Deux stratégies pour un marché en crise

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Offre pléthorique, tensions tarifaires, segmentation, concentrations : le marché français de la messagerie affronte un regain de tension économique. Dans ce contexte, le groupe Heppner, dont les comptes virent pour la première fois au rouge en 1998 et le réseau de franchisés France Etoile dévoilent simultanément leurs stratégies. Parfois divergentes, parfois parallèles, elles apportent deux réponses possibles au même impératif : survivre et se développer, avec le même fatalisme côté tarifs.

« La messagerie française ne parvient pas à offrir une marge de rentabilité suffisante. Le problème : les envois sont facturés au poids », déplorent en choeur Jean Schmitt, P-dg d'Heppner, et Roland Vassart, P-dg de Régis Martelet et gérant du réseau France Étoile. « Un sondage réalisé auprès d'une dizaine de sociétés de messagerie montre que le poids moyen au mètre cube est descendu au dessous de 100 kg », précise le premier. Pourquoi ne pas changer le critère de facturation ? Réponse : « Parce qu'il restera toujours des entreprises qui ne joueront pas le jeu et casseront les prix. » En attendant que le marché s'assainisse, les messagers font les frais de la surchauffe de l'offre et s'adaptent.

Le premier déficit d'Heppner. Heppner accuse, pour l'exercice 1998, son premier résultat net déficitaire : 6,5 millions de francs pour un chiffre d'affaires de 1,758 milliard de francs en hausse de 8 %. Cette « petite » perte est largement attribuée à la dégradation continue de la marge de rentabilité en messagerie nationale. C'est la seule activité du groupe à avoir enregistré un léger tassement de son chiffre d'affaires l'année dernière (2,8 %). C'est aussi celle qui a absorbé la plus grande partie des 35,5 millions de francs investis en 1998. « Depuis un an, nous procédons à une profonde réorganisation, sans effet sur les effectifs, de la messagerie nationale », explique Jean Schmitt.

Objectif qualité. Pour retrouver un peu de rentabilité sur cette activité, le groupe mise sur la qualité avec notamment une plus grande transparence des flux d'informations grâce à des liaisons EDI, des codes-barres colis et la mise en place d'un accès direct via Internet à l'ensemble de ce système tracing-tracking. Il procède également à une modernisation et une rationalisation de ses agences. Parallèlement, Heppner s'apprête à ouvrir (en septembre prochain) une nouvelle plate-forme à Gonesse (Ile-de-France). Laquelle est annoncée comme « la synthèse des innovations en matière de qualité et de productivité ».

Des aspects sur lesquels table également le réseau France Étoile qui a investi plus de 3 millions de francs dans un logiciel informatique maison. Le nouveau système a permis le démarrage d'un centre serveur en début d'année. Il autorisera prochainement le contrôle et l'application de pénalités à la soixantaine d'adhérents, en cas d'anomalies de livraisons.

Si la vocation de France Étoile reste la messagerie rapide dite « non nommée » (tout ce qui n'est pas colis, palettes ou lots), la marque entend se spécialiser sur trois créneaux : le fret sensible, la grande distribution et les produits dangereux conditionnés. Une manière d'apporter une nouvelle valeur ajoutée aux prestations de ses adhérents. « Il n'est pas impossible que France Étoile développe à son niveau une certaine présence commerciale auprès des grands comptes », envisage en outre Roland Vassart.

Réorganisation.Pour France Étoile, la crise de la messagerie française pose un autre problème : « Nombre d'entreprises du secteur ont disparu. Elles ont généralement été remplacées, mais le profil est différent. Au début, nos adhérents étaient quasi exclusivement des petits transporteurs départementaux indépendants. Aujourd'hui, le réseau s'est ouvert à des entreprises plus importantes : Rochais-Bonnet et Rivoire (du groupe Ziegler), une filiale Gefco... De gros messagers « intégrés » ont dû fermer leurs agences dans certaines régions et s'intéressent désormais à des structures souples comme la nôtre », explique Roland Vassart. Revers de la médaille : les adhérents de France Étoile sont libres de partir et de répondre à l'offre d'alliance (ou de rachat) d'autres messagers. Ce qui peut s'avérer gênant quand il s'agit de membres importants comme les sociétés propriétaires et gérantes des plates-formes du réseau. Pour mieux « s'attacher » ces derniers, le capital de la société de franchise est en train d'être ouvert. Au terme de cette opération, Roland Vassart et Jean-Jacques Morel (fondateurs et gérants de France Étoile et de quatre de ses plates-formes et auparavant uniques actionnaires), conserveront à eux deux la majorité des parts tandis que Arcatime (gérant de l'Étoile de Tours), Prévoté (Soissons) et Blanc-Samatra (Paris) se partageront le solde.

La carte de l'Europe.« France Étoile en tant que tel couvre seulement l'Hexagone, mais il dispose d'une ouverture européenne avec Strex, société constituée à parts égales par Régis Martelet et l'Allemand Streck et qui chapeaute le réseau Eurex. Celui-ci s'étend à l'Allemagne, l'Autriche, la Suisse, les pays de l'Est, l'Espagne, le Benelux et bientôt la Grande-Bretagne », annonce Roland Vassart.

Côté Heppner, la carte Europe s'avère déjà gagnante. « La messagerie européenne est l'un des grands sujets de satisfaction », déclare Jean Schmitt. Avec un chiffre d'affaires de 515 millions de francs en hausse de 10 %, elle devient la première activité du groupe et son résultat serait en progression de 75 %. « Ceci dans un cadre de bouleversements considérables », déclare Jean Schmitt avant de se féliciter de résister vaillamment à la tourmente. « Alors que certains en sont encore à rechercher des solutions de partenariats, nous nous sommes tricoté une cote de maille depuis trente ans. Notre réseau constitué avec de grands leaders régionaux est solide. Autre avantage : il est particulièrement puissant en Allemagne, premier partenaire commercial de la France et où il n'est pas facile de trouver une solution globale puisque les transporteurs sont répartis en fonction des régions fédérales, ou Länder. Heppner y dispose de 40 agences (dont 8 en propre) », explique-t-il. Mieux : ces partenaires étant de taille comparable à celle d'Heppner, « ils ne sont pas suffisamment en première ligne pour être dans la cible des prédateurs (alias les postes européennes. N.D.L.R.) et ils sont de toutes façons suffisamment nombreux pour que si l'un s'en va, l'effet reste marginal. Les mailles sont suffisamment petites pour que le tissu ne se défasse pas au moindre accroc ».

Actuellement établis sur une base bilatérale, ces partenariats européens devraient se développer dans une alliance plus structurée dès l'année prochaine. Buts affichés : « Concurrencer sans complexe les grands groupes et proposer une offre pan européenne à nos clients avec approche marketing commune, développement de moyens d'informations communs et développement de produits communs. » Processus dont Heppner est familier notamment à travers les réseaux System Plus auquel il adhère depuis quelques semaines et DPD dont il est l'un des franchisés français avec notamment Régis Martelet.

France Étoile
Mode d'emploi

Le réseau France Étoile est né il y a une quinzaine d'années sous l'impulsion de Roland Vassart, P-dg de Régis Martelet (21) et de Jean-Jacques Morel, P-dg de Transnormandie (76). Il regroupe aujourd'hui une soixantaine de franchisés. Toute adhésion est soumise à l'agrément des membres opérant sur la zone géographique concernée. Elle ouvre un accès aux sept Étoiles du réseau. Ces plates-formes sont gérées par des sociétés membres: Régis Martelet à Dijon, Toulouse et Avignon, Transnormandie à Lyon, Prévoté à Soissons, Arcatime (groupe Le Calvez) à Tours et Blanc-Samatra en région parisienne (depuis avril 1998). Ces cinq « Étoilés » participeront prochainement au capital de la société de franchise actuellement détenu exclusivement par ses fondateurs.

En échange de l'utilisation de leur(s) plate(s)-forme(s), ils perçoivent un « péage » pour chaque passage à quai et en reverse un certain pourcentage à la société de franchise pour l'utilisation de la marque. Ce sont les Étoiles qui autofinancent les investissements. « Ce qui ne pose pas de problème puisque toutes gagnent de l'argent », assure Roland Vassart. En 1998, le réseau France Étoile a accueilli près de 170 000 millions de tonnes de fret. Avec 74 700 t à fin mai 1999, il enregistre une hausse de 3,65 % par rapport à la même période de l'année dernière.

Postes française, allemande, suédoise...
Heppner face aux « prédateurs »

Réfugié dans un solide réseau européen « tricoté depuis trente ans » avec des entreprises qui ne sont pas suffisamment grandes « pour être dans la cible des prédateurs », Heppner n'est pas complètement à l'abri des assauts que livrent ces derniers (autrement dit les postes européennes) sur le marché. Le groupe français et certains de ses partenaires européens viennent d'ailleurs de déposer un recours auprès des instances européennes sur la régularité des pratiques de ces entreprises publiques au regard de leur position dominante et de l'origine des fonds qui financent leur croissance.

Heppner est bel et bien touché et c'est avec quelque impatience que le groupe français attend la fin du feuilleton « Poste suédoise contre Deutsche Post pour la reprise d'ASG ». Cette dernière entreprise est, en effet, partenaire d'Heppner sur ses trafics franco-scandinaves comme au sein de System Plus. L'affaire ASG devrait se solder par une prise de contrôle de la poste suédoise avec qui il faudra de toute façon renégocier les alliances. En tant qu'actionnaire et franchisé de DPD France, Heppner - comme Régis Martelet, Dubois, Logistrans, STG, Rochais Bonnet - est aussi impliqué dans les fiançailles tumultueuses nouées entre La Poste française et le réseau monocolis. Les discussions entamées en début d'année pour la partie hexagonale de réseau n'ont pas encore abouti. Elles devraient reprendre quand La Poste aura atteint ou perdu ses ambitions outre-Rhin. Celle-ci s'acharne en effet pour l'heure à acquérir le contrôle de DPD Allemagne en en reprenant certains membres. Après avoir racheté Denkhaus, elle vient de racheter les branches colis de Birkart et Interspe. Ce qui porte à 42,2 % sa participation. Mais elle en vise 75 %. Le feuilleton n'est pas fini.

Heppner en 1998
Une progression déficitaire

Avec un chiffre d'affaires de 1,758 milliard de francs en hausse de 8 % en 1998, le groupe Heppner confirme « sa trajectoire de croissance qui va lui permettre d'atteindre le cap des 2 milliards en 2000 » et de doubler ainsi en 10 ans son volume d'affaires.

Si « le résultat n'a pas suivi » avec un déficit net de 6,5 millions de francs en 1998 (contre 7,8 MF de bénéfices en 1997), c'est surtout en raison des mauvaises performances réalisées en messagerie nationale (CA en recul de 2,8 % et problème de rentabilité), mais également de quelques mouvements de clientèles inattendus et coûteux en logistique. Une dernière activité dont le chiffre d'affaires a malgré tout globalement progressé de 14 %. Participent également au déficit 1998 les 35,5 MF d'investissements réalisés (contre 36,8 MF en 1997). Lesquels « s'inscrivent dans un ensemble d'équilibres financiers respectés » avec 13,5 MF de marge brute d'autofinancement et 131 MF de fonds propres pour un endettement de 42 MF.

Tout ne va d'ailleurs pas si mal puisque la messagerie internationale voit progresser son chiffre d'affaires (10 %) comme son résultat (75 %) et devient le premier pôle d'activités du groupe.

Autre progression notable : celle de l'affrètement national qui enregistre + 20,2 % en chiffre d'affaires comme en résultat. Les activités PECO (Europe Centrale), Euromed (Maghreb) et Overseas (aérien et maritime), regroupées dans le pôle International, ont enregistré des croissances respectives de 80 %, 68 % et 16 %.

Le monocolis, avec DPD, a également amélioré son chiffre d'affaires (13,2 %) « avec une forte accélération au cours des derniers mois 1998 ». Si sa rentabilité est « encore négative », elle « tend à l'équilibre », assure Jean Schmitt, P-dg du groupe Heppner. « En 1999, l'activité a été extrêmement faible en particulier en janvier et février. Depuis mai, elle semble repartir et nous sommes revenus à un niveau de rentabilité satisfaisant sauf en messagerie nationale », constate Jean Schmitt.

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