Les accusations portées contre le transport routier pour atteintes à l'environnement se sont amplifiées au cours des vingt dernières années en raison de la prépondérance qu'a pris ce mode de transport par rapport à ses concurrents, le rail et la voie d'eau, notamment, réputés moins polluants.
Si l'on ne peut contester la « prolifération » des transports par route qui n'implique pas forcément une augmentation du parc, les attaques dont fait l'objet le moteur diesel - puisque c'est de lui qu'il s'agit - reposent sur des fondements qui restent encore à vérifier. Constatant en effet que l'opinion publique « exprimait tout et son contraire », sur ce sujet, le Conseil National des Transports a mis en place « une structure chargée du suivi aussi objectif et scientifique que possible de la situation en matière de transport et des indications permettant d'en mesurer l'impact sur l'environnement » pour se forger une religion enfin basée sur l'expertise.
Il n'empêche que, sans véritables preuves objectives, des mesures conservatoires ont été décidées par les autorités publiques qui, si l'on regarde bien, ont eu du mal à discerner ce qui était toxique de ce qui l'était moins...
Au cours des années soixante - période pendant laquelle le parc roulant s'est considérablement développé -, ils ont accusé - à juste titre, sans doute - les véhicules d'émettre du CO2, considéré inoffensif, et du CO, foncièrement nocif. Le diesel qui émettait peu de CO était alors pratiquement « blanchi » de ces accusations. Au cours de la décennie suivante, alors que les émissions de CO avaient été réduites par la maîtrise de nouveaux systèmes de carburation, les experts constataient que les oxydes d'azote et autres particules imbrûlées étaient autrement dangereuses pour la santé et la problématique prit une dimension européenne... Premier visé : le gazole.
« Les prescriptions valables à l'intérieur de l'Union européenne pour la maîtrise des émissions de gaz d'échappements en ce qui concerne les poids lourds, rappelle Georg Pachta-Reyhofen, directeur technique des motorisations chez Man, à Nuremberg, sont basées sur le règlement ECE 49 de 1982, repris en 1988 et devenu la directive de base du Conseil (88/77), mais c'est la directive 91/541 qui, depuis, est appliquée de manière engageante par tous les Etats de l'Union européenne ». Les autorités communautaires ont établi un échéancier comportant des phases intermédiaires, correspondant à l'application des normes Euro 1, Euro 2, Euro 3, Euro 4 et Euro 5. Ce calendrier couvre la période 1988-2008. Depuis 1988 et jusqu'à aujourd'hui, les seuils d'émissions gazeuses fixés par l'Union européenne ont fait l'objet d'une réduction draconienne : par rapport à la norme initiale, l'application des normes Euro 1 et Euro 2 a fait baisser de 30 % les seuils de pollution tolérés. Pour les 8 années à venir, les réductions attendues sont, respectivement, -77 % pour les NOx et -95 % pour les particules par rapport à la norme Euro 1.
C'est en novembre dernier que le Parlement européen a adopté la norme antipollution Euro 3. Comme, les deux précédentes, elle entrera en application en deux temps : le 1er octobre 2000 pour les nouvelles homologations et les réceptions par types chez les constructeurs, un an plus tard, soit en octobre 2001, pour les véhicules qui seront nouvellement immatriculés.
« Parallèlement, précise Georg Pachta-Reyhofen, sur proposition des constructeurs, avec la norme Euro 3, un nouveau cycle de contrôle va être mis en place. Le contrôle stationnaire reposant sur 13 points de la cartographie du moteur est complété par un contrôle dynamique composé de passages de charge à trois régimes ce qui est plus proche de la réalité d'utilisation ».
Un changement du système de mesure qui pourrait, éventuellement, modifier le calendrier d'application des normes à venir et conduire à une révision des seuils initialement fixés. En effet, Il semble qu'un problème subsiste concernant les oxydes d'azote (NOx) et les particules. En conséquence, les valeurs qui figurent dans le tableau d'évolution des réductions d'émissions polluantes à l'horizon 2008 font actuellement l'objet de discussions et ne constituent, aujourd'hui, que des propositions. Elles sont donc susceptibles d'évoluer, notamment la norme Euro 5 (appelée également Euro 4 niveau 2), compte tenu des évolutions technologiques prévisibles et des doutes relatifs à la justesse des mesures. La décision définitive devrait être prise en 2002.
Néanmoins, les constructeurs poursuivent leurs recherches conscients du fait que, même si les dates d'entrée en vigueur ou même le niveau des valeurs devaient être sensiblement modifiés, les autorités ne se satisferont pas pour autant des résultats actuels et restent convaincus que des efforts supplémentaires leur seront demandés quelles que soient les échéances. A preuve : à l'horizon 2010, et en tenant compte de l'augmentation prévisionnelle des trafics tous parcs confondus, les experts tablent sur une baisse de 75 % des émissions de CO, de 50 % des NOx et de 40 % des particules.
C'est l'une des raisons qui les poussent, d'une part, à développer des moteurs utilisant des énergies nouvelles moins polluantes (moteurs à gaz naturel ou liquide, véhicules hybrides ou fonctionnant à l'hydrogène).
Mais, parallèlement, ils poursuivent les améliorations sur les moteurs diesel car il reste « le moteur à combustion dont le rendement est le meilleur, qui démontre une très grande fiabilité et une grande longévité. Par ailleurs, il est peu sensible aux variations de qualité d'un carburant qui reste abondant et largement distribué » ce qui n'est pas encore le cas des énergies alternatives. Des atouts dont la collectivité aurait tort de se priver si la problématique réside dans ses seuls aspects écologiques. L'expérience des normes Euro 1 et 2 démontre qu'il ne s'agit pas de la quadrature du cercle puisque, en outre, les véhicules améliorent leurs performances et que, malgré les surconsommations que génèrent les équipements anti-polluants, la consommation globale des moteurs a baissé de plus de 15 % au cours des dernières années.
Pour continuer de réduire les émissions polluantes dans l'optique des futures normes, les solutions passent par la généralisation de l'électronique pour réguler les pompes d'injection ou les injecteurs dont l'utilisation permet déjà à certains constructeurs de souscrire à la norme Euro 3 par anticipation. Tous travaillent sur l'optimisation de la combustion et préparent de nouveaux systèmes. Le Common Rail (rampe commune) inspiré du principe de l'injection électronique d'essence est actuellement l'un des procédés qui permet de réaliser des conditions d'injection optimales à chaque point de la cartographie du moteur et a permis d'obtenir des résultats spectaculaires. D'abord, grâce à l'injection proprement dite qui est effectuée à haute pression (1 350 bars) ce qui permet une pulvérisation ultra-fine du carburant injecté et favorise sa combustion. Son pilotage électronique permet également d'utiliser des injections séparées : la pré-injection qui amorce la combustion, l'injection principale ou la post-injection.
En outre, la pré-injection est l'un des moyens qui permet de réduire les nuisances sonores qui sont également dans le collimateur des autorités européennes. Elle procure, en effet, une montée en pression plus souple lors de la phase initiale de combustion à l'intérieur du cylindre. Sur le nouveau Daily, le Common Rail réduit le bruit de près de 50 %... La post-injection, pour sa part, grâce à une combustion plus intense des particules en fin de phase d'expansion dans le cylindre, réduit sensiblement les émissions de suies.
Inventé par Fiat en 1990 sous le nom d'Unijet, d'abord testé sur des voitures, le Common Rail est développé industriellement par Bosch, équipe la plupart des utilitaires légers de la nouvelle génération (Daily, Mascott, Vito, Sprinter) et devrait faire son apparition sur les camions dès la fin de cette année (Renault et Iveco, en collaboration avec Cummins).
Parallèlement, les systèmes de recyclage des gaz d'échappement sont appelés à se développer. Par la réduction de la température de combustion qu'il procure, il a un effet positif sur les émissions d'oxyde d'azote. Il apparaît donc comme un moyen efficace de réduire la production de NOx sans avoir d'incidence néfaste sur la consommation.
Ces différents procédés, selon toute probabilité, devraient permettre aux véhicules de s'aligner sur les prescriptions de la norme Euro 4 qui prévoit en principe à 3,5 g/kWh les émissions de NOx à partir de 2005. « Les valeurs limites de NOx fixées à 2 g/kWh par la norme Euro 5 rendent incontournables le traitement ultérieur des gaz d'échappement. En coopération avec Bosch et Degussa, Man développe le système SCR (selective catalytic reduction). En plus du catalyseur à hydrolyse pour la formation d'ammoniac à partir d'urée, le système est équipé d'un catalyseur à réduction, d'une catalyseur de barrage et d'un précatalyseur. Celui-ci doit favoriser la formation de suffisamment de N02 et augmente, de ce fait, le rendement du système d'une façon telle que ce volume peut être réduit de manière décisive. En outre, la température de réaction se trouve réduite par la présence du NO2. Quant au catalyseur de barrage, il empêche le passage de l'ammoniac », conclut le responsable technique de Man. Les motoristes ont relevé le défi lancé par les protecteurs de l'environnement mais ils souhaiteraient cependant un sursis. Le temps de renouveler certaines gammes de moteurs de conception ancienne que les nouvelles normes antipollution ont irrémédiablement condamné. Le temps aussi de voir aboutir les recherches menées par les pétroliers pour améliorer les caractéristiques du carburant, opération qui aurait l'avantage de pouvoir s'appliquer immédiatement à l'ensemble du parc en circulation. La baisse de la teneur en soufre, une amélioration de l'indice de cétane et une baisse de la teneur en aromatiques permettraient de réduire de 30 % les émissions gazeuses et de 20 % les retombées de particules. Des progrès importants ont déjà été effectués. « La teneur en soufre avait été divisée par 4 depuis 1994, rappelle-t-on à l'Union Française des Industries Pétrolières. Les nouveaux carburants commercialisés depuis le 1er janvier 2000 accusent une nouvelle baisse de 30 % en passant de 500 à 350 mg/kg. Par ailleurs, l'indice de cétane du gazole est passé de 49 à 51. Ces nouveaux carburants visent à atteindre les objectifs de qualité de l'air fixés pour 2010. » L'inconvénient réside dans le fait que cela représente un coût supplémentaire et que les augmentations récentes qu'ils ont eu à subir suffisent au bonheur des utilisateurs...
HC : composés organiques volatiles constitués d'hydrocarbures imbrûlés. Rarement toxique, ils participent cependant à la formation de la pollution atmosphérique photochimique associés au NO.
NO : monoxyde (NO) ou dioxyde (NO2) d'azote résultent de la combustion à haute température, sont générateurs de crises d'asthme et, associés aux composés organiques, participent à la formation d'ozone.
PM : particules solides ou liquides constituées d'un noyau carboné qui sont dues à l'oxydation insuffisante du carburant injecté dans la chambre et sont nuisibles au même titre que les autres particules inertes en suspension. Les particules carbonées aggravent l'effet de serre et celles qui sont à base de sulfate le réduisent.
CO2 : gaz inerte issu de la combustion de produits fossiles qui n'a apparemment pas d'effets sur la santé mais entretient l'effet de serre.