S'exiler ou ne pas s'exiler ?

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D'un côté Masuy (650 MF de CA), de l'autre Gazeau (40 MF de CA). Leur point commun : ces entreprises de transport françaises disposent de filiales à l'étranger. Réunis dans le cadre d'un débat organisé par TLF Ouest, leurs dirigeants témoignent des gros avantages et petits inconvénients d'un tel exil.

7 000 F en Espagne, 20 000 F en France, c'est ce que pèse mensuellement l'ensemble des taxes par poste de travail dans les entreprises de transport selon Jean-Claude Kintzinger, P-dg de Masuy, un groupe constitué de 12 sociétés dont deux filiales en Belgique et deux en Espagne. Tout en admettant qu'il est difficile, en l'absence d'harmonisation fiscale, d'opérer une stricte comparaison entre les comptes de sociétés de différents pays, Jean-Claude Kintzinger se livre à quelques estimations : « 50 centimes de différence sur un litre de carburant, c'est 17 000 F pour 3 400 litres. En y ajoutant les 12 000 F de taxe professionnelle française, c'est déjà 29 000 F de plus pour une entreprise française ». Côté charges sociales, « le différentiel entre la France et l'Espagne atteint 14 points. Sur 130 000 F de salaire annuel plus les charges soit 200 000 F, un salarié hexagonal coûte ainsi 25 000 F de plus à son employeur ». Mais attention au mirage des chiffres. « Il existe bien des différences au niveau charges sociales entre les pays comme la France et le Portugal. Mais cela peut cacher d'autres handicaps. Au Portugal, les salariés sont très protégés. Un conducteur embauché pour 15 jours doit être payé 2 mois », avertit Richard Gazeau des Transports Gazeau (49), qui réalise près de la moitié d'un CA annuel de 40 millions de francs avec une filiale portugaise.

« Il est clair que s'installer sur un marché comme l'Espagne n'est pas évident. D'abord en raison du barrage de communication que constituent tant la langue que la culture. Nous avons toutefois pu constater une nouvelle volonté chez les Espagnols de prouver qu'ils font partie de l'Europe », constate Jean-Claude Kintzinger. En revanche, « au Portugal, il faut deux mois pour obtenir une ligne téléphonique, deux ans pour un permis de construire et les règles sociales et fiscales sont au moins aussi compliquées qu'en France. Impossible de s'en sortir sans aide locale », témoigne Richard Gazeau qui souligne : « Une implantation à l'étranger coûte beaucoup de temps et d'argent au point que même si le chauffeur portugais coûte moins cher à la fin de l'année, on ne gagne rien. Si elle peut paraître judicieuse pour des motifs financiers, cette démarche ne peut être couronnée de succès si elle n'est pas assortie de plans commercial et technique. »

Les clients d'abord. C'est dans le sillage de leurs clients industriels de la chaussure que les Transports Gazeau ont découvert le Portugal il y a 25 ans. « Nous sommes une petite structure (58 salariés) et il ne nous est pas facile d'être là bas commercialement. Dans un premier temps, nous nous limitions à faire des séjours au Portugal, puis nous avons travaillé en collaboration avec un transporteur local. Ensuite, nous avons racheté les parts de notre associé portugais », explique Richard Gazeau qui se félicite des avantages de cette formule : « Auparavant, les conducteurs étaient 8 ou 15 jours absents. Aujourd'hui, ils rentrent chez eux tous les soirs grâce aux relais que nous avons pu mettre en place et qui sont d'ailleurs devenus une nécessité économique et sociale. Sans cette implantation, nous devrions avoir des conducteurs au Portugal toute l'année. »

Pour Masuy, spécialiste du transport d'hydrocarbures et de produits chimiques, « les industries pétrolières et chimiques connaissent un regroupement phénoménal. Ces gros clients manifestent à la fois de fortes exigences en terme de qualité et de sécurité et une volonté d'externaliser toute leur logistique pour la confier au transporteur. Autant de facteurs qui nous obligent à réduire nos coûts de fonctionnement, donc à augmenter notre chiffre d'affaires. Jusque là adossés à la mer sur une région Grand Ouest, nous aurions pu nous avancer sur le territoire français où une concurrence structurée existe déjà. Nous avons préféré aller chercher cette croissance en Belgique et en Espagne », explique Jean-Claude Kintzinger. Un choix d'autant plus évident que « l'Europe présente de nouvelles opportunités » et que « les pétroliers sont installés dans tous les pays ». Masuy a ainsi pu satisfaire ses clients et en gagner de nouveaux « nationaux voire même internationaux ». Mais avant de parler délocalisation, autrement dit de transfert du siège social à l'étranger, il reste un pas à franchir. « Il n'est pas facile de trouver des trafics intérieurs au Portugal et ce ne sont pas des conducteurs portugais qui viendront faire du Paris-Nantes. Nous sommes un peu trop loin de la frontière pour nous lancer dans ce genre d'aventures », estime Richard Gazeau. Pour Jean-Claude Kintzinger, une délocalisation « n'est pas à l'ordre du jour dans l'immédiat », tant que les impératifs financiers ne l'imposent pas, dans une Europe des Transports encore très éloignée de l'harmonisation sociale et fiscale.

Ouvert sur l'Europe

«Pour nos clients, le marché c'est l'Europe, qui va donc devenir notre marché», déclarait Philippe Chambin, président de TLF Bretagne lors de la réunion débat organisée le 16 juin par TLF Ouest. Une fédération régionale, qui bien qu'excentrée, s'intéresse à l'international. Après avoir posé le problème de la libéralisation du cabotage en 1998, elle abordait cette année, devant une centaine de participants, le thème : « Les transporteurs français tentés par l'exil ? ».

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