Elles sont désormais sept fédérations européennes de transporteurs à se serrer les coudes pour obtenir un carburant utilitaire. Par une lettre ouverte adressée le 4 juillet à Jean-Claude Gayssot, les présidents du BGL (Allemagne), de la Febetra (Belgique), de la CEMT (Espagne), de la FAI (Italie), de TLN (Pays-Bas), de l'ANTRAM (Portugal) et de la FNTR (France) prient instamment le ministre des Transports français et président du conseil des ministres des Transports de l'Union européenne d'inscrire « de toute urgence » le dossier gazole à l'ordre du jour « prioritaire » de son mandat.
Parallèlement, les sept signataires demandent à Jean-Claude Gayssot de soutenir leur requête devant Laurent Fabius, président du conseil des ministres européens des Finances. Seule l'obtention d'un dispositif spécifique « garantissant durablement aux transporteurs des conditions de concurrence équilibrées » pourra éviter que « le désespoir de certains se transforme en un mouvement de colère que nous ne pourrions contenir », arguent de conserve les sept fédérations. Déjà, observent-elles, des actions professionnelles se multiplient en Europe (L'OT 2084), face à des évolutions tarifaires « erratiques » du gazole qui « font échec à toute logique de répercussion ».
Des modalités encore ouvertes. Les six organisations professionnelles se joignent donc à la Fédération nationale des transport routiers qui, depuis la fin 1999, milite pour la mise en place d'un mécanisme fiscal européen. Son objectif a été clairement défini : lissage des évolutions brutales du carburant et allégement de la taxation sont attendus. En revanche, les modalités de ce dispositif commun restent «volontairement ouvertes», explique Guillemette de Fos, responsable de la communication de la FNTR. Ceci afin d'élaborer un système qui convienne à tous, « car ni les situations de départ, ni les demandes professionnelles ne sont homogènes au sein des Etats membres ». Pour les Néerlandais, qui disposent d'un carburant différencié partiellement détaxé, une revalorisation de la ristourne pourrait être envisagée. Une même approche serait applicable en France à partir de la récupération partielle de la TIPP (taxe intérieure sur les produits pétroliers) adoptée en 1998. Pour leur part, les transporteurs italiens ont récemment obtenu une réduction de la taxation par le biais d'un mécanisme de lissage du brut. Quant aux Belges, ils bénéficient d'une déductibilité de fait par la modération du poids fiscal supporté par le gazole. Enfin, pour des raisons de commodité, le BGL allemand se déclare opposé au principe d'un carburant spécifique.
Unanimité requise. Si un terrain d'entente doit encore être trouvé entre professionnels et pouvoirs publics sur la forme à donner au dispositif communautaire, cette difficulté n'est en rien comparable à l'obstacle majeur qui se dresse face à la proposition des sept fédérations. Comme pour toutes les questions touchant à la fiscalité, son adoption requerrait, en effet, l'unanimité des États membres. Or, « la mise en place d'un dispositif administré s'oppose aux principes libéraux affichés par certains gouvernements », indiquait clairement le directeur des Transports terrestres, Hubert du Mesnil, le 22 juin. « Politiquement, une telle décision paraît difficile à faire admettre. Elle créerait, en effet, une différence de traitement entre les transporteurs routiers d'une part, le grand public et d'autres catégories socioprofessionnelles d'autre part. » Une brèche par laquelle les marins-pécheurs et autres exploitants agricoles risqueraient de s'engouffrer ? Malgré le renfort apporté par les fédérations étrangères à la revendication française, la cause n'est donc pas gagnée d'avance. « Le premier pas sera d'obtenir l'inscription effective du dossier gazole dans le planning des Quinze », admet la FNTR. Or, pour sa présidence, Jean-Claude Gayssot s'est déjà fixé un copieux programme presque exclusivement axé sur la sécurité et le social. Le carburant pourra-t-il y trouver sa place ?
A compter du 12 juillet, les transporteurs routiers pourront déposer leur demande de remboursement partiel de la TIPP (taxe intérieure sur les produits pétroliers) sur le gazole acquis en France au titre du premier semestre 2000 (période du 11 janvier au 10 juillet 2000). Le principe d'un reversement semestriel, et non plus annuel, figure parmi les engagements pris par le gouvernement en début d'année auprès de la profession routière. Inscrite dans le projet de loi de finances rectificative pour 2000 adoptée le 28 juin, cette disposition doit encore faire l'objet de textes réglementaires - un décret, un arrêté et une circulaire administrative - à paraître avant le 12 juillet. C'est du moins ce qu'a assuré Hubert Du Mesnil, directeur des Transports terrestres, le 22 juin. Dans le même temps, le volume de gazole bénéficiant de la déductibilité passera à 25 000 litres par semestre et par véhicule. Une possibilité de compensation d'un semestre sur l'autre devrait normalement être assurée - les modalités de ce report ne sont pas précisées à ce jour- et le remboursement annuel reste possible. Le seuil d'application sera abaissé : le reversement s'appliquera au gazole consommé par les véhicules à partir de 7,5 tonnes de PTAC (poids total autorisé en charge) ou de PTRA (poids total roulant autorisé) contre 12 tonnes auparavant.
La procédure n'est, elle, n'est pas modifiée. Une déclaration de consommation, véhicule par véhicule, doit être effectuée par l'entreprise auprès du bureau départemental des Douanes et des Droits indirects qui traite la taxe à l'essieu par le biais d'un document intitulé « déclaration partielle du gazole ». Une série de pièces administratives est à joindre à la demande (L'OT 2056 du 11 décembre 1999), le kilométrage inscrit au compteur des véhicules doit être relevé.
La ristourne fiscale (8,62 centimes par litre) représentera 4310 F en 2000 « soit environ 2 % du budget gazole annuel d'un véhicule qui dépasse aujourd'hui 200 000 F hors TVA », chiffre TLF (Fédération des entreprises de transport et logistique de France). Instaurée en 1988 pour compenser partiellement une hausse de 7 centimes sur sept ans de la TIPP sur le gazole, cette mesure est jugée insignifiante par les fédérations de transporteurs au regard des évolutions tarifaires intervenues depuis sa mise en place. « Cette simple modération de la hausse fiscale que les professionnels subissent depuis deux ans n'apporte aucune réponse à l'augmentation du coût du gazole », insistent les organisations professionnelles en réponse à des articles de presse évoquant un nouveau cadeau gouvernemental aux transporteurs. En outre, la lourdeur administrative de la procédure aurait dissuadé jusqu'ici nombre d'entreprises d'engager les démarches. Aussi la Fédération nationale des transports routiers a-t-elle tout bonnement demandé, le 26 juin, au ministre de « renoncer momentanément à prélever une partie significative de la TIPP tant que le baril de brent exprimé en euros n'aura pas retrouvé un niveau économiquement supportable ».
Le BGL (Allemagne), la Febetra (Belgique), la CEMT (Espagne), la FAI (Italie), TLN (Pays-Bas), l'ANTRAM (Portugal) se joignent à la FNTR (France) pour demander un carburant utilitaire européen.
> Jean-Claude Gayssot, président du conseil des ministres des Transports de l'Union européenne, est prié d'inscrire ce dossier au programme de sa présidence et de le soutenir auprès des « financiers » des Quinze.
> Un gros obstacle sur la route du carburant utilitaire européen : la nécessité d'obtenir l'unanimité des Etats membres.