Depuis la fin de l'année 1998, la Deutsche Post, entreprise publique allemande, s'appuie sur son monopole postal national pour réaliser une fulgurante série d'opérations de croissance externe. Dernier rachat en date : l'OPA sur le Suédois ASG, après les acquisitions de Nedlloyd, de Danzas ou de Ducros Services Rapides, pour ne citer que les principaux. Deutsche Post contrôle, aujourd'hui, plus de 50 milliards de francs de chiffre d'affaires européen en messagerie, transport routier de marchandises générales, logistique ou commission de transport. En quelques mois, elle est devenue, de loin, le premier opérateur européen. Elle a dépensé ainsi des milliards d'euros. Et, ce n'est pas terminé. D'autres rachats semblent envisagés. Des investissements importants devront encore être consacrés à consolider et structurer la multitude de sociétés et d'activités acquises. C'est déjà le cas de Ducros, qui vient d'annoncer une prochaine augmentation de capital.
Dans ces conditions, quel retour sur investissement espèrent les postiers allemands ? Et quel intérêt pourront trouver des investisseurs à entrer dans le capital d'un tel monstre, dont la privatisation, pourtant promise par l'Etat allemand sous forme d'une entrée en bourse, devient de plus en plus hypothétique. Au point qu'on peut se demander si elle a jamais été réeellement envisagée. C'est que la Deutsche Post s'est singulièrement écartée de ses premiers objectifs de prise de parts de marché en messagerie, justifiés alors par la future libéralisation postale européenne. Sa stratégie perd aujourd'hui toute validité économique, et s'affirme de plus en plus comme l'expression d'une volonté de puissance. Une puissance économique généralement recherchée par les Etats quand ils nationalisent un secteur d'activité, pour en contrôler la destinée. Serait-ce l'ambition européenne de la Grande Allemagne réunifiée ?