« Comment concilier la marche forcée vers les 35 heures avec le projet de directive européenne prévoyant 48 heures de travail en moyenne sur six mois ? », s'interrogeait Jean-Louis Amato, président de l'Unostra, le 17 septembre dernier à Marseille. « Se pose aujourd'hui la question de la cohésion européenne. Pour préserver la compétitivité des entreprises, il faut donner un véritable sens à l'harmonisation », affirmait-il. « Les pratiques sociales sont au coeur de la concurrence inadmissible que nous livrent les pays de l'Est avec la complicité de nos voisins allemands ». D'où la nécessité d'une orientation politique « clairement définie » en la matière. « Sinon, ce que l'on tolère actuellement des Allemands ne pourrait être interdit, demain, aux autres pays ». C'est pourquoi le président de l'Unostra sollicite une adaptation, pour le personnel roulant, de la loi sur les 35 heures. Un dispositif qu'il considère comme une « régression sociale », du fait de la baisse des salaires liée à la suppression des heures supplémentaires et à la diminution des frais de route. « Le système franco français est allé aux frontières du possible. Il faut désormais envisager un système de régulation européen cohérent dans les domaines économique, réglementaire, fiscal et social ». Faute d'une telle démarche, « les entreprises françaises auront l'alternative entre réduire leur compétitivité pour respecter la loi française ou se mettre dans l'illégalité. L'harmonisation est une question fondamentale et stratégique pour leur avenir ».
Matraquage fiscal. Les distortions s'avèrent d'autant plus inquiétantes que des rumeurs concernant de nouveaux alourdissements fiscaux planent sur la profession. « On entend parler d'écotaxes, d'augmentation du prix des péages, de taxes spécifiques s'ajoutant à la fiscalité générale déjà très lourde », constatait Jean-Louis Amato. Il dénonçait également les procès d'intention faits au transport routier depuis l'accident du Mont-Blanc. « Notre profession a subi des attaques sans précédent. Pourtant, nous ne sommes pas responsables du laxisme dont ont fait preuve les gestionnaires de cette infrastructure. » Une occasion pour dénoncer à nouveau le dispositif de régulation mis en place au tunnel du Fréjus. « Le détournement occasionne un surcoût parfois insupportable, notamment pour les transporteurs savoyards. Si l'on y ajoute des mesures de discrimination, la situation devient intolérable pour les entreprises comme pour les chauffeurs, parqués dans une réserve à 70 km du tunnel ». Aussi qualifie-t-il de « provocateur », le projet gouvernemental visant à instaurer une taxe en vue de financer la construction d'un tunnel ferroviaire. « Nous avons toujours été favorables au partage modal pour le franchissement d'obstacles naturels, mais nous refusons qu'il se fasse aux frais des transporteurs ». En revanche, Jean-Louis Amato ne se dit pas opposé à une régulation tarifaire au Fréjus dès lors que les transporteurs bénéficieraient d'un réel choix modal dans les Alpes. Réponse du ministre des transports, Jean-Claude Gayssot : « Il n'est pas question de faire payer les transporteurs pour développer le rail-route. » Au regard des préoccupations environnementales, Jean-Louis Amato se dit plus que jamais persuadé de la pertinence d'une coopération entre le rail et la route. « Cependant, nous ne sommes pas responsables des défaillances du rail. Les reports de trafic sont insignifiants du fait de l'incapacité des réseaux ferroviaires à proposer des services de qualité. La SNCF enregistrera cette année une baisse de ses trafics de 5 %. Seule sa compétitivité - et non pas les taxes sur le transport routier - la sauveront ».
Assainir toujours et encore. Dans les domaines du social et de l'économie, Jean-Louis Amato s'est félicité des avancées liées au Contrat de progrès et à l'arsenal de textes dont s'est doté le secteur. Avec une mention toute particulière pour le renforcement des conditions d'accès à la profession, celui des contrôles et l'instauration de sanctions plus pertinentes. « Il convient de poursuivre dans cette voie de l'assainissement de la profession. Les transporteurs qui font du "hors norme" un mode de gestion déséquilibrent le marché et détériorent les marges des entreprises ». Cependant, il mettait en doute la réelle application du dispositif d'immobilisation immédiate des véhicules en cas d'infractions graves. Une carence qui pourrait être liée à « l'intervention de groupes de pression dont le but est de retarder, voire de faire annuler, cette disposition ». Ce qu'a démenti Jean-Claude Gayssot, chiffres à l'appui : sur 750 000 contrôles organisés en 1998, 42 500 véhicules français et étrangers ont fait l'objet d'une immobilisation immédiate pour des infractions relatives à la surcharge et à l'état du véhicule (plus de 10 000), aux conditions de travail (16 483) et au défaut de visite technique (5489). « Comparativement au premier semestre 1998, soulignait le ministre, le nombre de véhicules immobilisés lors du 1er semestre 1999 a augmenté de 11 % ».