Le 27 octobre dernier, soit un an jour pour jour après son introduction sur le second marché boursier, Navarro a signé un accord de cession de 20 % de son capital à Stef-TFE. Il est en outre prévu que la prise de participation de Stef-TFE sera portée à 51 % au cours du premier semestre 2003 puis à 76,58 % au plus tard le 30 juin 2006. Le groupe Stef-TFE aura alors repris la totalité des actions que Paul Navarro, le P-dg de Navarro, possède à titre personnel. Le solde se répartit entre les 10 % mis sur le second marché boursier l'année dernière, les 5 % détenus par la BNP, les 2 % que possèdent les salariés et les 6,42 % que conserve le reste de la famille Navarro.
L'acquisition des premiers 20 % sera effective dans un délai de 30 jours. Montant de la transaction : 3,29 millions d'euros (21,6 MF) soit 144 000 actions multipliées par 22,86 e (149,95 F), « proposition proche du cours actuel de Navarro et égale à son cours d'introduction au second marché ». Le deuxième volet de l'opération, c'est à dire l'achat du bloc de contrôle de 31 %, sera réalisé sur la même base mais « majoré des résultats nets cumulés et non distribués des exercices 1999 à 2002 ». Le montant pour lequel seront acquis les derniers 25,58 % n'est pas précisé.
Devenir grand. Paul Navarro reste à la présidence de l'entreprise « au moins jusqu'à la cession de la majorité du capital » en 2003. « J'aurais alors 60 ans », précise-t-il. C'est un des facteurs qui ont motivé sa décision de vendre : « La question de ma succession, et donc de la survie de l'entreprise est devenue particulièrement préoccupante depuis qu'en mars dernier, mon fils m'a fait part de son manque d'enthousiasme à l'idée de reprendre les rênes de l'entreprise », déclare le P-dg. Autre élément déterminant : le marché. « Dans un secteur comme celui du froid où les clients sont de grands groupes, il faut impérativement trouver une solution pour atteindre une certaine taille », souligne Paul Navarro qui a expérimenté plusieurs voies pour cela. Il a ainsi tenté, en vain, plusieurs « regroupements » : avec Cardon et STG il y a une dizaine d'années et plus récemment avec TCA et Satfer, entreprises de sa région. « Ces projets se sont heurtés à des problèmes de valorisation », regrette Paul Navarro. Son introduction en bourse en octobre dernier visait également à trouver les moyens de cette croissance. Plutôt déprimé jusqu'à ces dernières semaines, le second marché ne lui aura pas apporté assez rapidement les armes nécessaires. L'augmentation de capital qui était prévue pour le premier semestre 1999 n'a d'ailleurs pas été réalisée. Restait une option : s'adosser à un groupe. « Un de nos grands clients nous a incité à évoluer en ce sens, avoue Paul Navarro en soulignant, nous n'étions pas vendeur quand nous avons reçu plusieurs propositions de reprise. J'en ai refusé deux qui ne me permettaient pas de conserver la majorité. La solution Stef-TFE m'a paru bonne parce qu'elle comportait une cession partielle et me laissait majoritaire tant que je serais aux commandes ».
L'effet grande distribution. « Navarro est une belle société qui a une expertise reconnue sur le marché de la logistique sous température dirigée auprès de la grande distribution, explique de son côté Pascal Wagner, secrétaire général de Stef-TFE. Nous l'avons choisie pour la qualité de ses prestations et celle de sa clientèle ». Laquelle sera constituée à 50 % de grands distributeurs en 2000. Et pas des moindres. Navarro vient, en effet, d'emporter des contrats avec Carrefour et Atac, filiale d'Auchan. Le premier lui a confié la distribution de tous ses produits frais dans le Sud-Est. Pour le second, le transporteur aixois assure la construction d'une plate-forme sur la région de Montpellier. En reprenant Navarro, Stef-TFE confirme des ambitions affichées il y a quelques semaines lors de la publication de ses résultats semestriels. « Nous sommes au coeur des mouvements de concentration qui animent la grande distribution. Une des motivations affichées pour la fusion Promodes/Carrefour concernait la logistique », constatait Francis Lemor, P-dg de Stef-TFE, en admettant être présent chez Promodes « surtout en Espagne » mais peu chez Carrefour. Une enseigne qui a, plus que Promodes, la volonté d'externaliser l'ensemble des opérations logistiques. Navarro présente également un intérêt géographique : « Nous sommes présents dans le Sud-Est essentiellement via des plates-formes de messagerie. Nous y avons aussi des sites logistiques pour des industriels. Mais nous n'avons aucune plate-forme du niveau de celle de Navarro à Aix. Nous sommes donc plutôt complémentaires. Nous n'étions pas encore frontalement en concurrence. Mais nous aurions sûrement été amenés à l'être », déclare Pascal Wagner.
Complémentaires. Navarro présente un autre atout important pour Stef-TFE. C'est une entreprise rentable qui « gagne même mieux sa vie que nous », note Pascal Wagner. En 1998, Navarro a réalisé 8 millions de francs de résultat net pour un chiffre d'affaires de 196,6 millions de francs. Lequel devrait atteindre 230 MF en 1999. Stef-TFE a pour sa part réalisé 6,5 MdF de CA pour 60,4 MF de bénéfice net. « Même lorsque la prise de contrôle sera effective, Navarro fonctionnera avec la relative autonomie des 70 autres filiales du groupe », assure Pascal Wagner en soulignant : « Ce sera la plus grosse de nos filiales, hors TFE. »
> Navarro va céder, dans les semaines qui viennent, 20 % de son capital à Stef-TFE. La participation de ce groupe sera ensuite portée à 51 % au cours du premier semestre 2003 puis à 76,58 % au plus tard le 30 juin 2006.
> Paul Navarro, l'actuel pdg de Navarro SA, restera à la tête de l'entreprise au moins jusqu'à la cession de la majorité du capital.
> Le chiffre d'affaires annuel de Stef-TFE dépasse les 6,5 Mdf. Celui de Navarro devrait atteindre 230 MF en 1999.
En reprenant Navarro et ses 230 MF de francs de chiffre d'affaires, Stef-TFE (6,5 MdF de CA) absorbe un des dix principaux opérateurs et une des désormais rares grosses PME régionales indépendantes subsistant sur le marché français du transport frigorifique. Au nombre des survivants d'un profil similaire : Robin Châtelain (226 MF de CA, groupe Le Calvez). Un autre Breton se classe dans le trio de tête en terme de CA : STG (quelque 700 MF) qui continue de vivre caché et sans doute heureux. Celui-ci arrive derrière le deuxième transporteur frigorifique dans l'Hexagone : Exel Logistics France (filiale du groupe britannique NFC) avec environ un milliard de francs de chiffre d'affaires. « La reprise de Navarro, comme les autres opérations de croissance externe réalisées par Stef-TFE, ne nous affecte pas spécialement. Elle présente plutôt un avantage : nous sommes tout petits par rapport à ce grand leader. Ce qui nous permet de jouer sur la proximité par rapport aux clients », assure Dominique Lacaïle, nouveau directeur commercial d'Exel Logistics France. L'arrivée de cet ex-directeur commercial de TNT France intervient un an et demi après celle de Serge-Maxime Bannier à la présidence d'Exel Logistics France. Elle marque le début d'une réorientation stratégique. « Nous sommes en train de travailler à la redéfinition de notre gamme de produits. Celle-ci sera présentée début 2000 », annonce Dominique Lacaïle. « Aujourd'hui, nous sommes des messagers généralistes. Nous souhaitons devenir des "multispécialistes" en offrant des prestations complémentaires sur les flux amont et aval », explique-t-il. Une évolution qui répond aux nouvelles demandes des clients et qui suppose d'apporter de la valeur ajoutée tout en « optimisant les moyens techniques importants dont dispose déjà Exel ». Ses 26 plates-formes de messagerie froid vont ainsi développer peu à peu des prestations logistiques. Grâce à celles-ci, Exel mise sur une croissance de 10 % de son activité en 2000 qui devrait ainsi participer pour plus de 100 MF au 1,3 MdF de chiffre d'affaires total attendu. Sur l'exercice 1998/1999, le groupe a réalisé 1,23 MdF de CA dont près de 80 % en frigorifique. Sur ce créneau, Exel distingue la logistique (10 %), l'affrètement (10 %) et la messagerie (80 %). Aucune progression significative n'est attendue en 2000 sur cette dernière activité où Exel entend privilégier une « fidélisation des clients » et la « qualité du chiffre d'affaires ». Une sélection qui débute le 1er décembre, date à laquelle le transporteur revalorise ses prix de 5 %.
Parallèlement, le groupe affiche de nouvelles ambitions internationales. Noué en mars dernier, son partenariat avec Dachser sur l'Allemagne lui a déjà permis de développer un service messagerie et affrètement pesant pour 8 % sur son chiffre d'affaires 1999. Il entend doubler son activité internationale en 2000 grâce à des alliances « nouvelles ou existantes » sur l'Italie, l'Espagne et le Benelux.