Dans l'attente du décret

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Les transporteurs devront-ils réitérer une action pour obtenir la concrétisation des engagements ministériels pris le 12 janvier dernier ? Dans l'attente du décret sur les 35 heures élaboré par les pouvoirs publics, aucune des organisations professionnelles n'affirme, le 20 janvier, écarter cette éventualité. Pourtant, TLF se veut « relativement optimiste » quant à la conformité du texte aux propositions formulées par les pouvoirs publics. La FNTR estime, pour sa part, avoir obtenu le maximum envisageable sur le gazole. Une manière de répondre aux déceptions exprimées sur le terrain.

A ttendu par les organisations professionnelles et syndicats de salariés pour le 18 janvier, le projet de décret sur les 35 heures ne leur avait toujours pas été adressé à l'heure du bouclage de ce numéro, le 19 janvier à midi. Néanmoins, la Direction des Transports Terrestres a, d'ores et déjà, convoqué une réunion, le 24 janvier prochain, afin de discuter un texte qui serait présenté en conseil des ministres... deux jours plus tard. Dans cette attente, les représentants patronaux se veulent assez optimistes, ainsi que l'assure TLF (Fédération des entreprises de transport et logistique de France). « La situation ne se présente pas si mal. Pour ce que nous en savons, le décret ne reviendrait pas sur l'essentiel des engagements pris lors des négociations du 12 janvier. » A savoir une officialisation du Contrat de progrès pour les grands routiers et l'inclusion de la courte distance dans le dispositif dérogatoire. « En tout état de cause, indique Béatrice Vinstok, responsable de la communication, nous serions donc parvenus à un certain équilibre : permettre aux entreprises de continuer sur la voie de la réduction du temps de travail tout en maintenant les salaires ». Un résultat qui semblait acquis à l'issue des négociations du 12 janvier, mais rendu incertain par les revirements du ministre des Transports (voir article ci-contre). Sous la pression des représentants des salariés, Jean-Claude Gayssot a, en effet, tenté de sortir les conducteurs de la messagerie du décret. « Faute de définition précise de cette activité, cette piste semble désormais abandonnée », avance TLF.

Usine à gaz pour repos compensateurs. Concernant le calcul des repos compensateurs, le ministère ne serait pas revenu sur le principe adopté lors des négociations à savoir l'assimilation de ces derniers aux repos récupérateurs instaurés par le contrat de progrès. Il aurait toutefois choisi de jouer sur un abaissement des pourcentages prévus par la deuxième loi Aubry. En définitive, le dispositif pourrait prévoir l'octroi de 10 % de repos compensateurs (contre 50 % dans le régime de droit commun) par heure supplémentaire incluse dans le contingent de 130 heures. Au delà de 130 heures, le pourcentage serait fixé à 50 % contre 100 % dans la loi sur la réduction du temps de travail. Des seuils de déclenchement différents seraient définis pour les grands routiers et pour les courtes distances, compte tenu des plafonds de temps de service fixés respectivement à 230 et 208 heures. S'y ajouterait la possibilité de décompte au mois et non à la semaine après autorisation de l'inspection du travail. Au total, le montage savamment élaboré par l'Administration reviendrait à introduire, pour chaque catégorie de conducteurs, deux régimes de repos compensateurs, deux seuils de déclenchement et deux modes de décompte. Bravo pour la simplicité ! En outre, le ministère aurait « lâché » sur le double équipage à l'issue de sa rencontre avec les syndicats de salariés : la rémunération à 100 % de l'accompagnateur aurait été accordée. Pour celle du travail de nuit, rien n'aurait été décidé contrairement à ce qu'affirme la CFDT, le dossier serait renvoyé à la négociation paritaire.

Sur le dossier de la fiscalité, la FNTR (Fédération nationale des transports routiers) maintient que les propositions ministérielles sont satisfaisantes, voire inespérées quant aux facilités de trésorerie accordées.

Le maximum sur le gazole ?

Une affirmation qui répond aux « échos contrastés » venus du terrain. « Nous ne nous sommes jamais engagés à obtenir un gazole à 3F, comme certains l'avaient fait miroiter aux professionnels. Ces promesses inconsidérés expliquent les déceptions, assure Guillemette de Fos, directrice de la communication. Nous sommes parvenus au maximum des avancées acceptables par les pouvoirs publics. Il nous faut désormais consolider ces acquis et veiller à en tirer le meilleur profit ». En clair, pas question de laisser les chargeurs renégocier les tarifs au motif des avantages obtenus sur le carburant. La question d'une éventuelle reprise du mouvement sera toutefois posée aux présidents régionaux, lors de la réunion organisée par la fédération, le 20 janvier. « En cas de remise en question des points d'accord, nous irions vers de graves problèmes, assure, de son côté, Daniel Chevallier, nouveau président de l'Unostra. Le texte sur les 35 heures doit impérativement être dans la logique des engagements ministériels ». Et, prévient-il, « si nous avions besoin de nous remobiliser, la sortie de conflit serait très difficile ».

A retenir...

> Les organisations professionnelles attendaient toujours, le 19 janvier, le projet de décret sur les 35 heures. Les dérogations promises par le ministère des Transports y figurent-elles ?

> L'essentiel du dispositif négocié le 12 janvier aurait été préservé malgré les tentatives contraires des syndicats de salariés, escompte TLF.

> Les mesures proposées sur le gazole sont au maximum de ce qui pouvait être obtenu, assure la FNTR. Et« les déceptions sont dues aux promesses inconsidérées de certains».

Accords RTT
Les signataires dans l'expectative

Elles sont 129 à ce jour. Elles, ce sont les entreprises de transport routier de marchandises à avoir paraphé, avec leurs représentants syndicaux ou des personnels mandatés par les grandes centrales syndicales, des accords sur la réduction du temps de travail (RTT). Environ 20 % d'entre eux ont été signés dans le cadre de la circulaire Aubry-Gayssot de juillet 1998. A l'heure où le gouvernement prépare son décret « 35 heures », la question de la validité et de la continuité de ces accords se pose. Reste que le texte gouvernemental est pour l'instant totalement muet sur ce sujet. « D'un point de vue juridique, il n'y a pas de raison pour qu'il remette en cause des dispositions contractuelles. Toutefois, cela n'interdirait pas non plus aux entreprises signataires de renégocier leurs accords », explique Philippe Choutet, délégué général de l'Union des Fédérations de Transport (UFT). « Je ne vois pas pourquoi on pénaliserait les transporteurs qui ont fait un effort avant les autres », souligne, quant à lui, Samy-Marc Saadia, de l'Inspection générale du travail des transports.

« A la limite, lance Gilles Collyer, P-dg des Routiers Bretons, je n'exclue pas de remonter au créneau si le décret du ministère apparaît, en matière d'incitations financières, plus favorable que la circulaire Aubry-Gayssot ». Et le dirigeant malouin de souligner que les dispositions annoncées pour les « grands routiers » (220 heures par mois) sont déjà plus avantageuses que celles prévues dans son accord RTT (180 heures mensuelles).

Promesses et revirements...
L'étrange méthode de M. Gayssot

Vis-à-vis des organisations professionnelles comme des syndicats de salariés, le ministre des Transports a fait montre, depuis la première mouture du projet de décret « 35 heures », d'une étrange conception de la négociation. Alors que les entreprises françaises bloquent, les 10 et 11 janvier, l'accès au territoire, la négociation entre organisations professionnelles et DTT démarre enfin (le projet de décret est connu depuis le 17 décembre !). Dans la nuit du 11 au 12 janvier, elles sont reçues par le ministre des Transports. En six heures, les représentants des employeurs obtiennent satisfaction et décident de lever les barrages. Colère des syndicats de salariés qui se sentent floués. Hostiles aux dispositions « courtes distances », ils menacent, à leur tour, de bloquer les routes le 31 janvier. Rendez-vous est pris avec eux le 12 janvier par Jean-Claude Gayssot. Lors de la discussion, le ministre passe purement et simplement sous silence les propositions faites aux organisations professionnelles. En substance, Jean-Claude Gayssot affirme n'avoir rien promis aux employeurs, notamment sur les « courtes distances ». A l'issue de la réunion, le ministre diffuse même un compte rendu officiel par lequel il renvoie à la négociation paritaire. « Pour les courtes distances, écrit-il, j'ai bien entendu le souci exprimé et notamment le fait que, derrière cette désignation, il y avait des pratiques et des métiers différents. Il faudra que les partenaires sociaux progressent enfin sur les classifications de façon à les préciser réglementairement. J'y veillerais même si cela est du ressort paritaire ». Dans sa note, le ministre réitère en revanche ses engagements sur les grands routiers (220 heures par mois, 56 heures sur une semaine isolée, 50 heures par semaine en moyenne sur un mois). Mais, il ajoute une disposition sur le double équipage (rémunération à 100 % pour l'accompagnateur) ainsi que sur le travail de nuit, renvoyé en discussions paritaires. Le 13 janvier, au lendemain de la consultation avec les syndicats, les services de Hubert du Mesnil prennent le contre-pied de leur ministre de tutelle. En réponse aux interrogations des représentants des salariés, ils indiquent que la nouvelle version du projet de décret prendra bien en compte les promesses que Jean-Claude Gayssot a engagées auprès des employeurs. De quoi s'y perdre.

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