«Six ans après sa naissance, Exapaq est en train de passer à l'âge adulte », annonce Stéphane Corthier, président du directoire d'Exapaq SA depuis septembre 2000. Il en avait été directeur général entre 1995 et janvier 1998. « Les structures juridiques ont été modifiées l'année dernière afin de mieux séparer l'opérationnel, dont je suis en charge, de l'actionnariat, désormais représenté par un conseil de surveillance présidé par André Marie (P-dg de Normatrans et « propriétaire » des « exacentres » Normandie, Val-de-Seine et Maine) », explique Stéphane Corthier. Bien que le réseau s'appuie aujourd'hui sur 41 sites (42 à fin 2001), le capital de la SA et les droits de votes se répartissent, comme à l'origine, entre les transporteurs qui contrôlent les 36 premiers « exacentres », à raison d'une voix par centre. Une manière de stabiliser l'actionnariat. Celui-ci compte une quinzaine d'associés après les ventes en 2000 d'Exapaq Bretagne (auparavant détenu par Lahaye) et d'Exapaq Pays de Loire (ex-Le Calvez) à Alexander Schreibeisen, fondateur du réseau allemand German Parcel (GP) et instigateur de la création d'Exapaq. Cette parenté d'outre-Rhin avait permis à l'opérateur français de développer une offre internationale en s'alliant début 1999 à General Parcel, l'émanation européenne de GP. Lequel était repris quelques mois plus tard par le Britannique Post Office. La grande valse des rachats des réseaux colis par les postes européennes battait alors son plein. Officiellement en vente et en négociation avec tout acquéreur potentiel, Exapaq semblait devoir tomber dans les filets du groupe britannique. Celui-ci lui a finalement préféré Extand, la filiale colis de Geodis. « Nous ne sommes plus à vendre et envisageons une introduction en bourse », avait alors annoncé le laissé-pour-compte. « Le business plan à trois ans sur lequel nous travaillons tient toujours compte d'une éventuelle entrée en Bourse », confirme Stéphane Corthier.
Celui-ci vient de régler le dernier avatar lié au rachat d'Extand. « Notre partenariat avec General Parcel se poursuit sur de nouvelles bases. Le 1er juillet, nous avons signé un accord au terme duquel nous ne sommes plus autorisés à utiliser la marque et nous ne traitons plus les importations de GP (qui généraient 4 % de nos volumes). Celles-ci étant réservées à Extand. Mais, nous pouvons utiliser le réseau européen pour nos exportations (qui représentent également 4 % de l'activité) », explique-t-il en admettant : « nous devrions être plus fort ce dernier créneau ». La faiblesse d'Exapaq à l'international ne freine pas sa croissance : pour 2001, le réseau table sur un chiffre d'affaires consolidé de 1,53 MdF (en hausse de plus de 13 %) avec 27,5 millions de colis traités (soit une progression supérieure à 12 %). Ce qui lui permet de s'afficher comme le premier opérateur en France du « pur monocolis B to B non express 5 jours sur 7 ». Un marché que Stéphane Corthier juge assez calme : « Jet Services est clairement positionné sur l'express. Extand, qui réalise seulement une partie de ses activités sur notre créneau, digère son intégration dans Post Office. La Poste structure son offre et ses réseaux DPD/Dilipack ». Côté demande, « le monocolis occupe aujourd'hui une place à part entière. La preuve : depuis l'année dernière, il fait l'objet d'objet d'appels d'offres spécifiques, distincts de la messagerie, chez des grands chargeurs », constate le responsable d'Exapaq. « Lors de son lancement en 1995, ce service était en quête de parts de marché. Ce qui a entraîné une crise des prix sur la tranche 0-30 kg des messagers mais c'est aussi ce qui a permis à ces derniers d'augmenter ensuite leurs tarifs sur les envois de 150 kg ».
Aujourd'hui, l'heure d'une telle revalorisation a également sonné pour les monocolistes : « nous avons tous passé 8 à 10 % de hausse sur nos prix de vente entre fin décembre 2000 et début janvier ». Une étape nécessaire pour répercuter « l'explosion des coûts ». « Les 35 heures, en vigueur depuis 1999 dans les seuls centres de tri Exapaq, ont généré 15 % de masse salariale supplémentaire. A cela se sont ajoutés les effets de la loi Gayssot sur l'accès à la profession pour les opérateurs de véhicules de moins de 3,5 t. Applicable au 1er septembre 2000, celle-ci a, en moins de 6 mois, entraîné la disparition d'un grand nombre de louageurs . Ceux qui répondent aux conditions nécessaires ont naturellement augmenté leurs tarifs », constate Stéphane Corthier. Ce phénomène a d'autant plus gêné Exapaq, qui sous-traite les deux tiers de ses opérations de collecte et de livraison, qu'il n'a pas touché ses concurrents DPD et Dilipack, respectivement filiale et service monocolis de La Poste. Ces deux derniers bénéficient d'une dérogation les autorisant à faire appel à des opérateurs non inscrits au registre. Déjà, une deuxième vague de difficultés se profile à l'horizon. « Nous n'avons pas encore été en mesure de chiffrer l'application de la RTT chez nos sous-traitants au 1er janvier prochain mais nous craignons qu'elle soit douloureuse», prévoit le responsable d'Exapaq. «La nouvelle réglementation sur le travail de nuit générera, elle, un surcoût de 10 millions de francs par an dans les 4 «exatris» et augmentera de 25 000 francs les 380 000 F/ jour de notre actuel budget traction - une activité réalisée pour 60 % par les actionnaires du réseau - ».
Mais Exapaq n'entend pas se contenter de répercuter les hausses des coûts. Comme certains messagers traditionnels, le monocoliste estime aujourd'hui légitime de facturer tous les services annexes. A partir de 2002, la preuve de livraison, actuellement disponible gratuitement sur internet, devrait ainsi devenir payante.
Contrôles à répétition, multiples jugements qui débouchent tantôt sur une condamnation, tantôt sur une relaxation, c'est ce que subit depuis plusieurs années Exapaq. Une entreprise qui, avec Extand, est une des principales cibles de la guerilla administrative et juridique livrée aux opérateurs faisant appel à des sous-traitants. Plusieurs procédures restent en suspens. Malgré un arrêt de la Cour de Cassation, aucune jurisprudence ne semble s'établir. Le vide juridique subsiste donc puisqu'aucune loi n'existe en France pour encadrer clairement ce type de relations. Mi-juillet devait sortir le contrat-type sur la sous-traitance mais il est toujours en attente de la signature du Premier Ministre. Ce document est pourtant très attendu par les spécialistes français de la messagerie. Il pourrait en effet apporter sur une question dont l'enjeu est la requalification en contrats de travail des contrats de sous-traitance passés avec certains louageurs pour la distribution et la collecte des colis. En revanche, les pouvoirs publics n'ont pas rechigné à renouveler le régime d'exception dont profite La Poste. Celle-ci est autorisée à recourir à des sous-traitants non inscrits au registre des transporteurs, quand ses principaux concurrents doivent respecter les impératifs du décret Gayssot. Cette dérogation a été reconduite pour une durée de 3 ans par une circulaire du ministère des Transports en décembre dernier, malgré l'opposition des professionnels, représentés alors par TLF. Reste un espoir : celui de voir transposer en droit français une directive européenne qui instaure un agrément obligatoire pour les entreprises travaillant pour la Poste.