Nouveau coup dur pour la future directive sur le temps de travail des conducteurs européens. Le 14 juin, le Parlement a, en deuxième lecture, refusé la nouvelle mouture de la position commune du Conseil qui doit servir de base à l'élaboration de ce texte. C'est la deuxième fois que les parlementaires strasbourgeois font valoir leur opposition aux propositions qui leur sont soumises par les ministres européens des transports. Dans un projet de résolution législative, ils proposent une nouvelle série d'amendements issus du rapport établi par le député britannique Stephen Hughes, adopté la veille. Ainsi modifié, le projet de texte repart une dernière fois devant le Conseil. Lequel peut encore sauver les meubles en se ralliant à la position du Parlement. Une hypothèse peu probable qui pourrait néanmoins être évoquée lors de la réunion des ministres européens des 27-28 juin - la dernière sous présidence suédoise - voire en juillet lors de la première séance sous autorité belge. Plus vraisemblablement, le dossier sera porté devant une commission de conciliation, constituée de représentants des deux parties, conformément à la procédure de co-décision dont relève l'adoption d'un tel texte. Dans ce cas, la perspective d'aboutir à l'adoption de la directive se jouerait lors de cette réunion prévue... avant la fin de l'année. En cas d'échec de cette ultime tentative à trouver un terrain d'entente entre instances communautaires, l'ensemble du projet retournerait en effet à la case départ. Toutes les avancées négociées, qui ont abouti à l'accord politique du 21 décembre 2000, seraient considérées comme caduques. La Commission européenne devant dès lors élaborer une nouvelle proposition.
Entre le Parlement et le Conseil des ministres, le principal point d'achoppement réside toujours dans l'application des normes de temps de travail adoptées sous présidence française - 48 heures par semaine en moyenne, 60 heures de durée maximale hebdomadaire si la moyenne des 48 heures n'est pas dépassée sur quatre mois - aux conducteurs indépendants. Les Quinze prévoient d'exclure temporairement les chauffeurs routiers non salariés de cette réglementation, tout en réfléchissant à leur éventuelle intégration dans un délai de six ans et ce, « après évaluation des conséquences de cette exclusion provisoire ». Une perspective que le Parlement juge beaucoup trop incertaine et lointaine. Il souhaite que les dispositions soient applicables d'office aux artisans transporteurs - sans aucune évaluation de la Commission - au plus tard trois ans après l'échéance fixée aux États membres pour la transposition de la directive. Une exigence que les élus strasbourgeois justifient par des raisons de sécurité routière, de santé, de sûreté et de concurrence équitable.
« Un chauffeur fatigué est un chauffeur dangereux qu'il soit indépendant ou pas » résume l'Allemand Georg Jarzembowski (PPE, démocrate-chrétien). Les députés ont également réclamé d'inclure dans la définition du temps de travail les formalités administratives avec les autorités policières, douanières et les services de l'immigration. Dans la foulée, ces derniers demandent un renforcement des dispositions restrictives au travail de nuit et sur le double équipage. Pour Stéphane Levesque, délégué aux affaires routières de TLF (Fédération des entreprises de transport et logistique de France), ce contre-temps dans l'élaboration de la directive ne comporte pas que des aspects négatifs. « Si le Parlement européen a rejeté l'approche du Conseil, la nouvelle version du texte comporte deux points positifs. D'une part, elle acte le principe d'inclure les conducteurs non salariés dans le dispositif ; d'autre part, elle offre une définition de ces indépendants ». Selon le Parlement, seraient considérés comme tels « les dirigeants de société, détenteurs le cas échéant d'une licence professionnelle, qui sont habilités à travailler à leur propre compte, à chercher librement leur affrètement, à entretenir des relations commerciales avec la clientèle, à discuter les prix et les honoraires, à fixer librement leurs horaires de travail, et qui sont propriétaires d'un ou plusieurs véhicules ».
Avec une éventuelle remise en cause de l'accord négocié entre les Quinze, c'est également la révision du règlement social européen sur les temps de conduite et de repos qui prendrait du retard. Les Quinze s'étant engagés à adapter le 38-20, qui permet à un chauffeur de conduire jusqu'à 56 heures par semaine, sur les bases de la directive entérinée. Ce dossier, qui devait faire l'objet de premiers échanges au sein de la Commission européenne le 18 juin, figure néanmoins à l'ordre du jour du Conseil des ministres des 27-28 juin. Selon la FNTR (Fédération nationale des transports routiers), la dernière version du projet maintiendrait les actuelles durées maximales de conduite. En revanche, « le temps minimal de repos quotidien passerait de 11 heures à 12 heures avec maintien de la possibilité de réduction (mais sans compensation). Le projet devrait supprimer quantité de dérogations, mais en tout état de cause n'intégrerait pas les moins de 3,5 t », indique l'organisation professionnelle. Concernant l'attestation d'emploi des conducteurs, le Parlement fait aussi des siennes. La proposition de règlement, adoptée par le Conseil le 5 avril, crée obligation pour tout conducteur des pays tiers employé dans une entreprise de transport routier de l'UE de détenir un document - de forme harmonisée - justifiant de sa condition d'emploi. Or, les parlementaires souhaitent une extension de cette mesure à l'ensemble des conducteurs deux ans après son adoption. Le prochain Conseil sera saisi de la demande. Quant à l'épineuse question des interdictions de circuler, elle semble tout bonnement oubliée. Le dossier n'est inscrit ni au menu des discussions de fin juin, ni au programme de la présidence belge. Des points d'accords négociés sous présidence française, seule la proposition de directive relative à la formation initiale et continue des conducteurs semble en bonne voie. Adoptée par la commission européenne le 5 février, elle prévoit pour les nouveaux conducteurs une formation initiale de 420 heures pour les moins de 21 ans et de 210 heures pour les autres. Tous seront tenus à une formation continue de 35 heures tous les cinq ans. Le principe de ce dispositif, qui se calque sur celui adopté par la France en 1995, ne pose plus guère de problème. Mais sa mise en place n'interviendrait pas avant 2005.
- Faute d'accord entre le Conseil des ministres européens des transports et le Parlement de Strasbourg, le projet de directive sur le temps de travail des conducteurs routiers est bloqué.
- Le recours à une procédure de conciliation se fait de plus en plus vraisemblable. En cas d'échec, l'ensemble des avancées négociées dans le cadre de l'accord politique scellé sous présidence française serait remis en cause.
- Le dossier sera examiné lors de la réunion des ministres européens des 27-28 juin - la dernière sous présidence suédoise - voire en juillet lors de la première séance sous autorité belge.
L'équilibre entre les modes ne pourra être modifié autoritairement, conclut en substance le Livre Blanc sur les Transports qui devrait être adopté lors du Conseil des ministres européens des 27-28 juin. Orientant la politique commune pour les dix ans à venir, ce rapport très attendu de la Commission européenne repousse l'idée d'un transfert imposé des trafics de la route vers le rail au profit d'une approche qualifiée de « plus réaliste » par la FNTR (Fédération nationale des transports routiers) et TLF (fédération des entreprises de transport et logistique de France). Sur la base de prévisions - la demande de transport devrait progresser de 38 % et le trafic routier de 50 % d'ici à 2010 - Bruxelles suggère tout bonnement de figer les parts modales à leur niveau actuel. Pour autant que le ferroviaire puisse maintenir son rang... Pour ce faire, la Commission propose une série de mesures visant à le doper : ouverture plus large du marché, résorption des goulets d'étranglement par l'affectation prioritaire des financements communautaires. Concernant le transport routier, elle se prononce en faveur d'une « restructuration totale du secteur », le seul qui, selon elle, n'ait pas encore opéré une telle réorganisation. Au plan fiscal, Bruxelles ne vise pas à une harmonisation complète des systèmes nationaux, cette démarche étant réservée aux seules accises sur le carburant. Toutefois, la Commission devrait présenter dans le courant de l'année une étude comparative sur la fiscalité des entreprises dans l'UE et une communication sur la taxation des véhicules. Elle envisagerait également un règlement facilitant la répercussion des charges des transporteurs sur leurs clients à l'horizon... 2004.