Les ravages de la fièvre aphteuse

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Des mesures d'urgence, c'est ce que réclament au gouvernement français les transporteurs d'animaux vivants, qui ont vu leur activité chuter de 50 % à 100 % depuis le 5 mars, date à laquelle ont été interdits tous mouvements des espèces de bétail sensibles à la fièvre aphteuse ainsi que leur exportation. Leur survie économique est en jeu. Et d'autres secteurs, comme celui du transport frigorifique, ressentent les premiers symptômes de la crise.

Depuis le 5 mars et jusqu'au 12 avril au moins, la circulation sur le territoire français et l'exportation des animaux des espèces sensibles à la fièvre aphteuse (ovins, bovins, caprins et porcins) sont interdites. Une décision du ministère de l'Agriculture qui condamne les transporteurs de bétail à une inactivité presque totale. Ces entreprises réclament des mesures d'urgence au gouvernement. Elles souhaitent être reconnues comme faisant partie intégrante des filières bovine, ovine et porcine. D'autant qu'elles subissent déjà depuis octobre dernier une perte de chiffre d'affaires de 30 % à 40 % suite à la crise de la vache folle. Elles n'ont obtenu pour l'heure qu'une promesse du gouvernement de leur ouvrir un droit aux indemnisations de chômage partiel. Mais, les transporteurs d'animaux vivants exigent des procédures d'étalement du paiement des charges et une prime à la casse pour les véhicules anciens, afin de résoudre le problème d'excédents de matériels. « Nous avons demandé des aides début mars mais nous n'avons toujours aucune nouvelle », déplore Jean-Michel Delaunay, président de la commission « animaux vivants » de la FNTR (Fédération nationale des transports routiers) et P-dg des Transports Delaunay (36). « Le secteur ne compte que 300 sociétés et environ 1 200 personnes. Nous ne faisons pas le poids », se désole André Larvaron, P-dg des Transports Larvaron (03).

Une spécialité en difficulté.

Or, la situation devient critique. « Nous avons enregistré une baisse d'activité de 70 % en mars », déplore François Lechat, P-dg des Transports Lechat (44), spécialisés dans le transport de bétail (boeufs, veaux et moutons), et président du GTA (groupement des transporteurs d'animaux vivants), qui rassemble 11 entreprises pour une soixantaine de bétaillères. « Sur nos 8 véhicules, plus aucun ne roule actuellement », affirme Gérard Sauloup, gérant de la société Sauloup (49). « Nous avons subi un manque à gagner de 900 000 F au mois de mars », témoigne André Larvaron, qui réalise habituellement un chiffre d'affaires mensuel de 1 MF. Les Transports Ayrault, membres du GTA, ont perdu 50 % de leurs trafics, soit la part d'activité que génèrent les transports longue distance, notamment vers le port de Sète où les bêtes, destinées à l'exportation, étaient embarquées vers les pays tiers. Ils continuent toutefois d'acheminer des animaux des fermes vers les abattoirs, seuls trafics encore autorisés. Pour le reste, les transporteurs tentent de s'adapter. Ceux qui, comme Ayraut, disposent d'ensembles bétaillères polyvalents, peuvent charger du fret. Les Transports Lechat ont, eux, détaché leurs semi-remorques pour effectuer de la traction de marchandises industrielles. Mais leurs camions-remorques, dont la reconversion est impossible, restent au parking. « Nous n'avons aucune solution. Nous essayons donc de replacer certains de nos conducteurs dans d'autres sociétés », indique François Lechat. Mais « si le personnel commence à partir, comment ferons nous lorsque l'activité redémarrera ? », s'inquiète Alain Ayrault. Ce dernier a commencé à contacter ses partenaires financiers (impôts, URSAFF, banques) pour demander de nouvelles échéances de règlement. « Pour l'instant, notre situation financière n'est pas gravissime car nous encaissons encore les paiements de février, mais elle pourrait le devenir dès le mois prochain. Certains confrères sont déjà au bord du dépôt de bilan », souligne François Lechat.

Activité frigo pénalisée.

Et la crise est en train de s'étendre à l'ensemble de la filière viande. « Nous enregistrons une perte d'activité de 15 % au niveau de l'exportation », signale Pascal Ferrond, responsable d'exploitation de Maine Denrées (72), filiale du groupe Stef-TFE spécialisée dans le transport frigorifique de viande découpée. « Du fait de l'embargo sur les produits français, l'activité des abattoirs s'est ralentie. Le 27 mars, deux véhicules qui devaient transporter de la viande de porc ne sont pas partis », confirme Patrick Lahaye, P-dg des Transports Lahaye (35). Chez les Transports Ambroise-Bouvier, situés en Mayenne - département où le 1er cas de fièvre a été détecté - il n'y a plus aucun départ de camions acheminant du porc. « Le manque à gagner n'est pas encore significatif. Nous avons simplement stoppé notre activité affrètement », souligne Huguette Ambroise, P-dg des Transports Ambroise-Bouvier. « Les élevages de veau n'étant plus approvisionnés depuis début mars, nous n'aurons plus de viande à transporter dès août, pendant au moins 3 semaines », explique Marc Guy de l'agence d'Ussac (19) du groupe Madrias, qui réalise 55 MF de CA par an en viande pendue (veau, agneau, porc). Ses véhicules frigorifiques continuent néanmoins de tourner mais avec des taux de remplissage plus faibles. Ce qui représente un manque à gagner de 10 à 15 %. « Certains de nos adhérents, spécialisés dans le transport de lait, viande et dérivés, à destination du Maroc, de la Tunisie ou des Pays de l'Est, ont perdu 70 % de CA », s'inquiète Hervé Cornède, délégué général de TLF (Fédération des entreprises de transport et de logistique de France). L'ensemble de l'activité frigorifique attend que l'interdiction d'exporter de la viande soit levée le 3 avril, comme l'a annoncé le CVP de l'Union européenne. Seule condition : aucun nouveau cas de fièvre aphteuse ne doit être découvert d'ici là. La levée de l'embargo contre la France devrait aussi satisfaire les entreprises effectuant des trafics internationaux, même celles acheminant des marchandises industrielles. Du fait des contrôles mis en place par les pays limitrophes, les transporteurs français subissent en effet des temps d'attente supplémentaires. Aux frontières allemandes et luxembourgeoises notamment, tous les véhicules en provenance de l'Hexagone font l'objet d'une vérification systématique des documents de transport et parfois de la cargaison.

La fièvre en dates

- 21 février : Mise en place de l'embargo sur les animaux d'élevage britanniques

- 5 mars : Interdiction de circulation des bovins, ovins, caprins et porcins sur le territoire français pour une durée minimum de 15 jours, à l'exception des trafics entre fermes et abattoirs. Interdiction totale d'exportation des animaux sensibles.

- 6 mars : Interdiction par le CVP (Comité vétérinaire permanent) pour 2 semaines de tout transport de bétail dans toute l'Union européenne sauf autour des abattoirs.

- 13 mars : Premier foyer français de fièvre aphteuse détecté en Mayenne. Le CVP interdit toute sortie d'animaux sensibles, ainsi que toutes les exportations de viande et de lait en provenance des départements de la Mayenne et de l'Orne.

- 23 mars : Deuxième foyer français de fièvre aphteuse découvert en Seine-et-Marne. Interdiction de toutes les exportations de viande et de produits laitiers de France.

- 27 mars : Le CVP de l'Union européenne décide de prolonger l'interdiction d'exporter du bétail vivant, de la viande et du lait jusqu'au 12 avril. Si aucun cas n'est découvert d'ici le 2 avril, les mesures concernant la viande seront limitées aux départements de Seine-et-Marne, Seine-Saintt-Denis et Val-d'Oise.

Désinfection obligatoire

La désinfection des véhicules dans une solution à base de soude caustique, c'est la contrainte que doivent respecter depuis début mars les transporteurs travaillant dans le secteur de l'élevage ou acheminant des animaux vivants. « Cette procédure nous fait perdre 10 minutes à l'entrée comme à la sortie des fermes ou des laiteries où nous chargeons dans les fermes ou dans les laiteries », explique Jean-Michel Mousset, P-dg de la société Mousset (85), spécialisée notamment dans le transport de volailles vivantes. Lesquelles ne sont pas des « animaux à risque » à la différences des chevaux. Ces derniers ne sont pas considérés comme une espèce sensible à la maladie mais comme susceptible de véhiculer le virus de la fièvre aphteuse. Ils peuvent donc circuler en France (sauf en Mayenne, dans l'Orne et en Seine-et-Marne) mais sous certaines conditions. « Les roues de nos véhicules sont lavées dans un produit comprenant 8 % de soude caustique. Les conducteurs doivent en outre pulvériser les pieds des animaux au moment du chargement et du déchargement dans les écuries et sur le lieu de la compétition », indique Vincent de Bernède, directeur général de STH Hipavia (60), spécialiste du transport de chevaux de course. Cette entreprise a également l'obligation de déclarer chaque transport à la Direction des Services Vétérinaires du département de départ et de celui d'arrivée.

Les transporteurs de lots industriels peuvent également être amenés à devoir désinfecter leurs véhicules, lorsqu'ils quittent le territoire français. « Pour atteindre le Benelux, nos camions doivent rouler sur de la paille arrosée de produits antiseptiques », indique Jean-Paul Poulain, P-dg de PO Scandex qui réalise 97 % de son CA à l'international. A destination de l'Angleterre, les poids lourds chargés de Corsi FIT (52) passent obligatoirement dans des rotoluves (bac de désinfection).

Malgré les mesures anti-fièvre aphteuse, la société STH Hipavia (60) peut assurer ses trafics de chevaux de course, sous certaines conditions sanitaires. D.R.

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