Entré chez Volvo Trucks France en 1973, Jean-Noël Thénault a été tout d'abord responsable du service après vente poids lourds et du marketing, entre 1974 et 1989. Après 15 années, il quitte alors le siège du groupe pour créer une concession à Valenton, dans le sud parisien, qu'il va diriger jusqu'en 1993. Date à laquelle on lui propose de prendre la direction commerciale pour la vente des véhicules neufs. Quatre ans après avoir réintégré la filiale française du groupe suédois, il est promu directeur général adjoint, en 1997, et sera nommé président directeur-général de Volvo Trucks en octobre 1998. Pour la première fois, un Français accède à un poste jusqu'alors réservé à un Suédois. Une trajectoire à la Bernadotte, ce maréchal français qui est à l'origine de la dynastie régnante au pays des mille lacs...
L'an 2000, pour Volvo, a démarré sous d'heureux auspices. Pour la cinquième fois, le constructeur suédois s'est vu attribuer le trophée du Truck of the year. « Une récompense reçue avec fierté », reconnaît Jean-Noël Thénault. Mais l'euphorie a tourné court et, en mars dernier, la Commission de Bruxelles a refusé le mariage de Volvo avec Scania, empêchant les deux groupes suédois réunis de devenir le deuxième constructeur mondial de véhicules de plus de 15 t. Le P-dg de Volvo France ne peut que regretter cette décision qui coupe court « passé le choc culturel ressenti par Scania, à ce qui aurait pu être un excellent deal ». Il se fera, désormais, avec Renault VI. En France, passant en revue les regroupements d'entreprises, il constate que les clients transporteurs sont en train de « changer de culture ». « Condamnés, désormais, à vivre sous la pression », les constructeurs doivent également évoluer. Aller plus loin dans « la prestation de service qui fait aujourd'hui la différence ». Jusqu'où ? « Il n'y a pas de limites. » Cette démarche a conduit le constructeur à restructurer son réseau en mariant des concessionnaires pour qu'ils atteignent « la taille critique », qu'ils sortent de leur tradition de « garagiste » pour devenir des « entreprises industrielles capables de répondre à tous les besoins des transporteurs ». Des besoins qui seront de plus en plus nombreux, « car le développement du transport routier est très encourageant ». Et le camion restera sans doute « un mal nécessaire... »
L'Officiel des Transporteurs Magazine : La Commission de l'Union Européenne a bloqué le processus d'acquisition de Scania par Volvo. Passée ce qui a sans douté été une grande déception, l'alternative qui s'offre dans le mariage avec Renault VI présente-t-elle des perspectives aussi intéressantes ?
Jean-Noël Thénault : Comme l'a déclaré le président directeur général du Groupe, Leif Johansson, au lendemain du rejet de la demande formulée par Volvo d'approuver l'acquisition de Scania, nous avions l'ambition de bâtir une société à l'échelle de l'Union européenne qui puisse présenter les meilleures perspectives possibles de concurrencer les grands acteurs de ce secteur sur le marché mondial. Leif Johansson a exprimé ses regrets devant cette décision, car elle a mis un terme à ce projet en invoquant des raisons qui lui semblaient aller à l'encontre de l'idée fondamentale du marché commun. Notre déception était d'autant plus grande qu'après le choc culturel ressenti initialement par Scania, ce projet apparaissait comme une excellente opération. Mais, le dossier Scania est clos. C'est Volkswagen qui est devenu le principal actionnaire en droits de vote. Et le dossier Renault, avec qui nos relations n'avaient jamais cessé, a été rouvert. A la suite du refus de la Commission de Bruxelles, les négociations se sont accélérées et le 24 avril, Volvo et Renault ont signé un protocole d'accord aux termes duquel seront échangées 15 % des actions AB Volvo contre 100 % du capital de RVI/Mack. Cette transaction permet à Volvo de pratiquement doubler le volume de ses activités camions. En effet, le groupe deviendra le deuxième constructeur mondial de poids lourds avec des positions particulièrement fortes en Europe où la part de marché conjointe atteindra 28 %, mais également en Amérique du Nord avec 24 % de pénétration. La complémentarité des deux constructeurs en terme de géographie et de gammes est également un atout. Leif Johansson s'est déclaré particulièrement satisfait de cet accord, cette satisfaction est partagée par la filiale française, mais le projet reste encore soumis à une double autorisation : celle des organismes de contrôle européen et américain...