Sanctionnés pour l'exemple ?

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Deux exemples d'entreprises sanctionnées par la CSA, l'une en Ile-de-France, l'autre en Franche-Comté. Dans les deux cas, les dirigeants évoquent leur impression d'être pris au piège d'une machine impossible à maîtriser. Témoignages.

«Je suis persuadé que le harcèlement dont nous faisons l'objet est la suite des problèmes que j'ai connu antérieurement avec mon ancienne entreprise », affirme Jean Fayolle, ex gérant de TransEurope à Etupes (25). Après les difficultés financières - « en cours de régularisation » - qui ont entraîné la fermeture de cette entreprise, l'homme s'est réorganisé, grâce à l'attestation de capacité passée par son épouse, au sein de la nouvelle SARL TIRF (Transports Internationaux Rochat Fayolle). « Trois ans après le début d'activité (transports internationaux en chimie, vins, ou machines industrielles), nous avons subi un contrôle fiscal, puis la visite de l'inspection du travail, avec contrôle des disques sur un an ». Nouveau problème : l'interprétation des disques par l'administration fait apparaître 8 % à 10 % de temps de travail supplémentaires, par rapport à la lecture faite par son SCAN IV. La vérification effectuée par un expert indépendant donne les mêmes résultats que le scanner maison, mais les procès-verbaux sont néanmoins dressés. Simultanément, deux des salariés entament une procédure prud'homale pour paiement des heures supplémentaires et repos compensateurs manquants, détectés par l'inspection du travail.

Dans ce climat général, le passage en commission de sanctions administratives intervient en janvier 1999. Les treize licences communautaires de l'entreprise sont suspendues pour un an, malgré la procédure d'appel auprès de la commission nationale. « Je ne sais faire que ce que j'ai toujours fait : l'international. Ma clientèle est en Suisse, en Allemagne. Du jour au lendemain, nous avons été cloués au sol, limités au transport régional. J'ai réussi à replacer cinq ensembles avec leurs chauffeurs, vendu deux camions. Le reste, je l'ai sur les bras. Nous allons tenter de tenir cette année, avant de reprendre, si possible... ». De plus, un contrôle général de l'entreprise, dans le cadre de la procédure pénale ouverte par l'inspection du travail, a fait apparaître quatre cent quatre-vingt infractions relatives, pour la plupart, à la durée du travail. Au cours de l'enquête, la gérante a effectué trente-six heures de garde à vue, et Jean Fayolle vingt-quatre. « Je ne trouve pas cette situation normale. Nous ne sommes pas des criminels, même si nous sommes responsables de la manière dont les chauffeurs manipulent leurs disques. L'administration a trop de pouvoir », conclut Jean Fayolle.

« Fort Alamo ». Technic Transport, Trans Distri (locataire - gérant de Technic transport) et les Transports Pouyade (rachetés par Technic Transport) sont gérées par Daniel Albigès dans la même zone industrielle de Villeneuve-le-Roi (94). Activité principale : la livraison de la grande distribution à partir de plates-formes régionales en région parisienne. Dans ce cas, c'est une tentative de diversification des activités qui a attiré l'attention sur l'entreprise, lorsque des transports ont été effectués en longue distance, avec un nombre insuffisant d'autorisations de zone longue. Les premiers PV dressés par la gendarmerie ont commencé à s'accumuler. « C'est vrai », reconnaît Gérard Antomarchi, responsable de l'exploitation, « que nous ne connaissions pas vraiment cet autre métier du transport qui rapporte de l'argent, mais aussi beaucoup d'autres contraintes. Nous avons arrêté l'expérience en 1998, après deux ans ».

En parallèle, un accord salarial est signé après une grève en mai 1998, faisant grimper la masse salariale d'environ dix pour cent. « Tous ces changements ont attiré un peu plus l'attention sur nous », raconte Daniel Albigès. « Un matin, une soixantaine de gendarmes sont arrivés dans la cour, avec l'inspection du travail et la DRE. C'était Fort Alamo ». De nouvelles infractions à la durée du travail sont relevées, « liées pour la plupart aux difficultés de livraison en région parisienne. Pour livrer Vitry, à sept kilomètres, il faut parfois une heure, quand il pleut. C'est ingérable ».Finalement, l'entreprise est citée devant la CSA. Une épreuve dans laquelle Daniel Albigès ne s'est pas vraiment senti soutenu par la profession : « J'ai plutôt le sentiment d'avoir servi d'exemple ».

S'il reconnaît avoir commis des erreurs, ou négligé certaines évolutions nécessaires pour l'entreprise, il conteste la violence des procédés employés. Pour autant, au final, la punition n'a pas été trop lourde : retrait de quatre-vingts licences pour Trans Distri, cinquante-neuf pour Technic Trans, et cinq sur Pouyade. Soit la disparition d'autorisations qui n'étaient plus utilisées, la tentative de diversification en longue distance ayant déjà été stoppée.

Conclusion du dirigeant : « Pour être bien dans tous les compartiments, social, conditions de travail, ambiance générale et cohésion de l'entreprise, il faudrait que les prix remontent de 20 %. Finalement, au temps de la TRO, nous vivions mieux... »

UNOSTRA PACA
La publicité est indispensable

Philippe Fournier, président de l'UNOSTRA en Provence-Alpes-Côte-d'Azur, considère les CSA comme un outil de défense de la profession.

« Dans ce genre d'affaires, la publication des décisions préfectorales, dans les entreprises ou dans la presse, est indispensable, sinon rien n'avancera. Parce que ceux qui s'acharnent, par leur comportement, à détruire la profession, ne craignent absolument pas les contrôles, encore moins leurs collègues, mais bien plus le jugement de leurs chargeurs ». Citant pêle-mêle ceux qui ignorent les visites médicales des chauffeurs ou les visites techniques des véhicules, voire les deux, qui obtiennent de nouvelles licences par le biais de prête-noms, sans que les trafics s'arrêtent durant la constitution de sociétés écrans, Philippe Fournier affirme que les organisations syndicales ont un grand rôle à jouer au sein des commissions. Ce, malgré le fait que les organisations syndicales « devraient être là pour défendre, en fait, elles sont là pour charger encore plus, si besoin », parce qu'il s'agit réellement de défendre le métier. On n'est pas des « Monsieur Propre », ni des gens plus forts que les autres, on se bat juste pour le sérieux de la profession. A ce titre, il se demande s'il ne faudrait pas compléter le dispositif par des sanctions financières, pendant la période de contrôle, « pour ceux qui ne comprennent pas ». De même, il réclame plus de pouvoir d'investigation pour les DRE, en matière d'attribution de titres de transport : « On ne regarde que le capital, et jamais les dettes, avant de donner des licences. »

Enfin, le président de l'UNOSTRA PACA estime que la présence active des organisations syndicales dans les CSA est un « bon moyen de ne pas laisser tout le pouvoir aux fonctionnaires, qui n'ont jamais admis le contrat de Progrès. En même temps, c'est un excellent moyen de ramener dans le rang ceux qui veulent s'amender ».

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