Vers une alliance Renault VI-Volvo ?

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Après le veto infligé par la Commission de Bruxelles sur son rapprochement avec son concurrent et compatriote Scania, le constructeur suédois de véhicules industriels Volvo n'a pas perdu espoir de trouver un autre allié. Selon les quotidiens Financial Times et La Tribune, des discussions seraient mêmes « avancées » avec Renault VI. Cette volonté de rapprochement motivée par les perspectives d'économies d'échelle n'est pas exclusive à Volvo. MAN et Iveco pourraient eux aussi conclure un partenariat.

«Notre volonté de faire de Volvo une entreprise d'envergure mondiale reste la même. Et nous étudions toute proposition de rachat, de fusion ou de partenariat avec d'autres constructeurs », déclarait Leif Johansson, P-dg de Volvo, après le veto de la Commission de Bruxelles sur le rapprochement entre Volvo et Scania, le 14 mars dernier. « Cette stratégie est dictée par le besoin de réaliser des économies d'échelle. Les dépenses en recherche et développement pour satisfaire les exigences techniques en termes de dépollution, par exemple, sont énormes. Nous souhaitons les partager », assure-t-on chez Volvo. Ainsi, selon les quotidiens La Tribune et le Financial Times du 10 avril, des discussions entre Volvo et Renault Véhicules Industriels sont « avancées ». Un accord pourrait même être annoncé avant l'assemblée générale annuelle des actionnaires de Volvo le 26 avril prochain. Les deux constructeurs se sont refusés à tout commentaire. Toutefois, le président français Jacques Chirac, en visite d'État à Stockholm, a annoncé le 10 avril, à propos de ce rapprochement, « je souhaite que ça marche ». Suite à cette déclaration, l'action Renault a progressé de 2,61 %, clôturant à 303,9 F. En même temps, Louis Schweitzer, P-dg de Renault, assurait que Renault VI n'était « pas à vendre ». Selon le journal La Tribune, cette alliance pourrait donc se conclure par une prise de participation majoritaire du groupe Renault SA dans le capital de Volvo, qui prendrait alors le contrôle de Renault VI. Sur le marché français des véhicules industriels de plus de 5 t, l'ensemble ainsi constitué afficherait une pénétration de 48,7 % loin devant Mercedes-Benz (17,9 %). En Europe, avec une part de marché de 23 %, il talonnerait le constructeur allemand (25 %) et devancerait largement l'Italien Iveco (15 %).

Complémentarité de gamme et de réseaux. En outre, cette alliance présenterait de nombreuses complémentarités. Avec sa filiale américaine Mack Trucks, Renault VI se classe en quatrième position sur le marché mondial des véhicules de plus de 16 t derrière Volvo Trucks. En Europe, le Français est essentiellement représenté au Sud. Il réalise 18 % des immatriculations en Espagne et 15,6 % au Portugal. Volvo est plus présent en Europe du Nord, notamment en Grande-Bretagne où il enregistre une pénétration de 19,5 % en 1999. En Asie, le Suédois détient 19,9 % des parts d'une société commune avec Mitsubishi et Renault VI contrôle 22,5 % du capital de Nissan Diesel. En Amérique du Nord, l'addition de Mack (13,1 % de pénétration) et de Volvo (10,7 %) placerait les nouveaux alliés en deuxième position sur le marché des « classe 8 » (véhicules industriels de plus de 16 t) derrière Freightliner (31,9%) mais devant Paccar (21,1%) et Navistar (15,9%). Au niveau des produits, Volvo s'affiche comme un spécialiste des véhicules de plus de 16 t alors que Renault VI est généraliste. Enfin, mais est-ce un avantage, le Français, faute de moyens financiers suffisants, se montre plus ouvert que le Suédois aux partenariats. Renault VI a ainsi créé un joint venture avec Iveco, Irisbus, pour fabriquer et commercialiser en commun autobus et autocars. Il a aussi signé un accord avec Daf, qui achètera les cabines du Midlum pour équiper sa nouvelle gamme moyenne en 2001. Volvo a, de son côté, démontré son dynamisme et sa capacité financière en forçant la porte du capital de Scania en 1999.

Vers une alliance entre MAN et Iveco ? L'annonce de cette éventuelle alliance franco-suédoise relance la polémique autour des autres constructeurs. Ainsi, selon les Echos du 28 mars, MAN chercherait à étoffer sa division poids lourds. « Nous n'avons pas l'intention de vendre MAN Nutzfahrzeuge. Nous considérons les camions comme l'une de nos activités clés », a précisé Ferdinand von Ballestrem, le directeur financier du groupe munichois, dans un entretien accordé à l'agence de presse AFX. Il a ensuite annoncé que son groupe souhaitait même acquérir un autre constructeur.

A la mi-mars, l'hebdomadaire allemand Wirtschaftwoche affirmait que MAN voulait fonder une société commune avec Iveco, la filiale poids lourds de Fiat. Un porte-parole avait démenti l'existence de négociations, tout en avouant l'intérêt pour MAN de conclure une coopération en Europe, et cité Iveco comme partenaire potentiel. Sur le marché français des véhicules de plus de 5 t, ce groupe réaliserait 16,8 % de pénétration et conforterait la troisième position d'Iveco devant Scania (8,7 %). En Europe, il s'octroierait la première place avec une pénétration de 28 % devant Mercedes (25 %) et RVI (11 %). Pour Mercedes comme pour Daf, la question du rapprochement avec d'autres constructeurs est moins pressante. Le premier est en tête du marché mondial avec une large avance.

Une position qui lui interdit d'envisager un rachat européen ou américain, sauf à encourir les foudres des autorités de la concurrence. Dans ces conditions, la surprise pourrait venir de Daf et de son propriétaire américain Paccar (assembleur de Kenworth et de Peterbilt outre-Atlantique), qui se garde bien de manifester des vélléités de croissance externe mais affiche une bonne santé financière.

Scania libéré. De son côté, Scania se ravit de la décision de la Commission de Bruxelles et de la prise de participation de Volkswagen dans son capital. Le groupe automobile allemand a acquis, le 27 mars dernier, pour 10,8 milliards de francs 18,7% des actions prioritaires de Scania qui lui ouvrent 34 % des droits de vote. Volvo qui dispose encore de 45,5% du capital de son rival ne bénéficie que de 30,6% des droits de vote. « Pour nous l'OPA de Volvo sur Scania n'avait aucun sens. Nous nous positionnons sur les mêmes gammes de produits, nous sommes présents sur les mêmes marchés et nous visons les mêmes clients », souligne Patrick Mosca, P-dg de Scania France. « Les seules économies réalisables auraient pu se faire en amont, au niveau des recherches et développement, des achats ou des ressources financières », reprend-il.

Dans ces conditions, « la décision de la Commission de Bruxelles a été un grand soulagement pour nous. Et le partenariat avec Volkswagen ouvre de nombreuses perspectives de développement ». Volkswagen vend des véhicules utilitaires légers de moins de 3,5 t par le biais d'un réseau européen de VP qui selon Patrick Mosca « serait moins performant que les quelques concessionnaires poids lourds qui assurent ce service. Notre réseau pourrait garantir une meilleure rentabilité à ces produits». En outre, Scania effectue des études de faisabilité sur un camion de 10 t à 15 t dont la production pourrait-être décidée au cours de l'été et développée avec Volkswagen. Ce dernier dispose d'une expérience dans les VUL qui pourrait selon Patrick Mosca « conduire au développement d'un véhicule de 5 t à 15 t ». Volkswagen produit aussi des poids lourds sur le marché brésilien.

Premières amours

Le 24 février 1990, les groupes Renault et Volvo signaient, à Amsterdam, un protocole d'accord en vue d'une fusion. Officialisée le 6 septembre 1993 par Louis Schweitzer et Pehr Gyllenhammar, les P-dg des deux entreprises, en présence de Gérard Longuet, ministre de l'Industrie et du Commerce Extérieur, cette opération devait être effective le 1er janvier 1994, en intégrant toutes les activités (dont l'automobile, 77 % du CA cumulé) des deux groupes. Elle prévoyait un partage du capital à 35 % pour Volvo et 65 % pour l'État français. Une répartition présentée depuis comme la cause de l'échec de cette fusion, les Suédois refusant d'être contrôlés par les Français. L'opération a capoté le 2 décembre 1993.

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