Les prochaines directives anti-pollution connues sous le nom d'Euro 4 et Euro 5 doivent prendre effet respectivement au 1er octobre 2005 et au 1er octobre 2008 pour les émissions d'échappement des moteurs équipant les poids lourds européens. Pour les oxydes d'azote, la valeur limite qui est de 5 g/kWh en Euro 3 doit descendre à 3,5 g/kWh pour Euro 4 et 2 g/kWh pour Euro 5 soit des réductions de 30 % et de 60 %. Pour les particules la valeur limite d'Euro 3 (0,10 g/kWh) est divisée par 5 pour Euro 4 (0,02 g/kWh) et sera la même pour Euro 5.
Les motoristes sont unanimes, ils n'arriveront pas à respecter en même temps les teneurs en particules et en oxydes d'azote. Il faudra faire appel au traitement des gaz d'échappement à la sortie du moteur. Pour Euro 4, la stratégie est simple, au moins dans son principe : optimiser la combustion sur l'un des deux polluants et traiter l'autre au niveau des gaz d'échappement. C'est-à-dire respecter la teneur en particules pendant la combustion, au détriment des oxydes d'azote qui seront transformés par un catalyseur réducteur à l'échappement, ou bien réduire les oxydes d'azote pendant la combustion au détriment des particules qui seront absorbées à l'échappement avec un filtre catalytique oxydant.
Première solution, la combustion est optimisée pour respecter le taux de particules mais les gaz d'échappement sont riches en oxydes d'azote. Ceux-ci sont alors réduits dans l'échappement à l'intérieur d'un catalyseur céramique par injection d'ammoniaque (NH3) qui transforme les oxydes NOx en vapeur d'eau et en azote atmosphérique, totalement inoffensifs. Le procédé est appelé SCR (Sélective Catalytic Reduction). Le catalyseur, appelé parfois DeNOx, est efficace : la teneur en oxydes d'azote est réduite de 60 à 70 %. La mise en oeuvre de l'ammoniaque que tous les constructeurs expérimentent aujourd'hui en collaboration avec des spécialistes comme Siemens, fait appel à l'urée qui est une solution aqueuse d'ammoniaque tandis que DaimlerChrysler étudie une injection d'ammoniaque à l'état gazeux, en s'inspirant d'une méthode utilisée dans les centrales thermiques. Les deux procédés utilisent l'électronique moteur pour assurer le dosage. L'urée est un produit sans danger dont l'inconvénient est de geler vers -3 °et qui demande à être réchauffé pour libérer l'élément actif. L'ammoniaque sous pression ne craint pas le froid mais il est corrosif et inflammable - d'où des précautions particulières de stockage et d'utilisation. En revanche, il a l'avantage d'être actif immédiatement, même en cas de marche à froid alors que dans le cas de l'urée il faut monter l'échappement en température avec un système annexe et l'y maintenir avec une isolation qui en augmente encore le volume du silencieux.
L'avantage majeur du procédé est de permettre une combustion à haut rendement dans le moteur, donc de bonnes consommations spécifiques de carburant. De plus, le gazole à 50 ppm de taux de soufre prévu en 2005 est acceptable pour les émissions Euro 4. Inconvénient majeur, le système de post-traitement est volumineux. Même si le pot catalytique occupe la place du silencieux, il faut prévoir un réservoir pour l'urée, dont la contenance reste à définir en fonction des filières de distribution du produit. Les premières hypothèses d'expérimentation font état de 80 litres d'urée pour 2000 litres de gazole soit environ 6000 km parcourus. Même s'il n'a pas la même périodicité que le remplissage du réservoir, le ravitaillement en urée doit être possible dans les mêmes endroits, c'est-à-dire dans les stations-service et dans les parcs des transporteurs. DaimlerChrysler, pour son ammoniaque pure, prévoit des bouteilles normalisées échangeables d'une capacité de 10 kg et d'un poids de 18 kg. Le contenu de deux bouteilles équivaut aux 80 litres d'urée, avec un poids divisé environ par deux. L'absence d'urée ou d'ammoniaque gazeuse n'affecte pas le fonctionnement du moteur puisque la catalyse s'effectue au niveau de l'échappement. En revanche, les émissions d'oxydes d'azote dépassent largement les normes actuellement en vigueur. Les directives Euro 4 et Euro 5 prévoient un système de diagnostique embarqué pour s'assurer du bon fonctionnement du pot catalytique, c'est-à-dire la présence du produit de traitement et son utilisation. L'appareillage, qui reste à inventer, conservera une trace à bord du véhicule, qui pourrait par exemple figurer dans la mémoire du contrôlographe à puce électronique.
L'incidence de l'équipement sur le prix d'achat du véhicule n'a pas encore été chiffrée par les constructeurs. Renault VI s'est fixé comme objectif de ne pas dépasser 15 à 20 000 francs soit la moitié du coût actuel des montages d'essai. Pas de chiffrage non plus pour l'incidence du prix du produit de catalyse. Il faudra aussi intégrer les coûts de distribution.
Deuxième solution, illustrée par les recherches de Man : les conditions de combustion sont modifiées pour limiter le taux d'oxyde d'azote NOx avec un recyclage à l'admission de gaz d'échappement refroidis et, éventuellement, une diminution de l'avance à l'injection. Les particules sont brûlées à la sortie du moteur, dans un filtre à régénération continue CRT (Continuously Regenerating Trap). Rien à voir avec le filtre à particules du début des années 1990 qu'il fallait régénérer quotidiennement en brûlant la suie par un processus aussi difficile à contrôler qu'un feu de cheminée. Le filtre CRT équipe déjà des flottes d'autobus et de bennes à ordures en Scandinavie et en Grande-Bretagne. Il est très efficace contre les particules, les hydrocarbures imbrûlés et l'oxyde de carbone mais n'agit pas sur les oxydes d'azote. Il rend quasiment invisibles les fumées d'échappement et diminue les odeurs caractéristiques. Il est néanmoins sensible à différents facteurs. D'abord à la teneur en soufre : dans les pays précités, la teneur en soufre n'est que de 50 ppm, ce qui ne sera atteint dans l'ensemble de l'Europe que le 1er janvier 2005, à l'entrée en vigueur d'une nouvelle Directive sur les carburants et quelques mois avant l'application d'Euro 4. Pour mémoire la teneur « européenne » en soufre depuis le 1er janvier 2001 est de 350 ppm maximum. Les constructeurs de moteur demandent un gazole exempt de soufre (teneur inférieure à 10 ppm) pour réussir à atteindre le taux de particules d'Euro 4 avec un filtre du type CRT. L'huile moteur doit être également à basse teneur en soufre et en cendres et la consommation d'huile maintenue à un très bas niveau. Les paramètres de fonctionnement moteur à surveiller sont la proportion de particules et de NOx dans les gaz sortie moteur et leur température : au ralenti la température est trop basse et le filtre ne fonctionne pas. Un certain colmatage progressif paraît inévitable et il y a lieu de prévoir un nettoyage périodique - Renault parle de 50 000 km - sous peine de créer une contre-pression à l'échappement qui fera baisser la puissance moteur et augmentera sensiblement la consommation. La situation extrême serait la régénération spontanée du filtre qui entraînerait sa destruction. Les expérimentations en cours ont pour but de simuler les divers cas d'utilisation et de préciser les périodicités de nettoyage et la tenue en endurance du filtre, notamment en utilisation grand routière.
La technique du filtre catalytique oxydant évite le recours à un produit additionnel mais elle obligera à des immobilisations pour le nettoyage. La consommation du véhicule ne sera pas optimisée dans la mesure où la combustion, réglée pour limiter les oxydes d'azote, n'aura pas le rendement maximum.
Pour Euro 5, l'abaissement du taux d'oxydes d'azote de 0,35 à 0,2 g/kWh (- 43 %) par rapport à Euro4 obligera à combiner les deux procédés, la réduction catalytique et le filtre oxydant. En effet il ne sera plus possible d'optimiser la combustion sur la teneur minimum en particules car le taux de réduction des NOx demandé au catalyseur sera trop élevé. L'abaissement de la teneur en NOx au niveau de la combustion ne sera pas non plus suffisant. Man travaille sur un catalyseur GD qui comporte en premier étage un catalyseur à oxydation suivi d'un catalyseur réducteur et donne rendez-vous en 2007. Le problème du carburant sans soufre devra aussi être réglé pour l'échéance 2008.
Si les appareils de post-traitement sont incontournables, il n'en reste pas moins que les constructeurs s'efforcent de diminuer les émissions à la source, c'est-à-dire dans la chambre de combustion. L'idée générale est de limiter voire d'abaisser la température maximum, favorable à la formation de NOx et d'obtenir un mélange air-carburant extrêmement homogène pour éviter l'excès d'oxygène. L'abaissement de la température de combustion commence par un refroidissement renforcé de l'air de suralimentation avant son entrée dans le moteur, c'est-à-dire un interrefroidissement plus puissant (pilotage électronique du ventilateur, position optimisée du ventilateur par rapport au radiateur). A pleine puissance, l'air qui sort à plus de 150 ° du turbocompresseur devrait rentrer à moins de 50° dans le moteur. L'inflation de la pression d'injection continue. Les constructeurs qui utilisent des pompes unitaires et des injecteurs-pompe - Iveco, Mercedes, Volvo, Scania - s'efforcent de réduire le temps de montée en pression dans l'injecteur, avec des cames plus « raides », en restant dans des limites de contraintes mécaniques acceptables. Caterpillar et International ont développé une injection où la pression hydraulique remplace la commande mécanique par came. Il n'est pas exclu que Mercedes qui a signé un accord de coopération technique avec Caterpillar, n'utilise l'injecteur à commande hydraulique pour Euro 5, car son système actuel PLD à pompe unitaire aura atteint ses limites avec Euro 4. Scania a développé avec Cummins une injection mixte avec une commande mécanique par came et un actionnement hydraulique qui assure à la fois le dosage et une amplification de pression qui devrait permettre d'atteindre des pressions de l'ordre de 2400 bar. Renault reste fidèle à la rampe commune qui assure une pression permanente du carburant à l'entrée de l'injecteur et qui permet de pratiquer une pré-injection. Cette technique amorce la combustion avant que l'injection proprement dite ne soit pratiquée et raccourcit le temps de combustion. La pré-injection peut-être aussi être mise en oeuvre avec la commande hydraulique. Le recyclage de gaz d'échappement est maintenant utilisé par Mack, pour son moteurs E-Tech, par Cummins sur son gros 16 litres Signature et est expérimenté par Volvo sur son D 12, pour l'application sur le marché américain. La rampe commune a été choisie par Man pour les variantes Euro 4 de ses gros six cylindres qui seront toujours dotés du recyclage de gaz d'échappement refroidis.
Les soupapes des cylindres pourraient aussi perdre leur actionnement par came au bénéfice d'une commande hydraulique qui permettrait d'optimiser l'ouverture et la fermeture et surtout de doser l'air d'admission en même temps que le carburant, toujours dans le but de mieux contrôler la formation des oxydes d'azote. International expérimente des moteurs « camless » de moyenne cylindrée. L'actionnement hydraulique des soupapes présente un avantage annexe : il permet d'obtenir un frein moteur puissant et modulable.