«Après un bon premier trimestre, le deuxième a été marqué par un certain essoufflement dans l'ensemble des secteurs avec lesquels nous travaillons », constate Olivier Delmotte, P-dg de Sotrapoise (60) spécialisée dans la messagerie et l'express. « Le transport de liquides alimentaires s'est bien comporté, analyse Guy Labeyrie, délégué général du groupement Axcial, même si janvier et juin se sont révélés particulièrement creux ». Quant à Jean-Louis Peter, gérant de Braun Transports (67), il observe une stagnation de son activité grand volume depuis le début de l'année. Les enquêtes d'opinion réalisées auprès des chefs d'entreprise confirment ce constat mitigé à l'endroit du premier semestre 2001. Celle de l'Aft-Iftim fait apparaître un léger regain du transport national au premier trimestre, suivi d'une stabilisation au second. Selon l'étude menée par l'organisme BNP Paribas Lease Group en juin dernier, la majorité des pme du secteur connaissent des volumes d'affaires en hausse, restant à un niveau élevé quoique légèrement en retrait par rapport à 2000. « Nous enregistrons un chiffre d'affaires de 34 millions de francs pour le 1er semestre. Soit une croissance de 5 % un peu inférieure à celle de l'an passé », note Olivier Delmotte. « Nos trafics en lots complets continuent d'être dynamiques, mais n'ont pas connu la même progression que l'année dernière », indique Michel Nicolas, P-dg du groupe Nicolas (63). D'autres entreprises ont connu de fortes croissances, similaires à celles enregistrées en 2000. « Notre chiffre d'affaires a atteint 80 MF sur les six premiers mois de l'année, soit une hausse de 30 % », signale Raymond Cordier, P-dg des Transports Cordier (21). La société Chevrier (74) a, elle, profité du report des trafics du fer vers la route, suite au conflit social survenu à la SNCF fin mars-début avril. « En prenant des parts de marché aux chemins de fer, nous réalisons une progression de 22 % avec un CA semestriel de 42 MF », annonce Sébastien Chevrier.
Les entreprises de transport ont par ailleurs bénéficié de revalorisations tarifaires destinées à compenser la flambée du prix du gazole. « Grâce aux augmentations passées au 4e trimestre 2000, notre CA a progressé. Et ce, en dépit d'une baisse des tonnages transportés », se félicite Jean-François Bon de la société Jammet (86), spécialisée dans le transport sous température dirigée. « Sur un volume d'affaires en croissance de 10 % au 1er semestre, 7 % sont imputables aux hausses de tarifs », commente Jean-Pierre Jourdan, P-dg des Transports Jourdan (50), présents sur le créneau du lot complet et du groupage. Conjuguée à une relative stabilisation du prix du carburant, les réajustements tarifaires ont aussi permis aux transporteurs d'améliorer leur rentabilité. L'étude de BNP Paribas Lease Group fait état d'un indicateur de rentabilité supérieur à celui du 1er semestre 2000, passant de + 16 à + 36. « Nous devrions cette année inverser la tendance, avec un bénéfice d'exploitation de 6 millions de francs contre un déficit du même ordre en 2000 », note Yves Corsi, P-dg de Corsi FIT (52). Nexia (ex-Exel Froid) table également sur un retournement de situation : « Nos pertes devraient passer de 70 MF l'année dernière à 28 MF en 2001 », assure le P-dg Serge Bannier.
Les entreprises oeuvrant à l'international ont, elles, connu un premier semestre plus difficile. Selon l'enquête d'opinion de l'Aft-Iftim, l'activité s'est dégradée tant à l'importation qu'à l'exportation. Les trafics intercommunautaires ont également été fortement touchés. « Les transporteurs français perdent des parts de marché à l'étranger, en particulier pour l'Italie et la Belgique. Deux pays avantagés au niveau du social, qui peuvent tirer leurs prix vers le bas.La situation est encore pire pour l'Europe de l'Est où le pavillon français se fait moins en moins présent », commente Jacques-Henri Garban, délégué général de l'AFTRI (Association française des transporteurs routiers internationaux). Des professionnels tels que Jean-Pierre Jourdan prennent les devants : « nous limitons notre activité hors frontières, car nous ne sommes pas compétitifs ». Certaines spécialités ont pour leur part pâti des mauvaises conditions climatiques. C'est le cas du vrac solide. « Les chantiers de BTP ne pouvant fonctionner normalement, notre activité de transport par bennes s'est fortement ralentie au 1er trimestre », signale Pascal Tratsaert des Transports Carpentier (62). « Notre chiffre d'affaires 2001 sera inférieur à celui de 2000 », prévoit-on chez Carminati-Fariney (70). « L'ensemble de nos adhérents ont vu leur activité se stabiliser », confirme Richard Bruno, secrétaire général du réseau France Benne. Si les intempéries ont entraîné des difficultés pour les transporteurs par bennes céréalières, c'est l'épidémie de fièvre aphteuse qui a touché ceux acheminant des aliments pour bétail.
L'augmentation des charges sociales, avec le nouveau seuil de majoration des heures supplémentaires au 1er janvier 2001, et les revalorisations salariales n'ont elles épargné aucune entreprise du secteur. Et ce, alors que la pénurie de main d'oeuvre sévit toujours. « Nous sommes obligés de former nous-mêmes les jeunes conducteurs, en contrat de qualification ou en apprentissage », indique Claude Renaud, dirigeant des Transports Renaud Roger (17). En Alsace, Jean-Louis Peter assiste à une fuite de la main d'oeuvre en Allemagne ou en Suisse. Pourtant, des chefs d'entreprise entrevoient un mieux. « Le marché de l'emploi semble se rééquilibrer », observe Jean-Pierre Jourdan. Une tendance qui, si elle se maintenait, pourrait déboucher sur des trafics supplémentaires. Yves Corsi se dit confiant : « Grâce à la concrétisation de nouveaux contrats, les perspectives sont très bonnes pour 2001 ». Quant à Jean-François Bon des Transports Jammet, il prévoit un deuxième semestre « dans la lignée du premier ». Cet optimisme n'est pas de mise chez tous les transporteurs, certains s'attendant à une baisse d'activité dès le mois de septembre. « La plupart de nos adhérents émettent des craintes quant aux six derniers mois de l'année », note Guillemette de Fos, responsable de la communication à la FNTR (Fédération nationale des transports routiers). Ainsi Olivier Delmotte se dit prêt à réviser ses prévisions à la baisse. Son entreprise table sur une croissance globale de 5 % en lieu et place des 8,5 % réalisés l'année dernière.