Après plusieurs mois d'atermoiements, le président de la SNCF, Louis Gallois, a fini par trancher en annonçant, le 26 novembre, au cours d'une table ronde avec les organisations syndicales, que le Sernam deviendrait la propriété du groupe Geodis, au sein de sa branche messagerie représentée par Calberson.
L'opération se déroulerait en deux temps. Le service messagerie de la SNCF serait tout d'abord filialisé d'ici au 1er janvier 2000 après consultation des instances représentatives (comité d'établissement Sernam, comité central d'entreprise SNCF, etc.). La nouvelle société ainsi créée serait contrôlée à 100 % par SNCF Participations avec mise à disposition du personnel « sernamien ». Dans une seconde étape, le groupe de transport et de logistique Geodis entrerait, au printemps prochain, dans son capital à hauteur de 60 %. La SNCF, qui détient aussi 43,6 % du capital de Geodis, conserverait pour sa part 40 % des actions du Sernam. Un montage qui nécessitera le feu vert préalable de la Commission d'évaluation des participations et transferts (ex-commision des privatisations), Geodis étant une société privée cotée en bourse. Selon le schéma retenu, le Sernam et Calberson subsisteraient sous la forme de deux entités autonomes pendant une période transitoire de trois ans au terme de laquelle Geodis pourrait contrôler à 100 % le Sernam. Durant cette phase transitoire, les pertes du Sernam (600 MF à fin 1999 pour 4 MdF de chiffre d'affaires), seraient apurées par la SNCF de manière à ne pas peser sur les comptes de Geodis. « Nous souhaitons que le Sernam soit doté d'un volume de fonds suffisant pour couvrir la période de pertes », reconnaît ainsi Alain Poinssot, le président de Geodis. A ce titre, la SNCF devrait provisionner dans ses comptes les déficits de son service messagerie sur les trois prochaines années. « Notre projet prévoit un retour à l'équilibre au bout de trois ans », souligne d'ailleurs Louis Gallois. Lequel a également prévu d'investir 400 MF dans l'immobilier et le système informatique du Sernam.
Dimension européenne. L'offre de Geodis était jusqu'ici concurrencée par ABX, division transport et logistique de la Société nationale des chemins de fer belges (SNCB), ainsi que par l'encadrement du Sernam, associé à un groupe bancaire. « La solution Geodis vise à placer le Sernam dans un cadre qui favorise son développement au sein d'un groupe qui a montré sa capacité à gérer avec efficacité et dynamisme des activités messageries », a souligné, le président de l'entreprise ferroviaire, lors d'un forum organisé le 27 novembre dernier par le comité d'établissement du Sernam. « Sa présence au sein de Geodis apporterait au Sernam la dimension européenne et permettrait de faire jouer les synergies techniques et opérationnelles avec Calberson. De son côté, le Sernam apporterait à Geodis, un fonds de commerce, un savoir-faire et des capacités d'innovations très complémentaires des siennes, en particulier en terme de transport ferroviaire. » Parallèlement, Louis Gallois a confirmé l'existence de négociations avec Coelo, holding regroupant les activités transport et logistique de La Poste. « La perspective d'un partenariat entre La Poste et Geodis, actuellement en cours de discussion, donnerait au Sernam de nouvelles chances. »
Coupes sombres. D'un point de vue social, Louis Gallois a voulu se montrer rassurant en indiquant que des mesures de reclassement à la SNCF d'agents du Sernam bénéficiant du statut de cheminot seront proposées « à ceux qui le souhaiteraient ». Les agents restant dans la nouvelle société conserveront le bénéfice des droits et garanties du statut SNCF ainsi que des régimes particuliers de protection sociale. D'autres mesures, notamment un dispositif de cessation anticipée d'activité adaptée au Sernam, seront également proposées aux syndicats. Jugée socialement inacceptable par les syndicats, le projet de restructuration du Sernam - qui reste évolutif au gré des négociations - prévoit, à fin 2002, la fermeture de 45 sites de production (agences et chantiers) sur 93 implantations aujourd'hui. Cinq sites Calberson seraient transformés en agences Sernam, ce qui porterait leur nombre à 53. Dans le même temps, les effectifs du Sernam seront ramenés de 5 200 salariés à 2 600 (plus 300 reclassements au sein de Geodis) dont 1 550 au statut de cheminots contre 3 550 actuellement. Quant à la population de 800 chauffeurs routiers salariés du Sernam Transport (ex-Sceta), la partie camionnage de l'entreprise, elle resterait en l'état. Pour les 450 autres salariés de Sernam Transport, pour la plupart des agents à statut contractuel, il est prévu, dans le cadre de l'accord sur les 35 heures à la SNCF, de les régulariser au « code permanent » (statut cheminot) et donc de leur proposer un reclassement. Reste le cas des sous-traitants. Aujourd'hui, ils sont environ 2 000 (entreprises de transport routier et artisans chargés de l'enlèvement et de la distribution, sociétés de manutention travaillant sur les quais) à oeuvrer pour le Sernam. « Pour ces personnels, une étude reste à faire », a simplement souligné Louis Gallois. « Il est clair que ce sont eux qui risquent de payer le plus lourd tribut à la restructuration », affirme, quant à lui, Roger Le Derff, représentant de la CGT au comité d'établissement du Sernam. Au total (salariés et sous-traitants), selon le syndicat Sud-Rail, les coupes sombres dans les effectifs toucheraient près de 75 % des emplois du Sernam. « Une purge » que dénoncent vigoureusement les grandes centrales syndicales de cheminots (CGT, CFDT, FO, Sud-Rail) qui appelaient à une semaine d'action du 29 novembre au 4 décembre, tandis que les syndicats CFDT, CGT, CFTC et FO du Sernam lançaient un mot d'ordre de grève pour le 2 décembre.