Recourir à l'interim pour sous-louer ensuite l'intérimaire à une entreprise tierce comporte des risques contre lesquels la Fédération nationale des transports routiers (FNTR) met en garde les transporteurs. Un danger illustré par le procès dont l'audience s'est déroulée le 27 mars au tribunal correctionnel de Pontoise. Y comparaissaient quatre prévenus : Jean-Paul Augier, conducteur salarié d'une entreprise d'interim spécialisée - SMBO, aujourd'hui disparue - et les trois dirigeants de cette dernière. Le 5 octobre 1996, circulant sur l'A1, le chauffeur au volant d'un véhicule frigorifique avait percuté une voiture provoquant la mort de cinq personnes. Une perte de contrôle qui mettait directement en cause le rythme de travail du chauffeur qui avait conduit 98 heures 20 au cours de la semaine. Par contrat de détachement à temps plein, SMBO le mettait en effet à disposition de deux entreprises, les Transports Salvesen le jour et le loueur de véhicules avec conducteur Via Location Orly - qui le sous-louait au réseau France Partner - la nuit. Un double jeu de disques chronotachygraphes retrouvés lors d'une perquisition au domicile de Jean-Paul Augier révelait que celui-ci travaillait couramment plus de 16 heures par jour ouvrable et jusqu'à 79 heures par semaine. SMBO facturait en fin de mission l'ensemble des heures réalisées par son salarié pour le compte des deux sociétés utilisatrices qui joignaient le chauffeur directement, par téléphone portable. Les sociétés Salvesen et Via Orly ont été mises hors de cause, le juge d'instruction estimant qu'elles étaient censés ignorer les agissements de l'intérimaire. Au plan juridique, l'article 124-46 du Code du travail n'impose en effet à l'entreprise utilisatrice de veiller aux conditions d'emploi de l'intérimaire que pendant la durée de la mission, la société d'interim se devant, elle, de vérifier l'aptitude au travail de son employé, notamment au plan du respect de la réglementation sociale.
Devant le tribunal, Jean-Paul Augier a d'ailleurs reconnu que Salvesen, «très à cheval sur les temps de conduite et de repos» n'avait pas connaissance des missions effectuées pour Via Orly. En revanche, précise la FNTR qui assistait à l'audience, il a reconnu qu'« avec Via Orly, il y avait de la sous-location et le conducteur devait acheter les disques lui-même, le poids lourd étant loué sans disque ». Le procureur a requis une peine de 18 mois de prison dont 6 mois ferme à l'encontre du conducteur (déjà condamné pour trafic illicite de stupéfiants), de 18 mois avec sursis pour les deux dirigeants de la société d'interim et de 12 mois avec sursis pour leur cadre commercial. L'affaire est mise en délibéré pour un jugement prévu le 9 mai.