Après 48 heures de blocages des frontières françaises par plusieurs centaines de chefs d'entreprises, les organisations professionnelles du transport routier s'estimaient victorieuses le 12 janvier dernier, en sortant du ministère des Transports. Leur butin est pourtant bien maigre. Le supplément de remise fiscale sur le gazole sera rapidement compensé par la prochaine hausse des taxes sur les péages autoroutiers, voire par la future écotaxe. Côté social, les promesses du ministre n'ont toujours pas été traduites dans les textes. Les syndicats de salariés s'y opposent. Ce n'est pas une surprise.
Le plus étonnant, c'est la rapidité avec laquelle les représentants patronaux ont accepté de négocier sur le terrain du ministère, en urgence, dans la nuit du 11 au 12 janvier, alors qu'ils semblaient maîtriser la situation. Une précipitation qui a permis aux syndicats de salariés de reprendre la main. Elle justifie aujourd'hui les interrogations de certaines entreprises, qui se sentent trahies. Ce sont souvent des pme, qui ont combattu en janvier pour survivre et continuer de travailler « au pays ».
D'autres entreprises restent plus discrètes. Elles se sont bien gardées de manifester leur approbation lors de la levée des barrages, trop heureuses de s'en tirer à si bon compte. C'est que le blocage des frontières françaises menaçait de faire tache d'huile dans l'Union européenne et de gêner leur activité. Ces entreprises, ce sont quelques-uns des plus grands groupes de transport ou d'affrètement français. Leurs dirigeants, absents sur le terrain, étaient en première ligne pour négocier avec le ministère. Au prétexte de défendre la profession du transport routier, ils auront pu préserver les intérêts particuliers de leurs actionnaires, en accélérant les discussions. D'ailleurs, quoi qu'ils en disent, ces « patrons »-là, qui ne sont bien souvent que des salariés de luxe, ne sont pas favorables à une éventuelle harmonisation fiscale ou sociale européenne. Bien au contraire, puisque celle-ci nuirait aux avantages concurrentiels qu'ils tirent de l'exploitation des vides juridiques ou des délocalisations. Pour eux, Willi Betz n'est qu'un garnement maladroit, Erika n'est que le prénom d'une assistante et les 35 heures une péripétie.