Nouvelle économie recherche transporteurs

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Le commerce électronique a clairement décollé fin 1999. Mais les chaînes logistiques traditionnelles ne sont pas adaptées. Un nouveau défi pour les transporteurs les plus innovants.

«Start-up looking for home delivery ». Traduction : «web-marchands recherchent service de livraison à domicile.» « On peut avoir le meilleur produit du monde, si on a une mauvaise logistique, l'internaute ne repassera pas commande », reconnaît Marc Rafabert, créateur de Fromage.com, une des vedettes de la net-économie, avec un chiffre d'affaires annuel de 490 000 euros contre 11 000 euros en 1997. « Le bricolage logistique... des professionnels du commerce électronique, c'était l'été dernier. Aujourd'hui, tout le monde a conscience que c'est le nerf de la guerre. Les web-marchands sont en phase de développement. Reste à trouver le prestataire idéal pour distribuer des produits vendus en ligne. C'est là que le bât blesse... » s'insurge Tanguy Leclerc, rédacteur en chef du magazine e-commerce. Dans la ruée vers l'or du web, la fortune attend d'abord les vendeurs de pioches.

Ni la retentissante faillite de Boo.com, célébrée il y a encore quelques mois comme la star de la nouvelle économie en Europe, ni la déconfiture boursière des valeurs technologiques, ni le virus « I Love you » ne parviennent à stopper la révolution des échanges déclenchée par l'interconnexion des réseaux informatiques : l'Internet et son corollaire : le décollage des échanges commerciaux en ligne. L'e-business a démarré pour de bon en 1999. Marginaux, il y a encore trois ans, les internautes français sont déjà maintenant 9 millions, soit 15% de la population. L'année dernière, ils ont dépensé pas moins de 1,3 milliards de francs en achats divers directement via Internet. Ce marché devrait dépasser 4 milliards de francs en 2000. Et atteindre « 340 milliards d'euros, en Europe, à l'horizon 2003 » selon l'institut Forester Research. « En tenant compte de la part des services et autres échanges immatériels qui n'engendrent pas de prestations de transport : 100 milliards d'euros de commerce électronique devraient engendrer au moins 10 milliards d'euros de prestations logistiques » estime Paul Soriano, président de l'Institut de recherches et prospectives postales (Irepp) qui vient de publier un ouvrage sur les enjeux de la logistique du e-business : l'infogistique (ed. irepp/acsel). Aujourd'hui, la plupart des spécialistes souhaitent se limiter au marché du « B-to-B » (pour « business to business», d'entreprises à entreprises), lequel est quinze fois plus important que le « business to consumer » (B-to-C). Mais s'il est plus facile de livrer une entreprise que de trouver les particuliers à leur domicile, les e-commerçants misent, eux, sur les deux marchés. Déjà quelques sites sont accessibles aux deux publics, comme celui de Sony, Renault.... Alors que l'on réduit partout le nombre des fournisseurs, les e-commerçants ne traiteront pas longtemps les livraisons « B-to-B » avec un prestataire et celles « B-to-C » avec un autre.

Logistique inadaptée.

Or, les chaînes logistiques traditionnelles se sont révélées peu adaptées aux besoins du commerce électronique. Internet permet en effet au client de choisir au sein d'un stock infini, voire de déclencher sa fabrication sur mesure. Surtout, l'e-client est par nature pressé, donc impatient d'être livré. « Il n'existe pas encore d'offre logistique capable de répondre aux besoins des e-commerçants, nous l'avons constaté au moment des fêtes de la fin de l'année 1999 » constate Henri de Maublanc, président de l'Association pour le commerce et les services en ligne (Acsel). Aujourd'hui, chacun des opérateurs maîtrise une parcelle de la solution.... Et s'en sert comme levier pour emporter le marché qui s'annonce. Les messagers express internationaux, comme DHL, UPS ou FedEx, sont les plus avancés. Ils investissent des millions de dollars dans les systèmes d'information permettant de faire l'interface avec leurs clients vendant sur la Toile. Ils multiplient les accords avec des services de messagerie bien implantés sur les marchés étrangers, comme TNT avec la poste néerlandaise, DHL avec la Deutsche Post, demain peut-être FedEx avec La Poste....

Acteur de premier plan grâce à son maillage serré du territoire français, La Poste offre le modèle de livraison à domicile le moins coûteux. Mais un facteur n'a pas vocation à livrer un canapé-lit, ni à transporter des produits surgelés... Quant aux entreprises de vente par correspondance, elles cherchent à vendre leur savoir-faire pour la livraison en « 24 heures ». Mais les e-commerçants considèrent les vépécistes comme des concurrents plutôt que comme des prestataires.

Le défi du B-to-C. En 1998, selon l'Irepp, 84% des transporteurs n'envisageaient pas de développer une offre spécifique pour le commerce électronique. Il est encore temps de réagir. Le défi, « c'est d'offrir des solutions logistiques capable de répondre aux cahiers des charges des web-marchands : c'est-à-dire livrer à moindre coût, sur rendez-vous, des colis de toute taille ; avec de la valeur ajoutée, comme la mise en main propre, la reprise d'anciens produits, etc.... et surtout être capable de gérer les flux d'informations en temps réel », explique Philippe-Pierre Dornier, spécialiste du e-business chez Newton.Vauréal&Company.

« Le transport n'est pas un coût, mais un avantage concurrentiel », constate Francis Lelong, gérant de blackorange.fr. Un site internet de vente de logiciels et de jeux informatiques, dont les commandes en ligne doublent tous les mois depuis l'ouverture du site en décembre dernier.

Mais comment se faire connaître des start-up en quête du transporteur idéal ? Les transporteurs français ont presque tous aujourd'hui, une adresse de courrier électronique. C'est à la mode, pratique et pas cher. En revanche, la majorité d'entre eux n'exploite pas encore l'Internet comme vitrine commerciale. Il suffit d'aller jeter un coup d'oeil sur un moteur de recherches. De saisir les mots clés « Transports+Logistique+France » et de cliquer sur « search » pour constater la présence quasi nul des prestataires hexagonaux sur la Toile, à part quelques leaders du marché.

Difficile dans ces conditions, de ce faire connaître des e-commerçants en quête du transporteur idéal et adeptes par nature du surfing... Faire la jonction entre ces deux mondes : c'est l'objectif d'e-pack. La filiale française de l'entreprise du Deleware (Etats-Unis) négocie les services de transports, de logistique et d'assurance pour les PME du web. Le site a ainsi passé des accords avec Publi-Trans, Chronopost, DHL, UPS et trois messagers. En se connectant -gratuitement- à e-pack.net, le site marchand choisit son prestataire en fonction du niveau de services requis (national, international, délais), calcule en temps réel le coût de transport en fonction de ses variables logistiques (poids, dimension, destination) et déclenche l'ordre de suivi de la livraison. A l'autre bout de la Toile, l'acheteur est informé du coût du transport puis, étape par étape, de l'avancement de sa commande. En cas d'incident, e-pack se charge de l'avertir par e-mail. Quant au site Télécommerce, la filiale de France-Télécom, qui rassemble une communauté de 200 magasins en ligne, elle a signé - en complément de son partenariat avec La Poste- un accord avec le groupe Geodis, depuis mars, pour des envois de paquets jusqu'à 3 tonnes. E-Local aussi, fédère autour de son portail, les commerçants d'un quartier. Pour l'ouest parisien, il a choisi comme prestataire e-liko, dont les chauffeurs effectuent une tournée dans les magasins en fin de journée pour remettre en main propre leurs commandes aux e-clients avant le journal TV.

Pour en savoir plus :

http://www.transporteurs.net

http://www.e-logisticien.com

http://www.transportvillage.com

http://www.forumtrafic.com

http://www.marketo.com

Le paradoxe de Boo.com

Paradoxalement, Boo.com reste exemplaire en matière de logistique appliquée aux commerces électroniques. Ce site de vente de vêtements et d'articles de mode « branchés », célébré comme l'une des vedettes de la Net-économie en Europe, a déposé son bilan, le 18 mai dernier. Néanmoins, elle parvenait à livrer ses clients à domicile en moins de 5 jours dans 18 pays. Ses prestataires : UPS aux Etats-Unis avec une plate-forme dédiée dans le Kentucky, IPS (International Post Services, filiale de Deutsche Post) en Allemagne, La Poste en France... « Notre plate-forme logistique de Cologne en Allemagne était reliée en temps réel avec le serveur de Boo.com à Londres. C'est IPS qui assurait le repackaging des produits dans des boîtes « Boo », l'acheminement jusqu'au client et éventuellement l'enregistrement des retours. Deux fois par jour,

des camions partaient à Strasbourg où la poste française -en Colissimo- prenait le relais. Nous parvenions ainsi à livrer à Paris en 3 jours » précise Serge Papow, l'ancien responsable de la start up en France.

Infogistique

Paul Soriano, président de l'Institut de recherches et prospectives postales (Irepp) évoque, à propos de la logistique de l'e-commerce, le terme d'infogistique, dans un article de la revue Mediation.

« Le commerce électronique suscite une demande de dispositifs de livraison adaptés à la culture des consommateurs en ligne, portant non seulement sur l'accès aux produits et services, mais aussi sur l'ensemble des modalités de livraison. L'aspiration au juste-à-temps qui s'est d'abord imposée dans l'entreprise, s'étend au consommateur : être servi à son gré, en temps et lieu utiles, pouvoir modifier soi-même le cahier des charges en cours de processus, selon ses désirs ou les événements.

En termes de relation-client, le commerce électronique peut s'entendre comme l'intégration du consommateur dans la chaîne EDI et logistique, deux notions fusionnées sous le terme « infogistique ». Car l'infogistique transforme la notion de proximité : au-delà des

traditionnels services de proximité (la livraison à domicile d'un produit ou d'un service), il s'agit maintenant d'introduire de la proximité dans les services, tous les services. Cela d'abord au niveau des moyens d'accès et de

déclenchement de la prestation (du serveur Web au téléphone mobile) ; et ensuite au niveau de la réalisation du service, en particulier de la livraison et de l'ensemble des services annexes (installation, retours, service après-vente...).La proximité « colle » en quelque sorte à la personne, où qu'elle se situe : domicile, résidence secondaire, entreprise, moyen de transport, lieu quelconque où on peut se trouver fortuitement, dans l'urgence ou la sérénité...Géographique et temporelle, la proximité devient « situationnelle », comme l'exprime le slogan publicitaire d'un grand intégrateur : « Un monde plus proche » !

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