« On a perdu la bataille de la mer. Riche de l'enseignement, on devrait pouvoir gagner la bataille de la route. Se garder de suivre la trace de l'Erika », conclut un billet publié le 27 décembre par le bulletin de la Fédération Nationale des Transports Routiers. Un article dans lequel sont dénoncés les pavillons de complaisance maritime et le risque de voir se développer ces pratiques dans le transport routier européen. Un communiqué désignant les coupables de toujours: affréteurs et chargeurs, « puissants donneurs d'ordre » responsables de tous les maux, avec la complicité de Bruxelles. Les ennemis sont identifiés, l'objectif est fixé. A l'assaut!
Premier combat annoncé : la glorieuse journée du 10 janvier, au cours de laquelle les entreprises, emmenées par les généraux FNTR, TLF, Unostra et CSD, vont bloquer les frontières pour se battre... Contre l'affrètement sauvage? Contre la spéculation pétrolière? Contre la technocratie bruxelloise? Non. Contre la loi sur les 35 heures. En fait, il s'agit moins de lutter contre un texte d'exception nationale, que d'en obtenir une application assouplie, spécifique au transport routier français, calquée sur d'éventuelles futures règles européennes. Braves entreprises françaises, bons petits soldats, enfermés dans la ligne Maginot d'une exception sociale qu'ils ont eux-mêmes contribué à construire depuis novembre 1994. Quand bien même contiendraient-ils l'ennemi le 10 janvier, en arrachant quelques heures de répit social par l'intermédiaire d'un décret bâclé, ils sont déjà contournés par des forces européennes indifférentes au décompte des temps de service. La plupart en sont conscients. La colère gronde. Mais, la mutinerie est contenue par les stratèges de «l'harmonisation vers le haut». Ceux-la, campés dans leurs salons parisiens, drapés de la vertu nationale, sont pourtant prêts à brûler le pavillon routier sur l'autel de la complaisance sociale. Comme celui de la marine marchande française, offert en sacrifice aux syndicats des dockers. N'est-ce-pas Erika?