Dominique Rain, président de la Commission route de l'AUTF

Article réservé aux abonnés

D'abord et avant tout acteur dans le transport de produits pétroliers et chimiques, Dominique Rain est l'un des artisans de l'évolution économique, réglementaire et technique du transport de matières dangereuses. Mais son influence dépasse largement le seul cadre de ce secteur et ses prises de position, qui s'appuient sur le respect et la responsabilité, donnent parfois du baume au coeur à l'ensemble des transporteurs.

Dominique Rain appartient à cette catégorie un peu particulière des chargeurs qui comptent, mais qui ne chargent pas. Il a cependant su, au sein de l'une des fédérations professionnelles les plus importantes, imposer une nouvelle vision du transport, donner un sens à la notion de partenariat chargeur-transporteur. Ce qui ne l'empêche pas, de temps en temps, de fustiger le carcan réglementaire français que subissent les chargeurs dans leurs relations avec les transporteurs. Il prouve cependant son attachement au développement du transport routier depuis maintenant une dizaine d'années qu'il est responsable des transports à l'Union des Industries Chimiques et qu'il occupe la présidence de la commission route de l'AUTF (Association des Utilisateurs de Transport de Fret), où ses prises de positions privilégient le long terme, parlant plus souvent de sécurité et de qualité que de prix. Il a également su le prouver dans sa spécialité où il a porté sur les fonds baptismaux le CIFMD, Comité Interprofessionnel de Formation des Matières Dangereuses, devenant ainsi le parrain des conseillers à la sécurité (qu'ils soient chez les chargeurs ou chez les transporteurs).

REGULATION La capacité financière, c'est le nerf de la guerre

L'Officiel des Transporteurs Magazine : En tant que chargeur, quel bilan tirez-vous des mécanismes de régulation mis en place par les pouvoirs publics ?

Dominique Rain : En fait, il semble bien que tout tourne autour des conditions d'accès à la profession, et surtout la capacité professionnelle et les conditions financières. En ce qui concerne la capacité professionnelle, le système mis en place est déjà d'un haut niveau. Il sera difficile d'aller au delà. En ce qui concerne la capacité financière, on touche évidemment au nerf de la guerre. Les dispositifs se mettent en place et les pouvoirs publics semblent décidés à appliquer les règles. C'est une bonne chose.

OTM : La mise en place des mesures relatives à la capacité financière pourraient entraîner la disparition de 10 à 15% des entreprises de transport. Pensez-vous que les Pouvoirs Publics iront jusqu'au bout de leur logique ?

D. Rain : Certes, l'application stricto sensu de la mesure pourrait être un peu brutale. On a affaire, dans le cas des entreprises qui ne respectent pas la capacité financière, à une population sensible et réactive. Les Pouvoirs Publics devront donc faire preuve de prudence dans l'application de telles règles. Mais à mon sens, le mécanisme de la capacité financière et son corollaire, l'assainissement du marché par la disparition d'entreprises fragiles, est certainement le meilleur moyen de régulation du marché. Les Pouvoirs publics ne peuvent pas reculer. La recapitalisation des entreprises est une nécessité vitale. Et j'irai même plus loin dans un exemple comme celui de la mise en redressement judiciaire de Grimaud. Il faudrait que les organisations professionnelles poursuivent l'Etat pour ne pas avoir fait respecter les règles sur la capacité financière.

OTM : Ces mécanismes risquent pourtant de diminuer l'offre et donc à terme d'augmenter les prix du transport. N'êtes-vous pas inquiet de cette évolution ?

D. Rain : Bien au contraire. Notre intérêt, en tant que chargeur, est bien que l'offre de transport soit parfaitement régulée. Nous n'avons pas intérêt à voir se développer des comportements qui empêchent le transport routier national de se développer dans des conditions normales. Maintenant, il reste à savoir si cette mesure va faire monter les prix. On verra à l'expérience.

RELATIONS CHARGEURS-TRANSPORTEURS L'indexation ne doit porter que sur des éléments externes

OTM : Mais la politique de régulation des Pouvoirs Publics ne se limite pas seulement à la réduction de l'offre de transport. Elle vise également à rééquilibrer les relations chargeurs-transporteurs. Et à ce titre là, pensez vous que des mesures comme l'action directe constituent un facteur favorable de régulation ?

D. Rain : Les mécanismes de protection vis-à-vis des transporteurs qui ont été mis en place ces dernières années constituent une indéniable avancée ... pour les transporteurs, notamment pour ce qui concerne l'action directe. Les chargeurs vivent quant à eux ce texte comme une injustice quand ils y sont confrontés. Maintenant, il reste à souhaiter que la jurisprudence mette un peu d'ordre dans les pratiques et surtout que l'administration laisse la justice déterminer les règles. L'action directe ne doit pas devenir un acte de gestion courante. Il existe des principes intangibles dans la gestion d'une entreprise et une mesure comme l'action directe doit être appliquée avec la manière et dans les bonnes formes.

OTM : Mais pensez-vous vraiment qu'elle contribue à assainir le marché du transport ?

D. Rain : Je pense surtout que cette mesure, à long terme, ne favorisera guère les petits transporteurs. Les chargeurs seront incités à demander des garanties que seules les grandes entreprises pourront leur apporter.

OTM : Au final, qu'est-ce que vous trouvez de positif dans de telles mesures ?

D. Rain : Incontestablement, les mesures qui visent à alourdir le risque financier pour le chargeur amènent à des changements de comportement dans le choix d'un fournisseur. Mais ces changements seront lents, car les cas d'application de l'action directe sont encore rares. Peu de chargeurs ont pris conscience de la portée cette disposition.

OTM : Et que vous inspire la mise en place de systèmes d'indexation ?

D. Rain : Avant, les relations tarifaires entre un chargeur et un transporteur étaient basées sur des relations et des kilomètres. Il en existe encore. Mais on rencontre de plus de plus de véritables contrats de prestation qui intègrent plusieurs paramètres et qui s'étalent sur plusieurs années. Alors oui, dans ce contexte là, il faut pouvoir intégrer des mécanismes d'indexation. Mais cette indexation doit véritablement porter sur des éléments externes. Le gazole fait évidemment partie de cette catégorie des variables externes imprévisibles.

OTM : Etes-vous favorable à des indexations qui tiendraient compte de l'évolution des coûts sociaux ?

D. Rain : La question est plus difficile à résoudre. Mais si le contrat entre les deux parties est de durée un peu longue, on peut notamment envisager d'intégrer dans les mécanismes d'indexation tous les décrochements des conventions collectives. Pour autant, ces différents mécanismes d'indexation doivent êtres laissés à la libre négociation des parties.

Actualités : commentaires

Boutique
Div qui contient le message d'alerte
Se connecter

Identifiez-vous

Champ obligatoire Mot de passe obligatoire
Mot de passe oublié

Vous êtes abonné, mais vous n'avez pas vos identifiants pour le site ?

Contactez le service client abonnements@info6tm.com - 01.40.05.23.15