Au cours des vingt prochaines années, la Suisse envisage d'investir 120 milliards de francs de fonds publics pour moderniser son réseau ferroviaire. Des fonds en partie prélevés sur les rares entreprises qui osent encore faire transiter leurs poids lourds par le territoire helvétique. Des fonds dont près de la moitié sont destinés à creuser sous les Alpes deux nouvelles voies de ferroutage, dont l'ouverture n'interviendra pas avant une bonne dizaine d'années. D'ici là, les Suisses, sous la pression de l'Union Européenne, auront relevé le seuil du poids total roulant autorisé pour les véhicules circulant sur leur territoire, de 28 t aujourd'hui, à 40 t en 2005. De quoi limiter, à tonnage transporté égal, le nombre de poids lourds, et donc réduire la pollution atmosphérique. Souvent cités en exemple par le personnel politique européen, nos voisins helvétiques sont, en effet, très soucieux de la qualité de l'air respiré par leurs bovidés et autres touristes. Ils sont aussi très performants dans l'art de ponctionner fiscalement leurs voisins et visiteurs.
Une efficacité qui peut faire envie en France, autre pays de l'intégrisme ferroviaire.
Peut-être inspire-t-elle le ministre des Transports français ? Depuis plus d'un an, exploitant sans vergogne les 39 victimes de l'incendie du Mont-Blanc, esquivant sans cesse la trop évidente responsabilité de l'État dans cette catastrophe, il proclame la nécessité de freiner l'inexorable développement du transport routier, quitte à développer le ferroutage. Mais, il n'en a pas les moyens financiers. Une carence qu'il compense en accumulant les obstacles réglementaires et fiscaux sur les routes. Ce bricolage anti-routier est moins spectaculaire que la méthode suisse. Il pourrait aussi, à terme, être plus efficace à force de pousser malgré elles les entreprises privées du transport routier français à se délocaliser. Pourquoi pas en Suisse ?