Pollution nocturne

Article réservé aux abonnés

Aboutir à tout prix à un accord sur le travail de nuit ou abandonner les négociations ? Opposées sur la conduite à tenir après le rejet du protocole par les syndicats de salariés, les fédérations de transporteurs s'accordent un temps de réflexion. Cette position attentiste devrait peser sur les négociations salariales engagées le 27 juin. Une réunion que la partie patronale aborde pourtant avec une proposition commune : porter la revalorisation des minima conventionnels à 2 % en lieu et place des 1,3 % initialement décidés.

Combien les transporteurs routiers devront débourser pour la rémunération de leurs personnels travaillant de nuit et à compter de quelle date ? Ces questions ne devraient pas trouver réponse avant la mi-juillet, au mieux. La Fédération nationale des transporteurs routiers (FNTR), TLF (Fédération des entreprises de transport et logistique de France) et l'Unostra ont en effet décidé de s'accorder un temps de réflexion. Quelques semaines pour décider de la poursuite ou de l'arrêt des négociations sur le travail nocturne, suite au refus opposé par les syndicats de salariés à la signature du projet d'accord de branche qui leur a été soumis le 30 mai. Un rejet qui a fait l'effet d'une douche glacée aux négociateurs patronaux. « Nous sommes très déçus par cette position. A trop vouloir tout de suite, les syndicats risquent de ne rien obtenir. Quant aux entreprises, elles pourraient, faute d'accord, se retrouver en délicatesse vis-à-vis de la loi », commente Christian Rose, secrétaire national de l'Unostra. « Nous avons été douchés par le rejet d'un texte quasi finalisé en termes de propositions patronales qui a largement évolué, comporte nombre d'avantages pour les salariés et constitue un point d'équilibre », reconnaît Christine Di Costanzo, déléguée générale adjointe de la FNTR. Quant à Hervé Cornède, délégué général de TLF, il « ne comprend pas les raisons de ce non-accord sur un texte globalement bon pour le patronat et très proche de ce qui se pratique dans d'autres métiers ». Le 20 juin, l'UFT (Union des fédérations de transport) aurait sollicité un nouveau mandat auprès des organisations professionnelles qu'elle représente (FNTR et TLF), afin de soumettre d'autres propositions aux syndicats. L'issue de cette démarche demeure incertaine, TLF ayant annoncé dès le 16 juin son opposition à toute nouvelle avancée, et notamment à l'entrée en vigueur des majorations salariales en une seule étape, au 1er janvier 2002. Un refus que l'organisation justifie par le risque « de se mettre une nouvelle fois en position de décalage par rapport à la concurrence étrangère ». Au cours des semaines à venir, les représentants patronaux tenteront donc de s'accorder sur la politique à tenir, « mais rien n'assure que les positions qui pourraient être adoptées dans ce cadre suffiront à débloquer la situation auprès de nos partenaires », indique Christian Rose.

Revirement syndical.

Selon Christine Di Costanzo, le principal point de divergence entre les deux parties réside dans l'assiette de calcul de la compensation pécuniaire. « Un point qui semblait réglé par le projet de protocole et qui a brusquement ressurgi comme obstacle à sa signature », observe Christian Rose. Les organisations syndicales reviennent à leur demande initiale, insistant pour que la majoration salariale des temps de travail effectués de nuit - 20 % dès la première heure - soit calculée sur le salaire réel du salarié et non sur le minimum conventionnel de son coefficient à l'embauche. « Nous attendons toujours une réponse de l'UFT sur cette demande », affirme Jean-Pierre Rémy, secrétaire adjoint de la CFDT Branche « Route ». En dernier recours, le syndicat pourrait avancer une solution de compromis à savoir un calcul basé sur le coefficient maximum conventionnel soit le 150 M pour les conducteurs. Le deuxième point de désaccord concerne le cadre légal nécessaire à la transformation des heures de repos accordées aux salariés effectuant au moins 50 heures de travail nocturne par mois en majoration de salaire et vice-versa. Prévus par le projet patronal, ces glissements ne pourraient s'effectuer qu'une fois leurs modalités définies par un accord négocié au sein de l'entreprise. En l'absence de structure de représentation du personnel, l'UFT proposait dans un premier temps le recours au référendum. Une solution à laquelle la CFDT se dit opposée par principe : « on a assez vu ce que cette solution donnait dans le cadre de la réduction du temps de travail », souligne Jean-Pierre Rémy. Suggérée par les organisations syndicales, la voie du mandatement de salariés s'est vue, elle, écartée par l'UFT pour des raisons juridiques. Ce dispositif mis en place pour négocier les accords « 35 heures » ne pourrait être utilisé à d'autres fins, indique-t-elle. Dans ce contexte, les représentants syndicaux souhaitent réserver ces formes d'ajustements aux seuls établissements pourvus d'un comité d'entreprise, délégué syndical ou délégué du personnel. « Nous voulons limiter au maximum les risques de dérives dans le passage de la compensation financière à celle en temps. Des employeurs pourraient être tentés d'accorder des repos fictifs, les personnels perdant à la fois sur les deux tableaux », souligne Joël Lecoq, de la CFDT. Pour Christine di Costanzo, il ne s'agit pas là d'un réel point de blocage car « sur le fond, tous les partenaires sociaux sont d'accord sur le principe de ces transformations ». Néanmoins, reconnaît-elle, « une formule rédactionnelle reste à trouver afin que leurs modalités apportent toute garantie aux salariés ». Et ce, en gardant à l'esprit « la nécessité d'inscrire le futur accord dans la loi sur le travail de nuit - qui donne la priorité à la compensation en repos - afin d'assurer son extension ».

Unis sur les salaires.

« Le dossier du travail de nuit est explosif du côté patronal comme syndical. De la façon dont il s'achèvera, dépendra la valeur des négociations paritaires à venir », observe Christian Rose. Dans un premier temps, l'attentisme des négociateurs pourrait peser sur les discussions salariales pour 2001. A la veille de la première réunion avec les syndicats, le 27 juin, la partie patronale se déclarait prête à réviser à la hausse sa proposition formulée en avril qui portait sur une hausse des minima de 1,3 % en une seule étape. Un consensus semblait se dégager en faveur d'une revalorisation de 2 % des salaires conventionnels mensuels et annuels pour toutes les catégories de personnel et tous les coefficients. « Un chiffre qui nous paraît raisonnable », indique Christine Di Costanzo. La date d'application reste à négocier, sachant qu'une signature à fin juin permettrait une entrée en vigueur au 1er juillet, souligne l'Unostra. Cette proposition pourrait agréer à la CFDT malgré une demande de 4 %, correspondant à la progression prévue du smic. « Nous n'avons pas négocié l'accord salarial de 1997 visant à sortir les coefficients du smic pour les remettre en dessous. Il faut maintenir l'écart », souligne Jean-Pierre Rémy. Une analyse que conteste Christine Di Costanzo : « grâce aux étapes franchies depuis 1997, nous ne sommes plus dans la situation où les salaires conventionnels risquaient d'être rattrapés voire dépassés à chaque augmentation du smic ». En outre, remarque l'Unostra, « il n'est pas question de faire du salaire minimum interprofessionnel de croissance un indice de revalorisation des minima garantis car ce n'est pas sa vocation ». A l'ordre du jour de la réunion du 27 juin figure également la question des frais de déplacement. L'accord du 8 février 2001 prévoyant tout à la fois de renégocier leurs modalités d'attribution - une refonte envisagée depuis des lustres - et une revalorisation des indemnités au 1er juillet. Les syndicats disent attendre des propositions de la partie patronale. Laquelle ne souffle mot de ses intentions. Néanmoins, la CFDT se refuse à lier cette négociation à celle sur les salaires. « La profession s'est fait trop de mal dans le passé en agissant ainsi », souligne Jean-Pierre Rémy qui annonce la couleur : « si les discussions sur le travail de nuit et les salaires n'aboutissent pas, un processus revendicatif peut se mettre en place dès la rentrée ».

A retenir...

- La Fédération nationale des transporteurs routiers (FNTR), TLF (Fédération des entreprises de transport et logistique de France) et l'Unostra s'opposent sur la conduite à tenir après le rejet, par les syndicats de salariés, du projet d'accord sur le travail de nuit.

- Les trois fédérations s'octroient un temps de réflexion pour décider de la poursuite ou de l'arrêt des négociations.

- Une revalorisation des salaires de 2 %, au 1er juillet, pour toutes les catégories de personnel et tous les coefficients est proposée aux syndicats de salariés par la partie patronale.

Événement

Boutique
Div qui contient le message d'alerte
Se connecter

Identifiez-vous

Champ obligatoire Mot de passe obligatoire
Mot de passe oublié

Vous êtes abonné, mais vous n'avez pas vos identifiants pour le site ?

Contactez le service client abonnements@info6tm.com - 01.40.05.23.15