Dubois repris par ABX

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Après Ducros repris par la poste allemande fin 1998, c'est Dubois qui tombe dans les filets d'une entreprise publique européenne : la Société Nationale des Chemins de fer Belges. En vendant son entreprise, Patrick Dubois résout ses problèmes de succession. En optant pour la SNCB, il niche son groupe dans un réseau international intégré surmontant ainsi de manière radicale les aléas des alliances. De son côté, la SNCB fait un grand pas sur le théâtre de la messagerie européenne en entrant enfin sur le marché français.

C'est fait ! La Société Nationale des Chemins de fer Belges a été autorisée par son conseil d'administration à prendre, via sa division ABX Logistics, le contrôle du groupe Dubois. Elle s'apprête à en racheter « au moins 50 % directement », indique Etienne Schouppe, directeur général de la SNCB. Lequel annonce également l'acquisition de la majorité de l'entreprise portugaise Eurofrete (9,97 millions d'euros soit 65,4 MF de CA) et du groupe italien Saima Avandero (511 millions d'euros soit 3,3 MdFde CA). Ce dernier possédant lui-même 41 % des parts de Dubois, la SNCB contrôlera au moins 91 % du groupe lillois. « Ce qui permettra à notre alliance stratégique industrielle et commerciale (conclue fin août cf. L'OT n° 2042) de perdurer sans problème », se félicite Patrick Dubois, P-dg de Dubois qui a réalisé un chiffre d'affaires net de 2,8 MdF pour un résultat net de quelque 10 MF en 1998. « Grâce à ABX, nous avons la volonté de reconstituer, en mieux et plus fort, l'alliance E1. Une union dont Dubois et Saima Avandero étaient les initiateurs il y a quatre ans et qui comprenait Dan Transport et Nedlloyd ». Les liens capitalistiques noués entre les quatre partenaires l'année dernière n'ont pas suffi pour résister aux bouleversements qui ont secoué depuis la messagerie européenne (cf. encadré « Résumé des épisodes précédents »). « Afin d'éviter les écueils de notre expérience précédente, il devenait indispensable de nous adosser directement, et non par filiales interposées style E1 France, à un groupe », explique Patrick Dubois.

Succession oblige. Mais le P-dg avoue que ce sont aussi des raisons de succession qui l'ont « obligé » à céder son groupe : « Les lois fiscales rétrogrades et pénalisantes pour les entrepreneurs privés importants en France m'obligent aujourd'hui à vendre à court terme. Je ne peux ni donner à mes successeurs, ni prendre la retraite à laquelle je pourrais pourtant prétendre à 63 ans. » Patrick Dubois reste président du groupe après sa vente et ce, « pour le temps qu'il faudra ». Il affirme avoir rapidement opté pour ABX Logistics « dont la structure d'accueil et les moyens importants sont, me semble-t-il, les meilleurs pour assurer la pérennité de notre groupe et de nos développements futurs ».

Il se satisfait ainsi de la complémentarité existant entre Dubois et son repreneur qui, « contrairement à la plupart des grands groupes européens, n'est pas installé en France ». L'intégration du messager français dans le groupe belge devrait donc faire sans restructuration « sociale ». Contrairement à ce qui aurait pu se passer si Dubois s'était vendu, par exemple, à Schenker (candidat à la reprise) qui dispose déjà d'implantations en France.

Patrick Dubois se félicite aussi de la dimension à la fois internationale et « globale » d'ABX qui devient ainsi un acteur crédible sur un marché devenu mondial. La division transport et logistique de la SNCB s'enorgueillit d'avoir atteint son ambition de « figurer parmi les dix premières sociétés de transport sur le marché de la logistique internationale » et d'être « numéro cinq en Europe ».

16 MdF de chiffre d'affaires. Ses récentes acquisitions lui permettent de porter son chiffre d'affaires de 1,63 milliard d'euros (10,7 MdF) en 1998 à 2,4 milliards d'euros (16 MdF). ABX est présente de manière plus ou moins forte sur tous les secteurs du transport. Ses activités colis (140 MF de chiffre d'affaires) et express (50 MF de CA) sont quasi anecdotiques. La logistique et les charges complètes pesant respectivement pour 1,87 MdF et près de 1 MdF. Mais l'essentiel de ses activités se concentre sur l'oversea (plus de 5 MdF de CA) et l'Eurocargo (messagerie nationale et européenne) qui représente de 7 MdF de chiffre d'affaires. C'est sur ce dernier créneau que le réseau européen d'ABX est le plus complet à la suite des rachats réalisés ces dernières années. La Belgique est directement couverte par ABX. Les Pays-Bas et Irlande le sont par le Néerlandais Kirsten Hunik ; l'Espagne et la Suisse par Thyssen Haniel. Le Portugais Eurofrete vient renforcer la présence du groupe belge dans la péninsule ibérique tandis que Dubois et Saima Avandero lui permettent de pénétrer la France et l'Italie, soit « le coeur de l'Europe ». Candidat malheureux à la reprise de Mory (et de quelques autres messagers français), ABX doit être particulièrement satisfait d'avoir enfin mis un pied dans l'Hexagone.

Mais l'acquisition de Dubois ne calme pas ses ambitions sur le marché français : il est candidat à la reprise du Sernam, la division colis de la SNCF. Selon Jean-Louis Dermaux, directeur général d'ABX, celle-ci « viendrait compléter la couverture, aujourd'hui insuffisante, du groupe Dubois dans l'Hexagone ». Si le groupe belge n'affiche pas d'autres ambitions en Europe, sa direction admet que certaines zones géographiques sont encore peu ou mal couvertes : l'Autriche, la Grande-Bretagne, la Scandinavie. C'est probablement de ce côté que s'aiguisent ses appétits.

Opacité. De quel budget dispose ABX encore pour étoffer sa toile ? Combien a-t-elle déjà dépensé ? Les chiffres restent secrets. Seule indication : le conseil d'administration de la SNCB lui a accordé une enveloppe de 300 millions d'euros (2 milliards de francs) pour financer ses investissements. Les résultats d'ABX font l'objet de la même discrétion. « Les entreprises rachetées sont bénéficiaires comme le sont les autres sociétés du groupe. Seul Bahntrans (repris l'année dernière) pose encore problème. Mais ses chiffres repasseront dans le noir en fin d'année prochaine », assure la direction de la division transport/logistique de la SNCB sans plus de précision. D'ici là, ABX Logistics aura peut-être été dotée d'une structure juridique propre. Ce qui permettra « organisation internationale et contrôle » des sociétés qu'elle chapeaute. Lesquelles sont pour l'heure juridiquement et financièrement directement rattachées à la SNCB. Une telle réorganisation « ne fera que conforter notre philosophie "think global, act local". Elle signifie une large autonomie pour les sociétés du groupe assortie de systèmes de contrôles efficaces pour assurer la cohésion de l'ensemble », promet la direction d'ABX. Elle admet néanmoins que l'ensemble de ces entreprises devront à plus ou moins long terme perdre leurs couleurs et appellations d'origine pour adopter celles d'ABX Logistics.

A retenir

> ABX Logistics, division transport et logistique de la Société nationale des Chemins de fer Belges, va contrôler au moins 91 % de Dubois.

> Le groupe Dubois a réalisé un chiffre d'affaires net (hors douane) de 2,8 Mdf en 1998 pour un résultat net d'environ 10 MF.

> ABX vient d'acquérir une majorité des parts de l'Italien Saima Avandero (3,4 MdF de CA) et a signé une lettre d'intention pour prendre le contrôle du Portugais Eurofrete (65 MF de CA).

> L'ensemble des acquisitions d'ABX porte son chiffre d'affaires cumulé à plus de 16 MdF dont 7 MdF en messagerie (Eurocargo).

Patrick Dubois
Heureux ?

C'est «sans états d'âme» que le P-dg de Dubois affirme confier l'avenir du groupe (créé en 1912 par son grand-père) à la SNCB, entreprise à la fois publique, étrangère et ferroviaire. Des caractéristiques qui auraient rebuté plus d'un transporteur français... mais pas Patrick Dubois qui affirme : « ABX est très heureusement géré comme toute autre grande entreprise privée ». Il affiche en outre une certaine affection pour la Belgique et revendique sa « culture chemin de fer » : « Nous sommes d'origine groupeur ferroviaire. Mon père et moi-même avons toujours entretenu les meilleures relations avec les éminents responsables de la direction régionale et commerciale fret du groupe SNCF. J'oserais me définir comme un Calberson privé ! ». Son attachement à la compagnie ferroviaire est d'ailleurs tel qu'il soutient vivement la candidature d'ABX à la reprise du Sernam, la division colis de la SNCF

Résumé des épisodes précédents

Avant d'être absorbé par ABX, le groupe Dubois s'est efforcé en vain de se doter de partenaires stables en Europe.

La coopération entre Dubois, Saima Avandero, Nedlloyd et Dan Transport sur le marché de la messagerie débute en 1993. Elle est consolidée en mai 1998 avec la cession de 41 % du capital de Dubois à ses trois partenaires via une holding. En septembre 1998, l'union des quatre groupes est formalisée avec la création de l'alliance E1.

En mars 1999, Nedlloyd est repris par Deutsche Post/Danzas. Ce dernier est alors partenaire de DFDS, concurrent direct de Dan Transport... jusqu'à ce que les deux entreprises fusionnent et que Danzas lance une OPA sur un autre scandinave : ASG. Pour E1, reste alors à trouver un remplaçant à Nedlloyd. Saima et Dubois s'allient en août à ABX Logistics...

Histoire belge ?

Étienne Schouppe, administrateur délégué de la SNCB et président d'ABX Logistics, est actuellement sous le coup d'une inculpation pour escroquerie. Les bilans de la compagnie ferroviaire auraient en effet été arrangés pour dissimuler des pertes. Étienne Schouppe n'en conserverait pas moins la confiance du conseil d'administration de la SNCB comme du gouvernement belge. Selon Le Lloyd du 25 septembre, celui-ci s'inquiéterait tout de même des libertés de gestion prise par l'administrateur délégué de la SNCB. Au point que l'incident pourrait inciter la Belgique à réformer le statut de ses entreprises autonomes publiques. But de l'opération : accroître le pouvoir de l'État dans leur gestion comme dans le contrôle de l'affectation des fonds. Une démarche pour le moins originale dans une Union européenne prônant la libéralisation et le désengagement de l'État de certains secteurs.

Si le projet de réforme va à son terme et qu'ABX ne gagne pas son indépendance vis-à-vis de la SNCB... Dubois sera quasi directement sous le contrôle de l'État belge. D'ici là, Étienne Schouppe, qui a fait part de son opposition à une telle évolution, aura démissionné.

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