Comment l'inspection du travail gère la transition

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Entrées en vigueur le 1er février dernier, les dispositions relatives à la réduction du temps de travail tardent à se concrétiser sur le terrain, constatent les inspecteurs du travail. Lesquels disent profiter de cette période d'adaptation pour délivrer informations et conseils aux dirigeants du transport routier. En attendant la phase répressive, l'administration souhaite rassurer les transporteurs. Premiers échos.

« Les dispositions du décret sur les 35 heures ne sont que très partiellement respectées », reconnaît Louis Garcia, directeur régional du travail des transports en Midi-Pyrénées et Languedoc-Roussillon. Trois mois après sa promulgation, l'application du texte ministériel tarde à se concrétiser dans les faits. En dépit de la parution, le 23 mars dernier, de la circulaire d'interprétation du décret, les entreprises de transport routier de marchandises s'observent et s'interrogent. « Transporteurs, organisations professionnelles, syndicats de salariés et corps de contrôle de l'État prennent leurs marques. Nous sommes encore dans une phase d'exploration », observe Louis Garcia. De Toulouse, à Nancy, en passant par Lille et Paris, les inspecteurs du travail tiennent le même discours : le texte ministériel est un moteur diesel dont la mise en route ne sera que très progressive. « Les transporteurs routiers ayant déjà modifié les bulletins de leurs salariés pour intégrer les heures supplémentaires et ceux ayant adressé une demande de dérogation pour un décompte des horaires au-delà de la semaine ne sont pas légion », constate Bruno Arcelin, inspecteur du travail basé à Lille. Un attentisme qui surprend d'ailleurs le personnel administratif. « On s'attendait, dès la parution de la circulaire, à un envoi massif de demandes de dérogation. Or, il n'en a rien été », signale François-Xavier De Ricaud, directeur régional adjoint du travail des transports en Ile-de-France.

Information avant répression. Cette phase de transition, souhaitée par le ministère des Transports, est mise à profit par les inspections du travail. Lesquelles disent multiplier les notes d'information en direction des chefs d'entreprise. « Nous faisons de la pédagogie. A l'instar de l'accord de 1994, le décret bouleverse le fonctionnement de certaines entreprises. Notre rôle consiste donc à accompagner les transporteurs. Les fédérations professionnelles doivent également épauler leurs adhérents », affirme Bernard Fischer, directeur régional du travail des transports pour les régions Alsace, Lorraine et Champagne-Ardenne. Certaines directions régionales vont même plus loin. Ainsi à Rouen, Alain Moussat, responsable pour les zones Haute-Normandie et Basse-Normandie, a pris contact avec l'Agence régionale pour l'amélioration des conditions de travail (Aract), disposée, dit-il, à prêter main forte aux chefs d'entreprise. « Nous nous sommes aperçu que les problèmes de fond (coût social, organisation du travail) liés à l'application de la réduction du temps de travail ne souciaient pas encore les dirigeants du transport routier. Ceux-ci sont davantage accaparés par des problématiques techniques telles que la modification des bulletins de paye ou le calcul des repos récupérateurs et compensateurs. Mais plus le chantier RTT avancera, plus les difficultés vont apparaître. »

Ce souci d'informer se traduit par une période de tolérance étendue à l'ensemble des transporteurs. Alors que la circulaire prévoit un temps d'adaptation (jusqu'au 1er juin 2000) pour les seules entreprises jusqu'à 20 salariés ou celles pratiquant le double équipage. « Nous n'avons pas procédé à des contrôles élargis depuis le 1er février », note Bernard Fischer. La phase répressive n'interviendra donc qu'a posteriori. « Probablement en septembre prochain lorsque notre mission de conseil sera achevée », ajoute le directeur. « Les entreprises n'auront alors plus d'excuses. Une chose est sûre : nous nous montrerons inflexibles avec les dirigeants de mauvaise foi. Ceux qui ont été informés, conseillés, ceux qui nous promis de respecter les dispositions du décret », indique Alain Moussat. En attendant, les inspections du travail se veulent rassurantes.

Un climat serein ? « Les chefs d'entreprises n'ont pas lieu de s'inquiéter. Par exemple, il n'existe aucune raison pour que les demandes de dérogation visant à obtenir un décompte mensuel des horaires n'aboutissent pas. La procédure n'impose aucun formalisme administratif. Les transporteurs doivent simplement faire preuve de transparence. » « L'obtention des dérogations ne devrait pas poser de problème étant donné que les conducteurs ont des horaires individuels et qu'il est donc facile de justifier une variation de l'activité », soulève Bernard Fischer. Quant à l'obligation de mettre en place des structures de représentation du personnel, là encore, les transporteurs assujettis à la mise en place de délégués du personnel ou de comité d'entreprise ont jusqu'au 1er juillet 2000 pour s'exécuter. « L'administration aurait très bien pu retenir une position plus stricte consistant à interdire le principe de dérogation à toute société de transport n'ayant pas organisé l'élection de ses représentants du personnel ».

Plus généralement, les inspecteurs du travail jugent aujourd'hui le climat serein. « Nous ne pouvons pas encore dresser un bilan. Cela dit, au vu des premiers contacts avec les entreprises, il semble que l'acceptation du décret trace son chemin. J'ai la faiblesse de penser que les craintes et les psychoses s'estompent », constate Alain Moussat. « Les transporteurs reconnaissent que le nouveau dispositif constitue un bon équilibre entre l'accord social de 1994 et le droit commun. Les salariés, de leur côté, se montrent beaucoup plus réservés », remarque Louis Garcia. Seul vrai sujet d'inquiétude pour l'instant exprimé par les transporteurs : les difficultés de recrutement. « Inévitablement l'application des dispositions relatives aux repos récupérateurs et compensateurs va nécessiter des créations d'emplois alors que la pénurie de chauffeurs ne faiblit pas. »

Aides à la réduction du temps de travail
La DTT en avance d'une revalorisation salariale

Comment rendre encore un peu plus compliquées des règles déjà passablement embrouillées ? C'est le tour de force auquel est parvenue la Direction des transports terrestres (DTT) en présentant les aides à la réduction du temps de travail applicables au transport routier (L'OT 2071 en page 9). Les montants des rémunérations conventionnelles « grands routiers » pris pour référence correspondent en effet à ceux qui entreront en vigueur au 1er juillet prochain - conformément au programme de revalorisations salariales établi par l'accord du 7 novembre 1997 - et non aux barèmes applicables depuis le 1er octobre 1999. D'où l'écart constaté entre les rémunérations prises en compte dans les tableaux fournis par la DTT (11 768 F à l'embauche pour un conducteur effectuant 220 heures par mois) et le niveau actuel des salaires conventionnels (9 500 F à l'embauche en 150 M pour 200 heures). « Les aides ne seront pas délivrées avant l'été. Nous avons donc préféré les calculer sur la base des rémunérations qui seront applicables à cette date », justifie Véronique Teboul à la DTT. Au 1er juillet 2000, le salaire mensuel professionnel garanti (SMPG) sera en effet fixé à 8 135 F à l'embauche au niveau le plus élevé pour 169 heures et à 10 000 F pour 200 heures. Pour les courtes distances, qui n'ont pas fait l'objet d'une programmation des revalorisations salariales, ce sont les rémunérations conventionnelles au 1er octobre 1999 qui ont servi de base de référence. Comprenne qui pourra. Pour sa part, Christian Rose, secrétaire national de l'Unostra, relève que « les chiffres de la DTT tiennent compte d'une majoration des heures supplémentaires de 25 % qui ne s'appliquera qu'en 2001 en lieu et place des 10 % prévus en 2000 ».

Autre précision apportée a posteriori par l'administration : les montants d'aides diffusés ne constituent que des exemples à partir des formules de calcul arrêtées. Un barème «officiel» sera annexé à la circulaire conjointe ministère des Transports-ministère de l'Emploi et de la Solidarité en préparation. Laquelle devrait être finalisé courant mai après consultation des partenaires sociaux. Dans un même souci de simplification, la DTT dit prévoir des procédures administratives allégées et la mise en place de guichets uniques. Ainsi, indique-t-elle, les entreprises n'auront affaire qu'à un seul interlocuteur pour l'ensemble de leurs demandes d'aides. « Ceci afin de ne pas rééditer les erreurs du passé ».

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