L'effet levier

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En bloquant les frontières, les transporteurs français misaient sur quelques réactions des Etats européens et des instances communautaires susceptibles de faire pression sur les pouvoirs publics français. Pari gagné. Ils ont déclenché quelques élans de solidarité au sud de l'Europe, quelque inquiétude et quelque irritation au nord tout en amenant Bruxelles à s'impatienter. Tour d'horizon.

Les Belges fâchés.

La Fédération Royale Belge des Transporteurs (FEBETRA) a exprimé sa désapprobation à l'annonce des intentions de blocage des transporteurs français. « L'expérience a démontré que les Français n'hésitaient pas à dresser des barrages routiers et à prendre ainsi leurs collègues en otage », craignait-elle dès le 9 janvier en demandant « aux instances européennes concernées de tout mettre en oeuvre afin que les principes de base de l'UE soient respectés ».

Les Néerlandais mécontents

Les Néerlandais « n'apprécient pas les méthodes » de leurs homologues français selon les informations recueillies par l'Agence France Presse auprès de TLN, la principale fédération de transporteurs des Pays-Bas. « Nous comprenons qu'ils protestent contre l'augmentation du prix du gazole à laquelle nous devons aussi faire face mais nous ne pouvons pas approuver la méthode qu'ils emploient. Aux Pays-Bas, nous avons choisi de négocier avec les politiques et les compagnies pétrolières pour résoudre cette question », a affirmé le porte-parole de TLN. EVO, l'autre grande fédération transport néerlandaises a, de son côté, fait les comptes. Elle estime que 1 000 véhicules hollandais étaient bloqués le 10 janvier et chiffre à 910 OOO e (5,9 MF) le coût de ces immobilisations.

Les Allemands inquiets

« Avec toute la compréhension que nous accordons à nos collègues français pour les difficultés qu'ils rencontrent - comme l'ensemble de la profession en Europe -, nous ne pouvons accepter que des conflits franco-français mettent en péril le trafic transfrontalier », a déclaré la fédération allemande des entreprises de transports routiers BGL qui en a appelé au gouvernement français et à la Commission européenne pour empêcher une escalade du mouvement. Parallèlement, la presse allemande misait sur une intervention de Bruxelles pour contraindre Paris à lever tous les barrages dans un délai de cinq jours.

Les Italiens solidaires

Le 11 janvier en fin d'après-midi, les transporteurs italiens arrêtés aux frontières françaises décidaient d'empêcher également tout passage de leur côté. Ce mouvement est né un peu par réaction (pourquoi les Français auraient-ils pu, eux continuer tranquillement à aller en Italie ?) mais aussi par solidarité. Le CUNA, organisme regroupant les associations de transport italiennes, a, d'ailleurs, officiellement affiché son soutien au mouvement lancé par les Français tant sur le problème des « temps de conduite » que sur celui du prix du gazole. Dans une lettre adressée à la FNTR le 11 janvier, il se dit prêt à organiser une « action conjointe avec les fédérations françaises sur le problème des coûts des entreprises en faisant des propositions aux institutions européennes et nationales ». Le CUNA se dit persuadé que le moment est venu de commencer une phase de dialogue au niveau communautaire afin d'éviter que l'absence d'harmonisation perturbe les règles de la concurrence et du libre marché.

Les Britanniques choqués

La Freigt Transport Association (FTA) estime à environ 3 millions de livres (environ 30 millions de francs) le préjudice pour les entreprises de transport britannique suite aux blocages orchestrés par les Français. Elle espère obtenir réparation... Même si les compensations demandées à la suite des précédents barrages (organisés eux par les syndicats de salariés) semblent se faire encore attendre. « De plus, nous pensons que les méthodes utilisées par les Français sont trop violentes », explique-t-on à la FTA qui, à la mode britannique, privilégie négociation et lobbying en cas de désaccord avec le gouvernement ou le patronat. « Il y a eu récemment des manifestations de routiers, mais elles ont été très pacifiques et n'ont pas entravé le reste du trafic », explique la FTA. Celle-ci juge, en outre, non fondées les doléances des Français sur le prix du gazole en rappelant que le carburant est deux fois plus cher en Grande-Bretagne qu'en France. La Road Haulage Association, l'autre grande fédération britannique, estime, pour sa part, « justifiées et compréhensibles » les revendications des transporteurs routiers français dont elle ne saurait pourtant soutenir l'action. Celle-ci est en effet contraire aux critères de bienséance posés par la RHA : « L'action devrait toujours être légale, coordonnée en coopération avec les forces de police locales et ne jamais gêner délibérément le public. »

Les Espagnols partagés

Conetrans, Fenadismer et Ucotrans, les principales fédérations de transporteurs espagnoles, ont affirmé leur soutien au mouvement lancé par les Français en particulier dans leur revendication sur la hausse du prix du carburant. Un dossier sur lequel les Espagnols sont eux-mêmes fort sensibles : en un an le litre de gazole est passé de 90,9 à 107,9 pesetas (de 3,63 F à 4,31 F). Faute d'obtenir la création d'un carburant professionnel dans les prochains jours, ils envisagent une mobilisation le 22 janvier. Ce mouvement devrait prendre la forme d'un blocus des villes espagnoles ou des frontières. Les Espagnols sont moins concernés par le dossier réduction du temps de travail, qui n'est pas encore à l'ordre du jour de l'autre côté des Pyrénées. Conetrans a toutefois souligné qu'elle estimait la semaine de 35 heures incompatible avec les exigences du secteur du transport routier.

Sur le terrain, le mouvement français ne fait pourtant pas l'unanimité. Le ministre de l'Agriculture, Jésus Posada, a insisté pour que le droit de grève n'empêche pas la libre circulation des marchandises. Les agriculteurs et les exportateurs de fruits et légumes ont lancé un cri d'alarme. Chaque jour, 2 000 camions chargés de produits espagnols traversent la frontière française à destination des pays de l'Union européenne. Les pertes pour les entreprises étant estimées à 6 000 millions de pesetas par jour, soit environ 240 millions de francs.

Les 35 heures freinent l'harmonisation européenne

« Tenir compte des spécificités du secteur routier dans l'application de la loi sur les 35 heures ». Loyola de Palacio, commissaire européen aux Transports estime que le gouvernement français n'a « pas fait grand chose » pour résoudre le problème des barrages dressés la veille aux frontières. Elle l'a même menacé le 11 janvier de saisir une Cour de Justice Européenne susceptible de lui infliger des amendes allant « bien au delà de l'indemnisation des dommages occasionnés à tel camion ou tel conducteur ».

Le même jour, l'IRU a demandé à la Commission européenne et au gouvernement français de « prendre les engagements nécessaires pour le rétablissement, sans délai de la liberté de circuler et pour une approche communautaire en matière de temps de travail ». Laquelle ferait, selon l'IRU, quelque peu défaut en France où « les mesures nationales préconisées jusqu'à présent par le gouvernement portent davantage préjudice aux progrès dans le domaine de l'aménagement du temps de travail à l'échelon de l'UE ». Elle appelle donc Jean-Claude Gayssot à « décider sur le plan national français, la mise en oeuvre d'une solution communautaire harmonisée pouvant être appliquée aux 15 États membres, lors de la prochaine présidence française débutant le 1er juillet 2000 ».

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