Placés en redressement judiciaire le 15 septembre 1998, les Transports Samier bénéficient depuis le 15 octobre d'un plan de continuation, par jugement du tribunal de commerce de Béthune (62). P-dg de cette entreprise familiale, qu'il a créée en 1963, Daniel Samier a évité l'humiliation d'une mise en liquidation judiciaire. Il se serait bien épargné, aussi, les affres d'un redressement judiciaire. ´ En septembre 1998, quand le jugement a été prononcé, c'est comme si le ciel m'était tombé sur la tête. Depuis plusieurs mois, je faisais tout pour éviter la faillite, en essayant notamment de céder Sogotrans. Cette filiale, spécialisée en transport et logistique de marchandises palettisées, accumulait déboires commerciaux et difficultés techniques depuis 1993. Cette année là, nous avons enregistré trois millions de francs de perte sèche qui nous ont toujours manqué ensuite, commente le P-dg.
Au cours du premier trimestre 1998, la situation est telle que Daniel Samier doit demander un moratoire des dettes fiscales et sociales de l'entreprise. Il l'obtient. En parallàle, les négociations pour la cession de Sogotrans progressent et une recapitalisation de Samier SA paraÓt envisageable. Mais, ´ notre principal banquier a alors exigé une remise à zéro de nos découverts, que nous étions pourtant parvenus à réduire de moitié en quatre mois.
Dans ces conditions, Daniel Samier demande au tribunal de commerce de Béthune la nomination d'un mandataire ad hoc, afin de ´ négocier à ma place un étalement des dettes fournisseurs. Le tribunal, un des seuls en France à être composé de magistrats professionnels, accède à cette requête. Le 18 septembre, la décision est rendue publique. C'est alors que le banquier perd son sang-froid. Il rejette les échéances du 15 septembre avec effet rétroactif à fin août. L'entreprise est en cessation de paiement.
Une semaine plus tard, c'est le dépôt de bilan et le jugement de mise en redressement judiciaire pour Samier SA (spécialisée en transports de masses indivisibles), Sogotrans et TSO (société de gestion des services administratifs et des ateliers). Liées entre elles par des prises de participation croisées et des cautions, les trois sociétés sont solidaires. Et Daniel Samier ne peut que regretter la décision du banquier : ´ Samier SA disposait encore d'un potentiel de sept millions de francs de fonds propres, si nous avions eu le temps de mettre en place un lease-back sur le matériel roulant. Mais les banques apprécient mal la situation réelle d'une entreprise de transport, surtout celle d'un parc qui peut conserver de la valeur bien au-delà de la durée d'amortissement comptable et fiscale.
Château de cartes. Après le choc de la décision judiciaire, tout s'enchaÓne. ´ Comme un château de cartes. Du jour au lendemain, en tant que chef d'entreprise, vous ne maÓtrisez plus aucun moyen de paiement. Chéquiers, cartes bancaires, cartes de carburant, tout est bloqué. Le personnage clé devient l'administrateur judiciaire, avec lequel Daniel Samier établit rapidement un bon contact. L'urgence est alors de ´ conserver la confiance des salariés, des fournisseurs, des clients, afin que l'entreprise ait une chance de survivre. La course se joue d'abord avec l'information. ´ Il faut absolument éviter que les clients et les salariés apprennent la nouvelle par voie de presse. Les premiers doivent être informés, un par un, par le chef d'entreprise. Les seconds doivent être réunis, pour leur expliquer ce qui se passe et les rassurer, notamment sur la manière dont ils seront payés. Côté fournisseurs, pas question de favoriser l'un par rapport à l'autre. Les plus difficiles à convaincre sont les pétroliers. Les capacités relationnelles et la réputation acquise au fil du temps par le chef d'entreprise deviennent alors déterminants. Résultat pour Samier : ´ Un seul client nous a quitté, pour revenir quinze jours plus tard. Les salariés nous ont suivi. Et nous sommes également parvenus à conserver la confiance d'un pétrolier, qui a laissé à notre disposition les cartes pour retirer du carburant dans son réseau. Le quotidien reprend ensuite le dessus. Les dettes sont gelées, les créances rentrent, la trésorerie se reconstitue peu à peu. Le chef d'entreprise peut accomplir son ´ devoir : transformer le dépôt de bilan en un acte de gestion, par ses capacités d'analyse, par son travail.
S'appuyer sur son entourage. Encore lui faut-il trouver l'énergie de remplir cette mission, en s'appuyant sur son entourage : ´ Vous ne pouvez pas imaginer à quel point un coup de fil, une lettre, le moindre geste de sympathie d'un confrère ou d'un proche est précieux dans ces circonstances. J'ai d'ailleurs découvert qu'il existait une association de soutien aux chefs d'entreprises en difficultés, dont je suis aujourd'hui un membre actif. Plus concrètement, pendant la période de redressement judiciaire, Daniel Samier a bénéficié de l'aide d'un ami professeur d'économie et de transporteurs. ´ Il m'est ainsi arrivé d'avoir un véhicule en panne sur l'autoroute. Dans ce cas, il faut tout de suite pouvoir payer la société de dépannage. Impossible sans carnet de chèque. Pour m'aider, un confrère a accepté de me signer un chèque en blanc... Basé dans le Nord, le groupe Bils Deroo a, lui, repris, moins d'un mois après la mise en redressement judiciaire, les actifs de Sogotrans. L'opération s'est faite en douceur. ´ Il n'y a eu que quelques licenciements. Et tous les salariés ont été reclassés ou ont retrouvé rapidement un emploi. Le plan de continuation de Samier SA a permis ensuite aux créanciers, soit de récupérer immédiatement 35 % de leur avoir, soit d'être remboursés intégralement dans un délai de huit ans. L'entreprise a retrouvé un avenir.
A fin 1999, Samier SA réalise environ 30 millions de francs de chiffre de'affaire annuel. L'entreprise emploi 70 salariés, avec 55 véhicules moteurs, tous dédiés au transport de masses indivisibles sur semi-remorques extensibles. Une profession qui s'exerce souvent dans le cadre de la complexe réglementation française sur les transports routiers exceptionnels, avec une clientéle dans les secteurs du BTP et de la sidérurgie.
Les véhicules de Samier rayonnent depuis Libercourt (62), siége de l'entreprise, vers la Belgique, l'Ile-de-France, la Lorraine.
Confrontée à une forte saisonnalité, l'entreprise a négocié avec son personnel un systéme d'annualisation du temps de travail en mars 1999, sur la base de 210 heures par mois.