Le groupe allemand Dachser (7,8 milliards de francs de chiffre d'affaires) a repris 70 % des parts des Transports Graveleau (1,2 MdF de CA). Le solde reste sous « contrôle interne » : 5 % sont détenus par les cadres de l'entreprise vendéenne et 25 % par Joël Graveleau, son P-dg. Nommé au comité de direction de Dachser qui souhaite « profiter de son expérience », celui-ci conserve sa fonction à la tête de Graveleau. « Il n'est pas possible de diriger d'Allemagne une entreprise française », expliquent les représentants de Dachser. « Il faudra bien que je pense à laisser la place. Mais, il n'est pas souhaitable de le faire au moment où l'entreprise entre dans une phase de mutation. Laquelle doit être vécue et réalisée dans la sérénité », déclare pour sa part Joël Graveleau.
Graveleau reste Graveleau. Dans le même esprit de continuité, Transports Graveleau conservera son identité comme son management. Au delà de l'aspect capitalistique, ce rachat se présente moins comme une absorption que comme une fusion donnant naissance à une « nouvelle entité européenne ». « Nous travaillons avec Dachser depuis trois ans. Nous avons le même coeur de métier (messagerie rapide). Nos réseaux se complètent parfaitement. Nos savoir-faire technologiques sont très proches au point que la jonction de nos systèmes EDI a été faite en une demie-journée. Nos deux groupes ont la même culture familiale. Un élément très important pour moi car il marque beaucoup le management, l'esprit de l'entreprise. Enfin, Dachser est un groupe solide financièrement, réputé commercialement et affichant une forte ambition européenne », déclare le P-dg des Transports Graveleau qui a dû convaincre Dachser de prendre une participation majoritaire dans son entreprise. « Notre philosophie n'est pas d'acheter des entreprises, mais de travailler avec des partenaires. C'est sur cette base que nous étions en contact avec Joël Graveleau et c'est lui qui nous a proposé d'entrer dans le capital », reconnaît la direction de Dachser. Laquelle dit s'être laissée convaincre par « la qualité de service exceptionnelle dont Graveleau a fait preuve à l'occasion des trafics communs entre le sud de l'Allemagne et l'Alsace » mais également par le fait que « c'est une entreprise saine et équilibrée ».
Graveleau va bien. « Transports Graveleau va bien. L'an dernier, nous avons réalisé un bénéfice de 32,5 millions de francs pour un chiffre d'affaires de 1,52 milliard de francs. 1999 s'annonce même comme une année record », confirme Joël Graveleau. Si celui-ci a décidé de vendre l'entreprise, c'est pour en assurer la pérennité en trouvant à la fois une solution à sa succession et les moyens de son indispensable développement à l'international. « Depuis 1986, nous avons tissé un réseau d'alliances au niveau européen. En 1990, nous avons compris qu'il fallait nous implanter en propre dans certains pays et nous sommes donc installés en Allemagne, en Grande-Bretagne, au Portugal ou encore en Belgique où nous avons racheté Boulanger en 1995. Mais, pour poursuivre un fort développement international, des capitaux importants sont nécessaires. En particulier lorsqu'il s'agit d'intégrer également des activités logistiques. Les 100 millions de francs que nous investissons chaque année ne nous permettaient pas de réaliser des opérations de telle envergure », explique Joël Graveleau.
La solution idéale. La quête d'une solution idéale à ce double problème a pris deux ans. Écartée l'option partenariat commercial insatisfaisante à long terme : « Il y a toujours le risque de voir partir le partenaire », souligne Joël Graveleau, faisant sans doute allusion à sa rupture hivernale avec le groupe suédois ASG qui lui a préféré Heppner. Exclu également un partenariat capitalistique avec prise de participation d'un actionnaire minoritaire qui « puisque minoritaire ferait passer son intérêt avant celui de l'entreprise ». Éliminée aussi la solution d'une entrée en bourse qui ne réglerait ni le problème patrimonial, ni les besoins de financement au niveau européen. Refusée encore la vente à un groupe financier « dont le but est d'entrer pour réaliser une plus-value avant de ressortir ». Restait une seule solution : la cession à un transporteur. Il s'est alors agi de trouver le candidat idéal. « J'ai été approché par les postes mais je n'ai pas été plus loin dans les négociations. L'intégration n'aurait pas été pas facile et l'opération n'aurait pas été très rassurante pour les salariés. J'ai également éliminé les entreprises dont les réseaux faisaient doublon avec le notre comme celles dont la culture était trop différente », explique Joël Graveleau.
> Famille. En 1966, André, Henri, Joël et Serge Graveleau créent la SARL Transports Graveleau. Le capital sera ultérieurement concentré entre les mains de Joël pour « éviter tout risque de dispersion ». Après avoir ouvert une partie du capital à des financiers, la famille Graveleau en contrôle 83% des parts depuis 1997 .
> Messagerie. En 1972, l'entreprise abandonne son activité transport de voyageurs pour se concentrer sur la messagerie rapide. Elle commence alors à tisser un réseau national constitué aujourd'hui de 43 agences.
> Maghreb. En 1984, Graveleau s'implante au Maroc avant de créer une filiale en Tunisie en 1989.
> Europe. A partir de 1986, le messager noue des partenariats pour se lancer sur le marché européen . En 1990, il s'installe en propre en Allemagne et au Portugal. En 1993, il crée une filiale en Grande-Bretagne et acquiert, en 1994, 50% de son partenaire belge Boulanger. Il en reprend la totalité des parts en 1999.
> Pays de l'Est. Graveleau ouvre des agences en Hongrie (1991), en Pologne (1992) et en Roumanie (1997).
La « nouvelle entité » Graveleau/Dachser dispose d'un réseau de 110 agences en Europe dont 77 en France et en Allemagne. Ce qui la porte à s'afficher comme le leader sur l'axe franco-allemand. Sa couverture européenne s'étend à 9 autres pays : Autriche, Belgique, Danemark, Grande-Bretagne, Pays-Bas, Portugal et Hongrie, Roumanie, Pologne. Et même lorsqu'elles sont présentes dans le même pays, les deux entreprises se complètent: « En Grande-Bretagne, Graveleau est au sud et Dachser au nord. En Belgique, Boulanger est à la frontière française et l'unité Dachser (plus modeste) est essentiellement orientée sur l'Allemagne », assure Bernhard Simon, directeur commercial et responsable de l'international de Dachser.
Créée en 1930 et basée depuis lors à Kempten (Allemagne), Dachser est restée une entreprise à capitaux familiaux. Elle emploie 7 800 personnes, possède un parc de 3 350 unités de transport et dispose de 66 centres de profits dont 32 en Allemagne.
Le groupe traite 7,7 millions de tonnes de fret par an et pèse 7 milliards de francs de chiffre d'affaires. Son coeur de métier : la messagerie rapide où il réalise 43 % de son CA en national et 17 % en « euronational » (entre l'Allemande et les autres pays d'Europe). Dachser est aussi présent sur le marché du monocolis (8 % de son CA) avec le réseau DPD auquel il est associée en Allemagne (via 6 dépôts) ainsi qu'en Suisse et en Autriche.
Parallèlement, Dachser est un spécialiste des denrées périssables pour lesquelles il assure prestations transport et logistique qui génèrent 18 % de son CA. Le groupe allemand est également actif en aérien et en maritime (11 % du CA).
Dachser est plus mystérieux quant il s'agit d'évoquer ses résultats financiers. Ceux-ci ne sont ni publiés, ni dévoilés.