Un coup pour rien !

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Le 20 septembre, les conducteurs grévistes de Mis Soraldis et de la Citaix mettaient fin à leur mouvement de blocage de dépôts pétroliers du Sud-Est. Après cinq jours de barrages qui, malgré les efforts de la CFDT, n'ont pas débouché sur une extension du conflit à l'ensemble du secteur du transport d'hydrocarbures. Reste, au bout du compte, deux négociations à mener au sein de sociétés dont les représentants syndicaux dénoncent la politique salariale. Et la prochaine tenue d'une table-ronde sur... les transports de matières dangereuses.

La CFDT n'est pas parvenue à « embraser » le secteur des transports d'hydrocarbures. Les barrages qui bloquaient plusieurs raffineries du Sud-Est de la France ont été levés le 20 septembre. Néanmoins, le travail n'avait toujours pas repris, le lendemain, dans les deux entreprises à l'origine du mouvement. Une centaine de chauffeurs de la Citaix (13) et une cinquantaine de la société Mis Soraldis (69) - filiale du groupe Dentressangle - avaient respectivement cessé le travail les 13 et 15 septembre derniers. Les grévistes, soutenus par la CFDT, dénoncent la modification de leurs conditions de rémunération et l'absence d'une reconnaissance de leur spécificité. Pendant cinq jours, ils ont bloqués plusieurs dépôts pétroliers des Bouches-du-Rhône, du Var et du Rhône, soutenus par quelques conducteurs de la société Zamora, filiale du groupe Giraud basée à La Roquette-sur-Siagne (06). « Ce qui se passe aujourd'hui au sein de Mis Soraldis se produira demain dans les autres entreprises », déclarait le 17 septembre, Eric Mollet, délégué syndical CFDT chez Mis Soraldis. « Nous assistons à une banalisation de notre métier. La politique salariale que souhaite généraliser le groupe Dentressangle à l'ensemble de ses filiales le confirme ». Le 21 septembre, la levée des barrages devant les raffineries de Feyzin, du port Edouard Herriot et du Puget sur Argens (06), était décidée, au lendemain d'une réunion organisée à la préfecture du Rhône. Cependant, le travail n'avait toujours pas repris à Vitrolles (13) au sein de la Citaix et à Sérézin (69) chez Mis Soraldis, dont l'accès était toujours impossible, selon la direction. Sur la centaine de chauffeurs qu'emploie cette société implantée à Marseille, Montélimar, Biarritz et Troyes, quarante sept dénoncent « la décision unilatérale de la direction de supprimer nos avantages acquis ». Une résolution qui s'inscrirait dans le cadre des négociations annuelles obligatoires. « La direction nous a informés individuellement par lettre recommandée, qu'à partir du 1er septembre, elle entendait supprimer les primes de fin d'année, de qualité et la majoration à 50 % des heures effectuées le samedi. En contrepartie, elle envisageait de porter le taux horaire de 44,05 F brut à 48,05 F ». Ce qui, selon le syndicaliste, provoquerait une baisse de salaire oscillant entre 800 F et 1000 F par mois. « Dans ce contexte et dans la mesure où la direction nous impose ses choix, il n'est pas question de négocier ».

Réduction du taux horaire. Le directeur régional de Mis Soraldis, Bernard Murier, déclarait être surpris par ce conflit. « Nous étions en train d'établir un calendrier et une réunion de négociations devait avoir lieu le 28 septembre prochain. » Il observait également « ne pas avoir pas avoir reçu de revendications de la part des grévistes. Dans tous les cas, nous ne négocierons qu'à partir du moment où les salariés non grévistes pourront accéder librement à leur lieu de travail ». Malgré l'intervention d'un médiateur désigné par le tribunal de grande instance de Lyon - saisi en référé pour tenter de débloquer la situation - les deux parties campaient sur leur position le 21 septembre.

Les grévistes de l'agence vitrolaise de la Citaix, implantée en région parisienne et à Chasse sur Rhône (38), dénoncent eux-aussi, une réduction de salaire, laquelle serait liée à une diminution du taux horaire. Ce qui pour Jean-Luc Panayotis, délégué syndical CFDT, occasionnerait une perte nette de 500 F par mois. « La direction a justifié ces réductions par des difficultés de trésorerie. Non seulement elle dit ne pas pouvoir garantir la revalorisation prévue par la convention collective au 1er octobre, mais en outre elle souhaite plafonner nos salaires au minimum conventionnel ». Pendant trois jours, les grévistes ont bloqué l'entrée des quatre dépôts pétroliers implantés autour de l'étang de Berre. Sur décision préfectorale, ces sites ont été libérés par les forces de l'ordre le 18 septembre. Trois jours après, les manifestants n'avaient toujours pas repris le travail, malgré plusieurs tentatives de négociation menée avec la direction, qui se refuse à tout commentaire.

Table ronde à Lyon.C'est à la suite d'une réunion tenue le 21 septembre à la préfecture du Rhône que les raffineries du Rhône et du Var touchées par le mouvement ont été débloquées. Cette table ronde réunissait les représentants régionaux de la Fédération des entreprises de transport et logistique de France (TLF), d'Elf, de la Direction régionale de l'industrie, de la recherche et de l'environnement (DRIRE), de la CFDT, un chef d'entreprise. Y participaient également les administrations de tutelle à savoir la Direction régionale de l'Equipement (DRE) et Direction régionale du travail des transports (DRTT). « L'objet de cette réunion était d'obtenir la garantie d'un salaire décent, en rapport avec les risques encourus par les chauffeurs pétroliers », expliquait Eric Forissier de la CFDT 69. « Il s'agissait également d'aborder le problème de la concurrence déloyale qui sévit dans le secteur du transport d'hydrocarbures. Les prix, de plus en plus bas, ne permettent pas de rémunérer les chauffeurs à la hauteur de leur qualification ». A l'issue de cette réunion, ce dernier affirmait avoir obtenu des garanties orales - dont il ne souhaitait pas communiquer le détail - de la part de la DRE et du représentant de Elf. Ce dont s'étonne Raphaël Malleval, délégué régional de TLF : « Cette rencontre a donné lieu à un simple échange de vues, assorti de déclarations très générales. Il n'y a eu ni négociation, ni engagement de quelque nature que ce soit, contrairement à certaines informations données par les médias. » Un « malentendu » qui risque de se reproduire lors de la table-ronde nationale dont le principe a été retenu par le ministre des Transports. Pour la CFDT, cette rencontre - dont la date n'a pas été fixée - devrait, en effet, aboutir à une reconnaissance de la spécificité du métier de conducteur routier « citernier ». L'administration de tutelle évoquant pour sa part un débat consacré au secteur du transport de matières dangereuses.

L'analyse de l'ATMD et de TLF
« Un échec cuisant pour la CFDT »

« C'est un échec cuisant pour la CFDT. L'extension du conflit n'a pas eu lieu. Le blocage a été très médiatisé, les décisions prises par les préfectures des Alpes-Maritimes et du Var de rationner le carburant ont contribué à instaurer un climat de panique. Le gouvernement a pris peur. Il a voulu calmer le jeu en annonçant la tenue d'une table ronde dont la date n'a toujours pas été fixée », analyse Jean de Chauveron, vice-président délégué de l'Association française du transport de matières dangereuses (ATMD). « Chez Citaix, le conflit n'a concerné qu'un site sur les trois que possède cette société. Une partie du personnel de l'agence de Vitrolles s'est opposée à un réaménagement des horaires accepté par la CFDT dans les deux autres implantations. » En tout état de cause, souligne Jean de Chauveron, « il s'agit d'un conflit propre à la renégociation d'accords dans deux entreprises ». « Les conducteurs de citernes sont plus privilégiés que certains de leurs confrères », note-t-il également. « Le temps de travail est moins important, les rémunérations sont plus élevées, se situant bien souvent au dessus des barèmes de la convention collective. D'ailleurs, il y a une relative stabilité du personnel dans ce secteur ». Toutefois, le vice-président délégué de l'ATMD admet « qu'avec la hausse des salaires conventionnels, le différentiel qui existait à tendance à se réduire. »

Pour Alain Fauqueur, président de la commission route de TLF et directeur général de Giraud, « ce mouvement localisé ne traduit nullement un malaise social dans la profession même si les citerniers ont peut-être l'impression que leurs salaires devraient évoluer plus rapidement en raison de leur qualification ». Quelques syndicalistes de Zamora - filiale du groupe Giraud - ont apporté leur soutien au mouvement « au titre de la solidarité syndicale », reconnaît Alain Fauqueur, mais « ils n'ont exprimé aucune revendication propre à l'entreprise, aucun camion n'y a participé et aucune grève n'est intervenue dans cette société ». Quant à la présence du représentant régional de TLF à la réunion lyonnaise du 21 septembre, elle s'explique par la volonté « de répondre à une demande de discussion entre les transporteurs, les conducteurs et les chargeurs sur les conditions d'exploitation dans les raffineries. La politique de la chaise vide n'est jamais la bonne ».

L'analyse de la CFDT et de FO
« L'expression d'un malaise national »

La Branche route de la CFDT s'est montrée, tout au long du conflit, solidaire de ses délégations régionales impliquées le mouvement des conducteurs grévistes. « Sans toutefois mettre de l'huile sur le feu, nous les avons soutenues car nous considérons que ce conflit local est le reflet d'un malaise national », affirme François Yverneau, secrétaire fédéral de la CFDT Branche route. « La profession exige des conducteurs de matières dangereuses qu'ils reçoivent des formations très pointues (APTH) où l'on insiste beaucoup sur la sécurité. En retour, les entreprises ne leur offrent aucune reconnaissance. A coefficient identique, un conducteur peut transporter de la marchandise générale ou du carburant, il percevra la même rémunération », avance le syndicaliste. Le 23 septembre prochain, lors de la prochaine réunion de la commission paritaire, initialement consacrée aux salaires, la CFDT souhaite aborder le sujet des qualifications. « Il faut procéder par étape, explique François Yverneau. Tout d'abord, achever la négociation sur les classifications puis, dans un second temps, s'attaquer aux qualifications. Il s'agit d'élaborer une hiérarchie susceptible d'identifier les chauffeurs les plus compétents de part leur niveau de formation. »

Pour Force Ouvrière, en revanche, les qualifications ne sont pas le sujet prioritaire. « Le problème de fond, ce sont les salaires. L'accord de 1997 n'est pas bon. Au 1er octobre prochain, au coefficient 150 M, un conducteur percevra un salaire de 9 500 F pour 200 heures, soit un taux horaire de 45,78 F. Est-ce bien raisonnable ? », s'interroge Roger Poletti, secrétaire général de FO Transports

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