En cas de problème juridique, les entreprises se tournent facilement vers leur organisation professionnelle pour un conseil. Les fédérations témoignent donc à la fois de l'abondance des règles de droit et d'une recrudescence des contrôles. Francis Jurion, secrétaire général de l'Unostra Franche-Comté, trouve parfois sur son bureau des dossiers rocambolesques : « Deux minutes de dépassement sur le chronotachygraphe et l'infraction est consommée ! » Une stricte application des textes conduit parfois à des situations ubuesques. Tel est le cas d'une entreprise qui doit répondre par exemple de plus de 2 000 infractions au Code du travail. Non seulement les contrôles sur des faits mineurs augmentent, mais les sanctions associées aux infractions s'alourdissent. Confirmation par Michel Mattar, secrétaire général de TLF Méditerranée : « Un protocole de sécurité qui n'est pas affiché dans les locaux de l'entreprise coûte très cher au dirigeant. Il se rend coupable d'une infraction par salarié et chacune d'elles est passible de 25 000 F d'amende ». En matière pénale, le juge peut estimer qu'une mauvaise rédaction de la feuille de route s'assimile à un faux et usage de faux. En cas de dépassement des heures de conduite, les chefs d'entreprises peuvent être accusés de mise en danger de la vie d'autrui. Jusqu'à présent, la jurisprudence n'a pas avalisé ces mises en accusation et personne n'a été condamné, mais les lois existent. Pour Isabelle Dupont-Friez, responsable juridique de la FNTR à Paris et ancienne avocate : « La notion de proportionnalité entre l'infraction et la sanction se perd. Mais, ce constat n'est pas propre au secteur du transport ».Jean Luc Allègre du réseau Judicial a lui aussi observé le phénomène en droit pénal : « L'accroissement des dossiers est remarquable au sens étymologique du mot. » Côté droit commercial, Jean-Luc Allègre constate que la modification de l'article 101 du Code du commerce par la loi Gayssot multiplie les affaires. Selon lui, cette tendance devrait se confirmer dans le futur.
Pour l'heure, les entreprises ressentent peu ce phénomène, même si Patrick Farvacques, commissionnaire de transport, reconnaît que sa clientèle l'interroge quant à la portée de cette disposition. « Le texte a été créé pour lutter contre l'affrètement sauvage, mais il risque de porter préjudice aux commissionnaires », souligne le dirigeant de SAMT. « Nous devons aujourd'hui prouver notre bonne santé financière pour travailler avec certains chargeurs. En réalité, j'attends de voir si, dans les années à venir, cette modification de l'article 101 prouvera son efficacité ».