Recrutement de cadres : la pénurie

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Les entreprises se plaignent de plus en plus des difficultés à recruter de jeunes cadres. Il est vrai que moins d'un étudiant sur deux qui a suivi une formation supérieure en transport et logistique veut aller travailler chez des prestataires transport et logistique. Comme pour les conducteurs, les explications du malaise sont, pêle-mêle: salaires trop faibles, conditions de travail difficiles et mauvaise image de marque.

Pénurie de... Cadres et d'agents de maîtrise. C'est le nouveau problème auquel est actuellement confronté le secteur transport et logistique. Alors que la demande s'envole en 2000 (voir tableaux), l'offre ne suit plus.

Focalisées depuis plusieurs mois sur leurs difficulté à recruter des conducteurs, nombre d'entreprises ont laissé de côté l'encadrement, oubliant au passage une règle très simple qui veut que le recrutement d'une dizaine de chauffeurs s'accompagne en corollaire d'un agent d'exploitation. Oubliant également que la réglementation sur la réduction de la durée du temps de travail des sédentaires, qui s'applique sans dérogation dans le secteur du transport, allait créer une forte demande (car s'il est moins médiatisé, il est de notoriété publique que les temps de travail des exploitants et des commerciaux dans le transport se situe à des niveaux plus élevés que dans les autres secteurs économiques). Oubliant enfin que la montée en puissance des nouvelles formes d'organisation en logistique exigeait des compétences plus pointues.

Pression sur les bac +4

Dans ces conditions, rien d'étonnant à voir au cours d'un forum emploi organisé en avril lors de la Semaine Internationale du Transport et de la Logistique, une vingtaine d'entreprises, et non des moindres (Gefco, Easydis, DPD, FM Logistic, Hays, Fedex, Auchan, etc.) venir faire leur promotion pour attirer de jeunes étudiants ou chercher un cadre expérimenté. Il faut à la fois trouver des techniciens, des organisateurs et des commerciaux, gérer le prséent tout en préparant l'avenir.

La recherche de cadres supérieures à forte compétence organisationnelle et informatique est l'une des questions les plus vitales pour les entreprises, notamment en ce qui concerne les chargeurs et les prestataires logistiques. « Nous recherchons principalement des responsables d'activités logistiques et des approvisionneurs-organisateurs, explique Romain Demaegdt, directeur ressources humaines à la direction approvisionnement et logistique d'Auchan France. « Et les profils que nous souhaitons sont plutôt des bac + 4 à bac +5, venant d'une école d'ingénieurs ou de logistique avec un minimum de 5 ans d'expérience en approvisionnement et logistique. » Chez Hays, comme chez FM Logistic, le même profil est de mise, avec des exigences spécifiques sur la personnalité des candidats. « Le groupe Hays compte actuellement plus de 330 cadres et 700 agents de maîtrise, précise Claude Samson, directeur des ressources humaines. La demande sur des bac +2 pour des postes opérationnels d'agents d'exploitation ou responsable de site logistique reste forte. Mais nous souhaitons également de plus en plus intégrer des fonctionnels pour des postes de chefs de projet et d'études, ayant un niveau de formation d'au moins bac +4, avec anglais indispensable et acceptant une forte mobilité. »

En ce qui concerne les entreprises de transport, il semblerait que l'une des demandes prioritaires porte sur le volet commercial, notamment dans les secteurs de la messagerie. Chez Jet Services, plus de la moitié des commerciaux ont moins d'un an d'expérience. Chez Chronopost, les demandes de recrutement portent sur des postes de chargé d'affaires (pour gérer des portefeuilles clientèles de 20 MF) et sur des chargés de clientèle (suivi des envois, information produits). Les métiers de la télévente sont également particulièrement en vogue. Là encore, les demandes de recruteurs ne sont pas minces, avec des profils Ecole de Commerce, anglais indispensable et allemand ou espagnol souhaité, maîtrise de l'informatique, mobilité, etc.

Des niveaux de salaires insuffisants

Mais si ces désirs sont légitimes et traditionnels pour des métiers qui évoluent vers davantage de technicité, ils se heurtent à une autre réalité plus crue : le transport n'attire pas. La logistique un peu plus. Mais contrairement à une idée reçue, elle ne suscite pas des enthousiasmes débordants. Dans les écoles d'ingénieurs ou de commerce, les options logistiques ne sont pas forcément les plus prisées.

On a pu croire que cette mauvaise image était seulement rédhibitoire pour le recrutement des chauffeurs. Il ne faut pas non plus sous-estimer son impact négatif dans le recrutement des cadres et agents de maîtrise. Et comme pour les chauffeurs, le nerf de la guerre concerne les rémunérations. « Le niveau de rémunération à l'entrée d'un jeune étudiant est d'environ 100 KF bruts par an, » explique Gilles Collyer, Pdg des Routiers Bretons. Propos confirmé par François Peyrel, directeur des filiales transport des Galeries Lafayette et maître de conférences associé à l'IUT d'Evry : « chez les chargeurs, pour des profils d'embauche bac +2 en entreposage, les niveaux de rémunération sont identiques. » Ces deux constats empiriques sont confirmés par Michel Le Nir, chef du département GLT de l'IUT de Lyon 2 : « une étude récente sur le devenir des étudiants des IUT en gestion Logistique et transport montre que leur insertion professionnelle est rapide, puisque les deux tiers d'entre eux trouvent un travail dans les trois mois qui suivent l'obtention de leur diplôme. En revanche, les contrats qu'on leur propose sont précaires, avec seulement 30% de CDI et les conditions salariales sont de moins en moins favorables. En 1990, les salaires d'embauche étaient en moyenne de 8 000 francs nets par mois. En 1998, on était tombé à un peu plus de 6500 francs. » Avec, à la clé des conditions de travail qui se sont dégradées.

Certes, les employeurs mettent en avant les perspectives d'évolution. « Un jeune qui entre chez nous peut avoir, selon ses capacités, des hausses de rémunération importantes dans les six mois qui suivent, insiste Gilles Collyer. Par ailleurs, la plupart des entreprises de transport sont situées en province, où les niveaux de vie ne sont pas les mêmes qu'à Paris. »

Il n'en reste pas moins qu'avec un marché du travail qui devient plus favorable, les jeunes ne sont guère attirés par le transport et préfèrent aller voir ailleurs. « Lors du forum emploi-logistique, nous avons enregistré près de 500 visiteurs, expliquent Corine Marmoy et Pascal Lerebours, co-organisateurs de la manifestation sur SITL. Près de la moitié d'entre eux ont déclaré vouloir travailler prioritairement dans les secteurs de l'industrie et de la distribution et 10% veulent aller dans les sociétés de conseil ou d'informatique.. Seuls 40% souhaitent travailler chez les prestataires de transport et logistique. » Michel Le Nir fait le même constat : « 60 % des bac +2 trouvent leur premier emploi chez les prestataires logistiques et transport ; mais le taux passe à 50 % pour les bac + 4 et à un peu plus de 30% pour les bac + 5 ».

L'autre conséquence de ces faibles niveaux de rémunération est l'augmentation croissante du turn-over chez les cadres et agents de maîtrise.

L'offre de formation est-elle adaptée ?

L'ensemble de ces problèmes pose évidemment la question de base : l'offre de formation en transport et logistique est-elle à même de répondre à la demande ? Pour Bernard Prolongeau, président de l'AFT, le problème n'est pas d'ordre quantitatif : « les effectifs des établissements de l'enseignement supérieur et le rythme de création de nouvelles formations sont établis en fonction des besoins des professionnels. Il convient d'ailleurs de rappeler que le conseil d'administration de l'AFT est principalement composée de représentants d'organisations professionnelles. » Ce principe est aujourd'hui largement partagé. Le ministère de l'Education Nationale, comme l'AFT, Promotrans ou les établissements privés de l'enseignement privé s'efforcent de ne pas répondre à cette crise de recrutement par une inflation de formation.« Aujourd'hui, le dispositif de formation mis en place dans le transport et la logistique répond largement à nos besoins, » insiste Jean-Benoît Sangnier, secrétaire général du groupe Mory et président de la commission social et formation de TLF (Fédération des entreprises de Transport et Logistique de France).

En fait, tout donne l'impression que le transport est un secteur qui fonctionne en vase clos. Pour prendre un exemple précis, personne aujourd'hui ne forme des commerciaux transport. Les entreprises ont le choix entre prendre des spécialistes transport et les former aux techniques commerciales (une solution souvent peu satisfaisante) ou prendre des profils commerciaux généralistes et leur apprendre l'offre commerciale transport. Ce dernier cas est à priori plus logique. Encore convient-il de convaincre un jeune HEC, ESSEC ou Ecole de Commerce Régionale de rejoindre le monde du transport. Un problème encore plus épineux pour les jeunes ingénieurs. L'Ecole Centrale a ainsi mis en place un mastère de génie industriel (donc de niveau bac +6), avec deux options, l'une sur l'ingénierie des projets et l'autre sur la logistique et le transport. Depuis que ces deux options existent, les trois-quart des étudiants choisissent la première.

Comme le confesse un étudiant d'IUT Gestion Logistique et Transport :« si j'avais su, je serai plutôt allé dans un IUT d'informatique »...

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