Le 29 juin, le loueur de véhicules frigorifiques sans conducteur, Petit Forestier, fera ses premiers pas à la Bourse de Paris. La société de Villepinte plaçera sur le second marché 699 142 actions, soit 14 % de son capital, représentant 73,5 MF. L'opération se déroulera en deux étapes : par augmentation de capital pour 599 878 titres (soit 12 % des parts après augmentation) et par cession de 99 878 titres (2 % du capital). Préparée depuis plusieurs années, l'introduction en Bourse a été décidée en janvier dernier par Yves Forestier et son frère Jean-Claude, président et directeur général, qui détiennent à eux deux la quasi intégralité du capital de l'entreprise. A travers cette opération, cette ancienne société de transport routier entend financer sa croissance en France et à l'étranger tout en confortant sa domination sur le marché hexagonal de la location de véhicules frigorifiques sans conducteur. Une spécialisation qui lui a permis de réaliser l'an passé un chiffre d'affaires de 610,9 MF, en hausse de 33 % par rapport à 1997. Son résultat d'exploitation est ressorti à 99,2 MF, en hausse de 49 %, tandis que ses profits se sont élevés à 38,1 MF (+ 45 %). « Depuis dix ans, nous enregistrons 20 % de croissance par an », explique Yves Forestier, pour qui l'externalisation des flottes en compte propre, la pratique des livraisons en flux tendus, le développement de la restauration collective et l'apparition de nouvelles habitudes de consommation (restauration hors foyer) ont boosté l'activité de son entreprise. « Aussi pouvons-nous compter sur une pluriannualité des contrats (80 % d'entre eux reposent sur de la longue durée), et sur la fidélité de nos clients avec, en 1998, un taux de renouvellement record de 90 % », ajoute le dirigeant. Pour les deux prochaines années, celui-ci anticipe sur une progression annuelle de 15 % du chiffre d'affaires et de 20 % du résultat net. En 2000, le loueur prévoit d'atteindre les 800 MF de chiffre d'affaires pour des bénéfices s'élevant à 55,4 MF.
5 500 références. S'appuyant sur une force de frappe de 8 000 véhicules - 70 % sont des moins de 3,5 t - et sur un réseau composé de 46 agences commerciales et de 3 ateliers techniques intégrés, Petit Forestier (440 salariés) revendique 60 % du marché français de la location de véhicules frigorifiques. Sa stratégie commerciale axée sur les services intégrés (habillement du véhicule, conseil quant à son utilisation, entretien, dépannage et assistance 24 heures sur 24 heures et 7 jours sur 7 jours, etc.) séduit une clientèle très diversifiée (de Fauchon au groupe Flo en passant par Pomona et les grandes enseignes de la restauration collective) représentant quelque 5 500 références dont aucune ne dépasse les 5 % du chiffre d'affaires. « Les transporteurs routiers (essentiellement le groupe Stef-TFE), quant à eux, ne génèrent que 6 % de notre activité », précise Jean-Claude Forestier. « Nous devons désormais davantage prospecter les artisans et les commerçants évoluant en milieu urbain », signale Yves Forestier. Lequel fait remarquer que son entreprise réalise 30 % de son chiffre d'affaires en Ile-de-France. « Notre marge de manoeuvre reste importante quand on sait que, en France, la location ne s'arroge que 30 % des véhicules sous température dirigée et 37 % sur le seul créneau des véhicules de moins de 3,5 t spécialisés en distribution urbaine ».
10 000 véhicules en 2000. Pour mieux capter cette clientèle, Petit Forestier entend poursuivre son maillage sur le territoire français en ouvrant quatre à six nouvelles agences par an. A la fin de cette année, il comptera six implantations supplémentaires, à Saint-Brieuc, Toulon, Troyes, Saint-Jean-de-Luz, Le Mans et Strasbourg. Quant aux investissements programmés cette année sur le parc automobile, ils s'élèvent à 328 MF pour l'acquisition d'environ 1 600 véhicules. En 2000, le parc totalisera près de 10 000 unités.
De quoi permettre à Petit Forestier de conserver son avance sur son principal concurrent, le groupe Fraikin. En 1996, après avoir tenté de mettre la main sur Petit Forestier, celui-ci s'est lancé sur le segment de la location de véhicules frigorifiques en créant une division dédiée, Fraikin Froid (voir encadré). Les 74 millions de francs qui seront levés en Bourse doivent également servir à financer la croissance externe de l'entreprise. L'an passé, le loueur a frappé un grand coup en reprenant, pour 85 millions de francs, Stricher. Un rachat qui lui a permis de mettre la main sur quatre agences en Ile-de-France et sur un parc de 1 000 véhicules, dont 60 % de « frigo ». « Nous conserverons, sans l'étoffer, l'activité produits secs de Stricher. Ponctuellement, cela nous permet de mieux nous positionner sur certains appels d'offre », explique Jean-Claude Forestier.
Représentant actuellement 15 % de son chiffre d'affaires consolidé, Stricher est, selon les dirigeants de Petit Forestier, « un exemple d'intégration ». « Dès cette année, Stricher a contribué aux bénéfices de l'entreprise », affirme Yves Forestier. « Dorénavant, nous allons expertiser les possibilités de croissance externe en France, des loueurs régionaux aux départements de grands groupes ». De la à dire que Petit Forestier est candidat à la reprise de Fraikin Froid, il y a un pas que Yves Forestier se refuse, pour l'instant, à franchir.
Ambitions internationales. L'entreprise devrait en revanche annoncer pour la fin de l'année, une première concrétisation de sa toute nouvelle ambition à l'international. Représentant seulement 3 % de son chiffre d'affaires, l'Europe reste un territoire à conquérir. Installé depuis 1996 au Luxembourg et en Belgique, Petit Forestier compte désormais s'implanter en Italie, en Allemagne et en Espagne, des pays à fort potentiel où le loueur espère tirer bénéfice des effets de la déréglementation de la location. « Etant donné qu'il n'y a pas pléthore d'entreprises à racheter, nous partirons de zéro dans ces pays, comme nous l'avons fait en France vingt-cinq ans plus tôt », indique Yves Forestier.
1913 : fondation des Transports Forestier.
1956 : reprise de la société Petit. Naissance de Petit Forestier.
1965 : diversification dans le transport frigorifique.
1972 : orientation définitive vers la location de véhicules frigorifiques.
1975 : ouverture d'une première agence à Bordeaux.
1996 : premières implantations en Europe (Belgique et Luxembourg).
1998 : acquisition de Stricher.
1999 : introduction en bourse.
Lorsqu'en 1972 Petit Forestier se recentre sur la location de véhicules frigorifiques sans conducteur, personne n'ose vraiment y croire tant cette activité fait figure de niche pour spécialiste. Aujourd'hui, le cercle des opérateurs s'est sensiblement agrandit. Le principal concurrent de Petit Forestier est le groupe Fraikin. Le géant français de la location (18 000 véhicules), coté en Bourse depuis 1995, a créé, en 1996, un département spécial, baptisé Fraikin Froid. Cette division réalise un chiffre d'affaires de 450 MF avec un parc d'environ 4 000 camions, composé essentiellement de gros porteurs de distribution. A l'instar de Petit Forestier, 80 % de ses contrats reposent sur de la longue durée. Le compte propre génère 80 % de son chiffre d'affaires. Fraikin Froid est également présent en Belgique, Espagne, Grande-Bretagne et au Luxembourg.
A l'ombre de ces deux groupes, une poignée de petits loueurs se disputent, en région, le marché de la location de véhicules frigorifiques sans conducteur. Mais, les vrais spécialistes sont rares surtout depuis le rachat de Stricher par Petit Forestier. En région parisienne, Happe Location est un des derniers survivants avec un parc de 500 véhicules. Des loueurs généralistes, tels que CGVL à Lyon ou Transauto à Drancy, proposent également de la location de camions frigorifiques sans conducteur, mais leur taille n'est pas significative. Reste les constructeurs qui se sont lancés sur ce segment. Clovis Location, filiale de France VI (Renault VI), détient une flotte de 1 080 camions frigorifiques tandis que Charterway (360 véhicules), filiale de Mercedes, travaille essentiellement pour Promodès. Ces différentes entreprises n'ont finalement qu'adapté leur offre à une demande croissante du marché : la forte tendance à l'externalisation des flottes notamment chez les industriels, les commerçants, les sociétés de restauration collective et les collectivités locales, la pratique des livraisons en flux tendus et la montée en puissance de la distribution urbaine sous l'impulsion de la restauration hors foyer.
Deux indicateurs illustrent à merveille le boom de la location de véhicules sous température dirigée : en dix ans, le parc français en location a augmenté de 30 % pour totaliser plus de 13 000 unités, soit près de 30 % d'un parc composé de plus de 45 000 véhicules. Autre chiffre significatif : le nombre de véhicules isothermes, frigorifiques et réfrigérants de moins de 3,5 t en location a été multiplié par quatre depuis 1989. Ils sont aujourd'hui 16 000 à circuler en France.