Poursuivi pour travail illégal et marchandage, le P-dg d'Exapaq Rhône, Christian Gervais, a comparu le 18 janvier devant la Cour d'appel de Lyon. Le dirigeant avait été condamné en première instance pour travail illégal par dissimulation de salariés et marchandage, en octobre 1998, par le tribunal correctionnel de Villefranche-sur-Saône, à 300 jours-amende de 100 F et l'interdiction de gérer pendant cinq ans. Un jugement relativement clément par rapport aux réquisitions du ministère public qui portaient sur une peine de prison ferme. Au cours de l'audience en appel, l'interrogatoire a porté de manière pointilleuse sur les éléments qui pourraient caractériser le lien de subordination entre l'entreprise et ses sous-traitants. Pour le président Finidori, certaines « évidences absolues » existent, comme l'impossibilité pour les louageurs de démarcher d'autres donneurs d'ordres, ou les barèmes de tarification, imposés par Exapaq. De même, était retenue l'incitation à choisir et commander un certain type de véhicule, chez un concessionnaire Mercedes du département du Rhône. En conformité avec des accords commerciaux entre Exapaq France et le constructeur, le premier perçoit une commission (de 7 000 F à 10 000 F) sur chaque fourgon vendu, à un tarif préférentiel, aux sous-traitants. Pour le président de la Cour d'appel, « il est clair que la commission est payée par l'artisan, et pourrait être assimilée à un droit d'entrée ».
Les magistrats ont exprimé leur impression que, dans ce cadre, « tout le monde exploite tout le monde, et que Christian Gervais est lui-même au centre d'enjeux économiques qui le dépassent nettement ». S'engouffrant dans cette brèche, Me Pagnon, défenseur du dirigeant, a regretté que les textes qui auraient permis une mise en cause de la personne morale n'aient pas été utilisés. Christian Gervais, en tant que commissionnaire de transport, ne fait que calquer son comportement sur celui de l'ensemble de la structure Exapaq et de toutes les sociétés qui exercent la même activité, soulignait-il. Sans caractère intentionnel de l'infraction et sans démonstration formelle du lien de subordination, Me Pagnon a demandé la relaxe de son client, en souhaitant que l'arrêt de la Cour d'appel contribue à éclaircir le flou qui entoure le recours à la sous-traitance.
L'avocat général, lui, a retenu la précarité de l'emploi et du statut des sous-traitants, la faiblesse de leur couverture sociale, l'exonération de responsabilité de la part des dirigeants d'Exapaq. Le tout contribuant, selon lui, à un retour en arrière dans les rapports sociaux et de travail. Il a également démontré l'existence du lien de subordination (horaires, facturation, respect des procédures, sanctions) entre Exapaq et ses sous-traitants. Pour lui, la culpabilité de Christian Gervais est évidente. Aussi a-t-il requis une amende de 200 000 F (le maximum prévu par la loi), une interdiction d'exercer durant cinq ans, et « plusieurs mois » de prison ferme. Le jugement a été mis en délibéré au 15 février prochain.