénalisé sur les trafics internationaux. Le pavillon français est de moins en moins compétitif, en particulier vis-à-vis des pays de l'Est. Ces derniers sont de rudes concurrents, notamment à cause des différences sur les prix de revient.

Pour cette raison, je défends le projet du Livre Blanc de la Commission européenne sur la politique des transports. Pour permettre le développement du secteur routier, mais aussi maritime, nous avons besoin d'une harmonisation communautaire. Ce qui passe par l'uniformisation de la taxation sur le gazole et par la mise en place d'une tarification commune des infrastructures. Sur le plan social, le projet de directive de Jean-Claude Gayssot constitue une avancée significative même si la mise en oeuvre risque de prendre encore beaucoup de temps. C'est un aspect que nous avions déjà mis en avant en 1989 avec Michel Delebarre (à l'époque ministre du Travail) lorsque j'étais directeur des Transports Terrestres. Nous avions en effet présenté un mémorandum, demandant la transformation de la notion de temps de conduite en temps de service.

APPROCHES « Le dialogue entre transporteurs et manutentionnaires doit être amélioré »

OTM : Les transporteurs routiers subissent d'importants temps d'attente avant de pouvoir charger les conteneurs maritimes. Quelles solutions pouvez-vous leur proposer ?

C. Gressier : Les problèmes d'attentes excessives aux terminaux portuaires s'expliquent par des dysfonctionnements entre l'heure de rendez-vous et la prise en charge des conteneurs. Ces difficultés peuvent répondre à une mauvaise organisation ou à un manque de place dû à la saturation des infrastructures portuaires. Elle doivent être résolues au cas par cas. J'ai donc donné la consigne de prendre des mesures au niveau local car nous n'avons aucun réel moyen d'action sur le plan national. J'ai aussi demandé aux directeurs des ports d'être prêts à recevoir les organisations professionnelles de transporteurs routiers. Il est nécessaire d'améliorer le dialogue avec la direction mais aussi avec les manutentionnaires. Parallèlement, il est vrai que les infrastructures routières sont saturées dans certaines régions. Nous nous efforçons donc, en collaboration avec le ministère des Transports, d'y remédier, notamment en inscrivant les aménagements nécessaires dans les Contrats de plan des régions concernées

IMMIGRATION « A Calais, le problème est en passe d'être résolu »

OTM : Le transport maritime est concerné par les problèmes d'immigration clandestine, au même titre que les transporteurs routiers. Quelles mesures préconisez-vous pour pallier ce phénomène ?

C. Gressier : La sécurité doit être renforcée et les tests au CO2 généralisés. A Calais, qui est le port le plus touché par l'immigration clandestine, des efforts considérables ont été entrepris. La Chambre de Commerce et d'Industrie a mis en place des vigiles et des grillages tout autour de la zone portuaire. Les tests au CO2 permettent de détecter la présence de voyageurs illicites. Et, chaque transporteur a la possibilité de se faire contrôler avant que son véhicule embarque. Résultat : le nombre de clandestins a fortement chuté à bord des camions et des bateaux. Le problème est ainsi en passe d'être résolu. Mais il semble que les clandestins tentent de passer par d'autres ports, en France (Le Havre) mais aussi en Belgique. Nous devons peut être envisager d'élargir les mesures existantes. Une réflexion que devront mener les Comités de sûreté de chaque port. Je tenais également à préciser que si les conséquences sont pénalisantes pour les transporteurs routiers, il en est de même pour les armateurs français. Ceux-ci ne peuvent en effet pas débarquer en Angleterre lorsque des clandestins sont découverts à bord des bateaux.

INTERMODAL « Développer le transport ferroviaire de conteneurs maritimes »

OTM : L'acheminement des marchandises vers et au départ des ports se fait essentiellement par la route. Croyez-vous que le transport ferroviaire puisse être une solution à la saturation des infrastructures routières ?

C. Gressier : Les ports font déjà appel aux chemins de fer pour le transport de marchandises en vrac (charbon, céréales), notamment Dunkerque et Rouen. En ce qui concerne les trafics de conteneurs, nous devons développer l'acheminement par le rail. L'objectif n'étant pas que le fer prenne la place de la route, mais qu'il permette d'élargir la zone géographique de transport.

Des discussions entre les places portuaires, la SNCF et la CNC (Compagnie Nouvelle des Conteneurs) sont en cours, concernant Le Havre et Marseille dans un premier temps. Les relations entre ces trois instances se sont nettement améliorées. Certains malentendus subsistent toutefois et nous avons encore beaucoup de travail devant nous. Nous devons préciser les rôles de chacun des acteurs, dans des contrats d'une durée de 2 à 3 ans, et ainsi éclaircir les responsabilités sur le plan commercial. La difficulté est de savoir qui assumera les risques financiers. Nous aurons aussi à nous préoccuper de l'amélioration des infrastructures ferroviaires près des ports.

OTM : Quels sont les obstacles auxquels vous vous heurtez encore pour développer le transport ferroviaire au départ des ports ?

C. Gressier : Nous subissons un important problème au niveau de la qualité de service, en particulier pour ce qui est de la régularité des trains. Et, pour donner satisfaction aux clients, nous avons besoin d'un système ferroviaire fiable. La SNCF pâtit d'une insuffisance de locaux, de locomotives et de conducteurs. Ainsi, elle n'a pas réussi à absorber totalement la hausse des volumes de fret. Le système ferroviaire est très tendu, le moindre incident entraînant une série de dysfonctionnements. De plus, la politique menée par la SNCF donne la priorité aux trains de voyageurs, qui utilisent trop de sillons au détriment du fret.

Contrairement à ce que l'on pourrait croire, les grèves SNCF ne sont donc pas le phénomène le plus pénalisant. En cas de mouvement social, les ports s'arrangent pour reporter les trafics de conteneurs vers le transport routier. Lorsqu'il s'agit de marchandises en vrac, le fret ferroviaire peut être détourné sur d'autres pays, par exemple la Belgique pour Dunkerque.

TRANSPORT « Le pavillon français ne régresse plus »

OTM : Quelle est la situation actuelle du transport maritime sous pavillon français ? Dans quelle mesure ce mode peut-il concurrencer la route ou le fer ?

C. Gressier : Le pavillon français ne régresse plus, c'est à dire que le nombre de bateaux s'est stabilisé à environ 210. Ceci grâce à des mesures comme la création des groupements d'intérêt économique, le remboursement des charges sociales, l'assouplissement du registre des terres australes françaises. Le transport maritime hexagonal n'est pas encore vraiment dynamique. Toutefois, l'âge moyen de notre flotte diminue progressivement, signe d'un renouvellement important et d'une certaine croissance. Je souhaite par ailleurs que les armateurs français se lancent dans le transport courte distance. Une activité qui se développe sur les traversées transalpines et transpyrénéennes et qui pourrait bien venir concurrencer la route et le fer. Elle est déjà significative dans le transport de petits conteneurs des ports du Nord de l'Europe vers ceux de l'Atlantique, et aussi pour l'acheminement de voitures neuves entre la Grande-Bretagne, la France et l'Espagne.

Pour promouvoir le transport maritime à courte distance, nous avons d'ailleurs demandé à la Commission européenne la mise en place de certaines dispositifs. Deux ont d'ores et déjà été acceptés. Il s'agit d'instituer un bureau de promotion et de subventionner des études de faisabilité pour les lignes à créer. Nous avons aussi réclamé des aides financières au démarrage des lignes pour lesquelles nous attendons la réponse de Bruxelles.

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