Le calvaire des entreprises

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Le prix du gazole ne cesse d'augmenter depuis le 1er janvier 1999. Surpris par une nouvelle flambée du carburant en début d'année, les transporteurs se trouvent dans une situation économique grave. Ils tentent par tous les moyens de sortir la tête de l'eau. Les mesures gouvernementales, presque inexistantes, n'y suffisent pas.

Près de 30 % d'augmentation du prix gazole, c'est ce qu'ont subi les transporteurs routiers de mars 1999 à mars 2000. Ils voient ainsi leur rentabilité s'amoindrir et nombre d'entre eux s'estiment en péril. D'autant plus que le gazole en citerne a encore augmenté de 19 centimes (+4,75 %) depuis le début de l'année, d'après les chiffres du Comité National Routier. « Nous nous attendions à une baisse mais le prix du carburant a continué de croître », affirme Bernard Liébart, P-dg des transports Liébart (51). « La flambée du gazole a entraîné une hausse de 6,56 % des coûts. Il pèse aujourd'hui pour 23 % dans nos prix de revient », explique Philippe Tembremande, directeur général du groupe Bils-Deroo (59). Pour le premier trimestre 2000, les prix de revient du transport routier ont progressé de 1,78 % pour l'activité route et de 1,92 % pour l'activité distribution, selon TLF (Fédération des entreprises de Transport et Logistique de France). L'augmentation globale des coûts de mars 1999 à mars 2000 atteint 7,26 % pour la Route et 7 % pour la Distribution. La FNTR (Fédération Nationale des Transports Routiers) craint la réaction des professionnels qui pourrait déboucher sur un mouvement de colère. Elle réclame d'ailleurs une table ronde avec les pétroliers et les ministères concernés (Finances et Transports), afin de clarifier leurs incertitudes pour l'avenir. Les chefs d'entreprise sont d'autant plus pessimistes qu'ils devront, dès septembre prochain, remplir les conditions de capacité financière. Ils devront justifier auprès des DRE (Direction Régionale de l'Équipement) de capitaux suffisants, sous peine d'être radiés du registre des transporteurs. Pour les entreprises exploitant des véhicules de plus de 3,5 t, la capacité financière se monte à 60 000 F pour le premier poids lourd et à 33 000 F pour les autres.

Une goutte d'eau dans la mer. Dans ces conditions, « le remboursement partiel de la TIPP (Taxe Intérieure sur les Produits Pétroliers), dont nous bénéficions depuis l'année dernière, n'est qu'une goutte d'eau dans la mer », déclare Pascal Peronnet, directeur général des transports Peronnet (42). « C'est un véritable investissement en terme de temps », appuie Philippe Tembremande. Grâce à ce « carburant professionnel », les transporteurs peuvent se faire rembourser une partie du gazole. Cependant, cette ristourne fiscale est soumise à une procédure compliquée. Suite aux mouvements des 10 et 11 janvier derniers, contre les 35 heures mais aussi la hausse du gazole, les transporteurs ont pourtant acquis une extension de cette mesure. Elle concerne les véhicules d'un poids supérieur ou égal à 7,5 t, contre 12 t auparavant. A 40 000 l par véhicule, le plafond a été porté à 50 000 l. Le paiement n'est plus annuel mais semestriel. « Avec une bonne gestion du poste carburant, les entreprises parviennent globalement à remplir le dossier de demande de remboursement partiel », nuance Christian Rose de l'Unostra. A 3,54 centimes par litre de gazole en 1999, la ristourne se monte à 8,62 centimes en 2000. Un problème majeur apparaît lors de la cession d'un véhicule en cours d'année. Le transporteur doit, en effet, retrouver l'actuel propriétaire afin de lui donner un mandat permettant le remboursement.

Les professionnels du transport adoptent donc d'autres manières pour s'en sortir. Ils insistent sur la formation des chauffeurs pour une conduite économique et surtout un approvisionnement aux conditions les plus intéressantes. Ils privilégient certains trafics plus rentables que d'autres. Ils tentent également, tant bien que mal, de revaloriser leurs tarifs auprès de leurs clients. Entre 2 % et 6 % d'augmentation, c'est tout ce qu'une minorité de pme a réussi à obtenir en début d'année. « Lors de nombreuses rencontres avec nos clients, nous faisons le forcing. Mais très peu acceptent l'augmentation des prix et quand ils le font, nous sommes loin du compte », explique Philippe Tembremande chez Bils-Deroo. « Les hausses de tarifs du 1er janvier étaient prévues pour compenser les pertes de 1999. Elles ne couvrent pas le surcoût dû à la nouvelle flambée du gazole », précise Bernard Liébart. Face à cette situation conjoncturelle, les chefs d'entreprises souhaitent une nouvelle négociation tarifaire. Rares sont les chargeurs qui veulent bien l'envisager avant la fin de l'année. Claude Pannetier, directeur général de Robin Châtelain (35), a revalorisé ses prix au 1er juin d'environ 5 à 6 %. Il espère également pouvoir mettre en place le système du pied de facture, une majoration variant en fonction de l'évolution du prix du gazole, à la hausse comme à la baisse. Une solution qui pourrait être satisfaisante, mais risquée si la tendance venait à s'inverser. « Le problème de la stabilité est aussi important que le niveau du gazole », indique Alexis Bordet de TLF.

Instabilité du gazole. Le carburant répond à trois facteurs fluctuants : les taux directeurs du dollar, la faiblesse de l'euro et le cours du baril. Les transporteurs subissent, en effet, l'instabilité des cours du pétrole. Lesquels viennent d'enregistrer une baisse de près d'un dollar en début de semaine suite à une annonce d'Ali al-Nouaïmiu, ministre saoudien du Pétrole, indique Les Echos du 6 juin. Il a, en effet, déclaré que les pays producteurs envisageaient de « prendre les mesures nécessaires pour endiguer la hausse inhabituelle des cours » et peut-être relever son plafond de production dès sa prochaine conférence prévue le 21 juin. Il a, en revanche, eu des propos tout à fait contraires lors d'un entretien au journal Middle East Economic Survey. Dans ce contexte, Laurent Fabius, ministre de l'économie, a convoqué le 9 juin les dirigeants des compagnies pétrolières pour leur demander de ne pas répercuter sur les prix du carburant les hausses des cours du pétrole brut plus vite que les baisses.

A retenir...

> Le prix du gazole continue de croître depuis le début de l'année. En citerne, il a pris 19 centimes, soit une hausse de 4,75 %.

> Les résultats financiers des transporteurs sont grevés du fait de l'impact de la flambée du gazole sur les coûts.

> La Commission européenne doit enquêter sur une éventuelle entente illégale entre les compagnies pétrolières. Le ministre français de l'Économie, Laurent Fabius, a, pour sa part, convoqué les dirigeants des compagnies pétrolières le 9 juin.

Une enquête européenne

Suite au mouvement des transporteurs espagnols qui dénonçaient la « surprenante coïncidence des prix du gazole », Loyola de Palacio, commissaire européenne à l'Energie et aux Transports, aurait chargé Mario Monti, commissaire à la Concurrence, d'enquêter sur l'existence de pratiques anticoncurrentielles de la part des compagnies pétrolières. Comme en Espagne, de nombreuses manifestations de mécontentement face à la hausse du carburant ont touché l'Europe, notamment au Royaume-Uni, au Danemark et en Italie. En Norvège, des barrages filtrants ont été organisés fin janvier 2000. Aux Pays-Bas, une quinzaine de transporteurs ont été jusqu'à porter plainte auprès du ministère public de Rotterdam. Ils réclament trois millions de francs de compensation financière aux compagnies pétrolières.

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