« Nos conducteurs ont désormais pour instruction de vérifier systématiquement l'intérieur de leur remorque avant de passer sur le Shuttle. C'est ce qu'a fait l'un d'entre eux il y a une semaine provoquant ainsi la fuite des quelques passagers clandestins qui s'étaient glissés dans le véhicule », témoigne un des chefs d'entreprise cités dans l'enquête de ce numéro. A l'origine d'une réaction aussi peu « civique », l'entrée en vigueur le 1er avril dernier de l'Asylum Act . Cette nouvelle loi britannique sanctionne systématiquement les entreprises dont les véhicules transportent des passagers illégaux.
« C'est comme si vous trouviez un cambrioleur dans votre salon, appeliez la police et étiez vous même arrêté parce que vous avez un problème », résume un porte-parole de la Freight Transport Association (fédération de transport britannique).
En culpabilisant ainsi les professionnels du transport, le gouvernement de Sa Gracieuse Majesté entend les responsabiliser et les contraindre du même coup à accomplir des contrôles que les forces de l'ordre britanniques peinent, semble-t-il, à réaliser, faute de moyens. Ce qui lui permet d'avoir le beurre et l'argent du beurre.
Mieux, en menaçant ainsi les transporteurs, la Grande-Bretagne les encourage à se débarrasser de leurs éventuels passagers indésirables avant de gagner son territoire. Autrement dit à les lâcher en France ou en Belgique, les deux derniers pays par lesquels transitent le plus souvent les candidats à la traversée de la Manche.
Courageuse politique, qui, loin d'être une spécialité britannique, est assez répandue au sein de l'Union Européenne. Faute, une fois de plus, d'harmonisation des règles et des contrôles. Aujourd'hui, quelques mouvements semblent naître pour tenter de résoudre le problème.
En attendant que de véritables décisions soient prises, transporteurs et conducteurs routiers encourent les foudres de la justice tandis que les passeurs mafieux poursuivent impunément leurs activités.