Jean-Louis Alloin, le nouveau P-dg des Transports Alloin, donne, en cette fin d'année, l'apparence du dirigeant comblé. Il vient tout d'abord de réussir là où nombre de messagers régionaux se sont cassés les dents : disposer, en propre, d'un réseau complet de distribution en région parisienne. « L'Ile-de-France, où nous réalisons 30 % de notre activité, est le fer de lance de notre développement. C'est aussi la zone géographique la plus compliquée à traiter pour un messager. Réussir en région parisienne, c'est un gage de qualité », assène Jean-Louis Alloin. Pour cela, le transporteur de Villefranche-sur-Saône vient d'investir 30 MF dans un nouveau bâtiment de 6 530 m2 au Plessis-Paté (91), à une dizaine de kilomètres des principaux embranchements autoroutiers franciliens.
Divergence. Autre motif de satisfaction pour Jean-Louis Alloin, les prévisions de résultats qui seront encore à la hausse en 1999. Le spécialiste de la messagerie régionale à l'est d'une ligne Lille/Salon-de-Provence s'apprête, en effet, à boucler l'année sur un chiffre d'affaires de 580 MF pour un résultat net positif de 7 MF (503 MF de CA et 3,5 MF de bénéfices en 1998) avec 1 000 salariés et 400 véhicules moteurs. « Pour 2000, nous prévoyons d'atteindre les 660 MF de chiffre d'affaires », ajoute le responsable. Lequel semble avoir également bien digéré l'arrivée, en septembre dernier, d'un nouvel actionnaire, le capital-risqueur lyonnais Siparex. En apportant 22,5 MF, Siparex, une société cotée au second marché, a acquis la participation de 20 % au capital de l'entreprise que détenait Pierre Alloin, P-dg démissionnaire. « Mais, avec 69 % de la holding Alloin Finances, la famille conserve toujours la haute main sur l'entreprise, les cadres se partageant les 11 % restant », précise le dirigeant. « Le retrait de Pierre n'a jamais concerné une éventuelle cession de la société », affirme-t-il, préférant avancer « de fortes oppositions internes quant à la stratégie de développement de l'entreprise sur son marché national et européen ». En clair, Jean-Louis et Henri Alloin, le directeur général, se seraient fermement opposés aux intentions de Pierre de procéder à une vague de croissance externe. « Lorsque Pierre a quitté l'entreprise, nous avons vécu l'arrivée de Siparex comme une opportunité nous permettant de consolider à la fois notre réseau et notre partenariat avec les Transports Testud et Laussuy », explique le P-dg.
Quatrième partenaire. Ces trois entreprises cumulent aujourd'hui un milliard de francs de chiffre d'affaires avec 46 implantations, Laussuy (Landes) et Testud (Isère) se chargeant respectivement de couvrir le Sud-Ouest et l'Ouest de la France. Le Pacs signé entre les trois transporteurs repose actuellement sur des échanges de fret classiques ainsi que sur des accords commerciaux dédiés aux grands comptes (Sony, Seb ou Bubbendorf, une société alsacienne spécialisée dans la fabrication de volets roulants). En 2000, il est notamment prévu d'harmoniser les procédures qualité ainsi que les produits commerciaux. « L'idée, explique Jean-Louis Alloin, est de proposer à nos clients une qualité de service et des prestations commerciales identiques ». Ce qui passe avant tout par le rapprochement des systèmes informatiques, « dans le but d'obtenir une plus grande réactivité en terme de retour de l'information ». L'an prochain, il est également envisagé de recruter un quatrième partenaire. « Le profil recherché est une entreprise de plus petite taille que les nôtres, implantée dans le Sud de la France, dans le Languedoc-Roussillon par exemple. »
Direction logistique. Autre axe de développement : l'Europe. Chez Alloin, la messagerie internationale ne représente que 8 % de l'activité. Le transporteur rhodanien travaille, sous la forme d'échanges commerciaux, avec le Belge Widem et l'Italien Lario. Un accord de coopération vient d'être signé avec Transitas, un messager allemand, situé à Kehl. Les Transports Alloin cherchent désormais une alliance en Espagne. Les prestations logistiques (entreposage, gestion de stocks, préparation de commandes), 1 % du chiffre d'affaires, sont aussi érigées en axe stratégique. L'entreprise dispose d'un entrepôt à Villefranche-sur-Saône et prévoit d'en construire un second à Strasbourg en septembre prochain. Signe de l'intérêt porté à cette activité, une direction logistique sera créée dès le début 2000. « Nous avons, d'ores et déjà, des contrats et recevons de nombreuses sollicitations. Avantage : ce sont des clients nouveaux, pour lesquels nous proposons aussi de la distribution ».
En pleines négociations tarifaires - « dans un contexte d'augmentation de 3,7 % du prix de revient » - Jean-Louis Alloin semble observer avec un certain détachement la recomposition de la messagerie hexagonale. « L'offensive des postes ? Nous ne sommes pas concernés », réplique-t-il. « Sur le marché domestique, nous n'avons pas à rougir. Nous avons un réseau qui tient la route, des résultats financiers solides et nous gérons par nos propres moyens l'enlèvement, les tractions et la distribution, le tout en contrôlant le retour de l'information. » Et surtout qu'on ne lui parle pas de taille critique. « Une entreprise grossit mais, revers de la médaille, elle délaisse une partie de ses anciens clients. Certes, elle en capte de nouveaux mais certains lui échappent encore, justement parce qu'elle n'est pas assez grande. Dans ces conditions, où se situe la taille critique ? » La question reste posée.
1934 : création de la société personnelle Louis Alloin à Morancé (69), spécialisée dans le transport de fruits.
1968 : naissance de la société anonyme dirigée par Louis Alloin et ses deux fils, Henri et Pierre.
1972 : première agence à Mulhouse.
1978 : l'entreprise réalise 16 MF de chiffre d'affaires avec 66 personnes et 10 véhicules.
1981 : Pierre Alloin devient P-dg des Transports Alloin.
1984 : acquisition de Lebon Transports.
1988 : le transporteur emploie 393 personnes réparties sur 10 agences pour un chiffre d'affaires de 152 MF.
1989 : l'entreprise s'installe à Villefranche-sur-Saône.
1995 : prise de participation des cadres dans le capital de l'entreprise.
1996 : acquisition de Balkans Bosphore Logistique (BBL), filiale spécialisée dans le transit international routier de la Slovénie au Kazakhstan (25 MF de CA).
1998 : 20e agence à Salon-de-Provence (13) et mise en place d'un système d'information centralisé.
1999 : démission de Pierre Alloin remplacé par son frère Jean-Louis. Syparex prend 20 % du capital de l'entreprise. 580 MF de chiffre d'affaires, 1 000 salariés.