Un poids lourd toutes les 50 secondes

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Moins d'une heure, c'est le temps qu'il aura fallu à Alain Thill, chauffeur des Transports Bogeat (73), pour passer le péage de Saint-Michel-de-Maurienne, le 2 juin dernier. Un record de rapidité puisque, jusqu'à présent, les conducteurs devaient attendre parfois plus de cinq heures. Des délais engendrés par la régulation mise en place par la société concessionnaire du Fréjus, en vue de limiter le nombre de poids lourds dans la rampe d'accès et dans le tunnel.

Autoroute de la Maurienne, aux alentours de 17 h. Stockés sur les deux files, les camions attendent pour franchir le péage de Saint-Michel où deux guichets sont ouverts. Le bouchon s'étend sur moins de deux kilomètres. Aux barrières, les véhicules sont « libérés » toutes les 50 secondes. Ce sont les consignes imposées aux guichetiers par la SFTRF pour limiter à 140/heure le nombre de poids lourds. Aux dires des chauffeurs, rencontrés sur place, « la situation est exceptionnelle, c'est du jamais vu depuis la régulation ». A bord d'un des camions des Transports Bogeat Daniel, implantés à Voglans, Alain Thill s'étonne : avant de quitter Chambéry, il redoutait les conditions d'attente rendues encore plus difficiles avec la chaleur. « Je ne suis jamais passé aussi vite », constatait-il avec satisfaction. Deux fois par semaine, son poids lourd se retrouve généralement coincé à proximité du péage. La société pour laquelle il travaille réalise 90 % de son chiffre d'affaires (19 millions de francs en 1998) avec l'Italie. Le véhicule parti de Chambéry à 16h15 s'est retrouvé bloqué à 17h20. Il a franchi les barrières du péage à 18h05. Une demi-heure plus tard, il atteignait le tunnel du Fréjus qu'il franchissait en un peu plus d'un quart d'heure. Soit 120 kilomètres parcourus en deux heures trente minutes. Si ces faibles temps d'attente étaient exceptionnels pour un mercredi, jour de fort trafic, il n'en a pas toujours été de même : certains chauffeurs ont subi des attentes pouvant durer cinq heures et plus. Une situation qui, le 4 mai dernier, a provoqué la colère de deux chauffeurs, lesquels ont mis leur camion en travers de la chaussée (l'OT 2030).

« La bêtise de la régulation ». Car, cet « entonnoir » est incontournable pour les poids lourds, ceux qui empruntent la RN6 sont obligatoirement déviés par les forces de l'ordre sur l'A43 à hauteur de Epierre. Et la formation de bouchon se fait « naturellement ». Limitation du nombre de véhicules dans la rampe d'accès au tunnel oblige « pendant les quinze jours qui ont suivi la catastrophe du Mont-Blanc et avant que ne soit mis en place le système de régulation, nous n'avons jamais été bloqués. Le trafic était certes plus important, mais il s'écoulait normalement », se rappelle un conducteur. « En revanche, nous avons eu des problèmes dès que la régulation a été instaurée ». Pour Alain Thill, cette décision est une « très grosse bêtise », totalement inefficace. « En Italie, il n'existe pas de système de régulation - exceptée celle quasi naturelle qui s'opère au péage de Turin - et le trafic s'écoule normalement. Les attentes oscillent entre trente minutes et une heure ». Selon lui, le problème de la saturation de cet axe routier aurait dû être étudié il y a vingt ou trente ans. « Je ne sais pas quelle est la solution - si tant est qu'il en existe une -, mais je ne pense pas que ce soit en mettant les camions sur les trains, ni en limitant le nombre de poids lourds, qu'on résoudra l'augmentation du trafic et les problèmes écologiques que cette situation engendre. »

Si l'exaspération ne se faisait pas sentir ce jour-là dans la file d'attente, elle demeure latente dans les camions, notamment en matière de respect des temps de conduite et de repos. « Si nous ne nous organisons pas pour faire nos coupures bien avant le passage du péage, nous pouvons rapidement être en infraction à cause de l'attente. J'ai vu plusieurs chauffeurs être obligés de s'arrêter sitôt la barrière passée », expliquait Alain Thill. « Il vaut mieux prendre son mal en patience car de toute façon nous ne pouvons rien faire, si ce n'est subir la situation ».

« Dissuader les chauffeurs de démissionner »
Alain Bogeat, gérant des Transports Bogeat

« Les chauffeurs en ont ras le bol d'être coincés pendant plusieurs heures », affirme Alain Bogeat, gérant des Transports Bogeat en Savoie qui comptent 30 salariés et 24 véhicules. « Pour nous, le surcoût lié aux attentes au péage de Saint-Michel n'est pas vraiment d'ordre financier, bien qu'on ait enregistré un peu plus d'heures et de nuitées supplémentaires que d'habitude. Il se chiffre plutôt en temps passé à discuter avec les chauffeurs pour les dissuader de démissionner. Ils ont vite fait de perdre une demi-journée dans leurs livraisons ». Pour ce chef d'entreprise, cette situation de crise ne peut pas durer. En revanche, il se refuse à prendre au sérieux la proposition - qu'il qualifie de « provocation » - de Jean-Claude Gayssot d'augmenter de 50 % le prix de la traversée du Fréjus, en vue de réduire le trafic routier au bénéfice du transport combiné. « Il ne faut pas oublier que les camions financent à 85 % des ouvrages tels que le Mont-Blanc et le Fréjus. Il serait mal venu de taxer davantage les transporteurs qui supportent déjà beaucoup de décisions préjudiciables. Mais, il y a des limites à ne pas franchir ». Quant au report du trafic routier sur le fer, Daniel Bogeat n'y croit pas :« Cette substitution n'est tout simplement pas possible. Car, en matière de livraisons, les transporteurs parlent en jour et la SNCF en semaine...»

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